Sign in / Join
La policière Katia Sastre, à gauche (Governo de Estado de S. Paulo/DR)

Ça fait du ramdam au Brésil : louanges et polémique après la réaction de la policière de Suzano

(Capture écran)

Les images de la réaction d’une policière samedi 12 mai devant une école de Suzano (São Paulo) ont fait le tour du monde. Alors qu’un groupe de mères de famille et leurs enfants était rassemblé à l’occasion de la fête des mères devant l’établissement scolaire, un homme de 21 ans s’est avancé vers elles en les menaçant d’une arme. Katia da Silva Sastre, policière militaire qui n’était pas en service ce jour-là et qui faisait partie du groupe menacé, a sorti son arme et abattu sans sommation le braqueur, qui serait parvenu à tirer deux fois. La scène a été enregistrée par une caméra de vidéosurveillance.

Le braqueur, Elivelton Neves Moreira, est décédé des suites de ses blessures dans la journée de samedi. Le geste de la policière, visionné des des millions de fois dans les journaux télévisés et sur YouTube, a rapidement été applaudi sur les réseaux sociaux. « Félicitations à toutes les mères du Brésil merveilleusement représentées par la mère policière militaire qui a envoyé un bandit en enfer hier à Suzano, pour défendre la population », résume ainsi @VidigalThiago sur Twitter.

Les autorités se sont vite joint au concert d’applaudissements. Dès le dimanche 13 mai, le gouverneur de l'Etat de São Paulo, Marcio França (PSB), offrait des fleurs à la policière lors d’une cérémonie rendant hommage « à sa dextérité, sa technique et son courage », comme le rapporte la Folha de S. Paulo. « Nous ne pouvons qu’exalter le courage dont vous avez fait preuve, vous auriez pu rester en retrait dans cette situation, vous n’étiez pas en service », a déclaré le gouverneur.

Et si le plan de la policière s’était enrayé comme s’est enrayée l’arme du criminel ? Et si un enfant terrorisé avait été touché ?

Mais quelques voix dissonantes (bien que minoritaires) se sont aussi fait entendre dans ce concert de louanges. Certaines pour critiquer le geste de la policière. Pour Nathali Macedo, ce geste est un symbole de l'irresponsabilité-spectacle, comme elle l’écrit pour le site Diariodocentrodomundo : « Et si le plan de la policière s’était enrayé comme s’est enrayée l’arme du criminel ? Et si un enfant terrorisé avait été touché ? Et si ça devenait une mode dans ce pays qui adore attacher les agresseurs à un poteau et les fouetter devant les caméras ? Au lieu de donner des fleurs à la policière, la corporation devrait traiter cette situation avec davantage de réalisme : réagir à une agression n’est ni joli ni recommandable, nous ne sommes pas dans un film policer. »

Obscénité

D’autres critiques se sont concentrées sur l'obscénité qu’il y a à se réjouir de la mort d’un homme. Sur UOL, le blogueur Leonardo Sakamoto s’inquiète ainsi de voir une partie grandissante de la population profiter de ce genre d’événements pour réclamer une généralisation du port d’armes. « Cela démontre deux choses. D’une part, l’ignorance du fait que les policiers sont longuement entraînés pour réagir dans des situations critiques. Et d’autre part, il faut être un grave sociopathe pour ne pas voir qu’il est problématique de célébrer la mort d’une autre personne. »

La police militaire sauve des vies tous les jours et ne gagne pas de médailles pour ça.

Reste la récupération politique de la réaction de la policière, elle aussi la cible ce critiques. Pour Rafael Alcadipani, professeur de la fondation Getulio Vargas, l’hommage rendu par le gouverneur Marcio França est une posture « populiste et irresponsable ». « L’hommage incite les policiers à réagir davantage, a-t-il expliqué à la Folha de S. Paulo. On ne peut pas donner des fleurs et des médailles pour récompenser des actions où il y a des morts. La police militaire sauve des vies tous les jours et ne gagne pas de médailles pour ça. » Par ailleurs, comme le relève le quotidien, le commandant de la police militaire de l’Etat, le colonel Marcelo Vieira Salles, avait indiqué récemment qu'il souhaitait éviter d’exalter les réactions aux agressions pour réduire le nombre de personnes tuées par des policiers. Dans l’État de São Paulo, il s’est élevé à 943 morts en 2017, en hausse de 10 % sur un an. Un record depuis 2001.

Laisser une réponse