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(Flickr/Unaids)

Comprendre le Brésil en un mot : c’est quoi cette cordialidade/cordialité ?

Ancien cadre dirigeant d’une grande entreprise française au Brésil, Christian Pouillaude a vécu, travaillé, voyagé au Brésil depuis plus de 40 ans. Passionné de musique brésilienne (au point de collaborer avec Radio Latina) et de tout ce qui touche à son pays d’adoption, il vit aujourd’hui dans la ville de son épouse, Rio de Janeiro, et collabore avec Bom Dia Brésil à travers une chronique mensuelle intitulée Palabres. Palabres, car on ne peut pas comprendre le Brésil sans saisir toutes les nuances de certains mots du vocabulaire brésilien. Palabres, car ce sont des mots qui prêtent à la réflexion et à la discussion. Le quatrième volet de cette chronique se penche sur la cordialidade/cordialité. Vous pouvez la découvrir en version podcast ou simplement la lire ci-dessous.

Le Brésilien est par excellence « l’homme cordial » (« homme » au sens générique du terme, bien évidemment !). C’est le père de la sociologie brésilienne, Sérgio Buarque de Holanda (qui est aussi le père du chanteur et romancier Chico Buarque) qui l’affirmait en 1936 dans son livre fondateur : Racines du Brésil. Il détaille : oui, le Brésilien est reconnu par les visiteurs étrangers pour son affabilité, son hospitalité, sa générosité. Il précise bien que tout cela n’a rien à voir avec de la politesse. Il explique que cette cordialité est « l’expression légitime d’un fond émotif extrêmement riche et débordant ». Oui, sans nul doute, le Brésilien est un affectif, un sentimental, naturellement empathique dans ses relations personnelles.

« Le Brésilien est vrai. Son amabilité est sans calcul. »

Sérgio Buarque illustre son propos avec cet usage sans limite que les Brésiliens font des diminutifs, qui rendent tout plus proche, plus familier, plus « cordial » : « uma menininha bonitinha ! ». Il parle aussi de cette habitude bien brésilienne d’appeler les gens par leurs prénoms ou par leurs surnoms, dans une familiarité qui donne l’impression de passer à travers les hiérarchies et les barrières sociales. Gilles Lapouge, écrivain et journaliste français, fin connaisseur du Brésil, confirmera ce point de vue quelques décennies plus tard : « Le Brésilien est vrai. Il suit les inclinaisons de son cœur […] Son sourire vient du fond de l’âme. Son amabilité est sans calcul. »

« La gentillesse génère la gentillesse »

Pour l’étranger qui vit ici, cette cordialité saute aux yeux….et aux oreilles ! C’est la gentillesse quotidienne et spontanée du sourire, du systématique « Bom dia », du « Oi, como vai ? », du « Tudo bem », du « Meu amigo », des amis qui n’oublient jamais les dates d’anniversaire. C’est la constante disponibilité pour dépanner, pour aider, pour se mobiliser. La gentillesse finit toujours par désarmer toute résistance car c’est bien connu : « la gentillesse génère la gentillesse ». Le français sceptique et râleur pensera au fond de lui-même : c’est trop, c’est sirupeux, c’est complètement superficiel ! Oui, peut-être - et encore ! - mais c'est tellement agréable ! Ça fait chaud au cœur, on se sent moins seul, on se sent aimé.

Bon, tout ça, c’est bien beau mais, me direz-vous : un peuple si cordial et 60 000 homicides par an ? Oui, c’est un fait : c’est tout le Brésil et ses contradictions. Les deux choses cohabitent : une extrême gentillesse individuelle et une extrême violence sociale, en même temps.

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