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Katia Adler (Cristina Granato)

« En vingt ans, on a réussi à fidéliser un public autour du cinéma brésilien »

Du 3 au 10 avril, le cinéma L'Arlequin accueillera la vingtième édition du Festival de cinéma brésilien de Paris. Bom Dia Brésil s'est entretenu avec Katia Adler, sa fondatrice.

Comment est née l'idée de ce festival dédié au cinéma brésilien ?

Je vivais en France depuis assez longtemps et je me sentais coupée du Brésil. J'ai fait des études de cinéma à Paris 8, puis j'ai commencé à travailler dans le milieu audiovisuel. Quand on parlait du Brésil en France, on en parlait mal, évoquant seulement la violence, les accidents... Je voulais défendre mon pays et montrer une image plus positive en distribuant des films brésiliens. Mais c'était à l'époque où Collor était au pouvoir et il n'y avait que très peu de films produits, entre deux et trois par an. Alors est venue l'idée de créer un festival qui mettrait en valeur le cinéma brésilien. Au début, on proposait des thématiques, comme l'Amazonie, la littérature, la musique...

Le festival a-t-il pris un autre tournant quand la production cinématographique a repris de la vigueur ?

En vingt ans, il y a en effet eu énormément de changements dans ce domaine. Le Brésil est comme une petite boîte qui contiendrait des tas de petites surprises. Avant, il n'y avait pas d'industrie du cinéma au Brésil ; désormais il y en a une. Par exemple, en 2017, 160 films ont été produits. Aujourd'hui, le cinéma brésilien marche très bien.

Qu'est-ce qui a engendré ce changement ?

Ce sont des décisions politiques qui ont permis une évolution, grâce à plus de financements. Il y a notamment eu la création d'une taxe  : quand on regarde une vidéo sur le portable, un impôt est payé par les grandes entreprises de télécommunication (taxe de la Condecine ndlr). Actuellement il existe une discussion pour taxer également les plateformes de vidéos à la demande. Ces sommes sont ensuite reversées au milieu cinématographique. Les Etats, à l'image des régions en France, essayent également d'offrir plus de subventions. Il y a quelques années, on a par exemple vu beaucoup de films tournés dans le Pernambuco, grâce à ces aides financières. C'est une bonne manière de montrer qu'il n'y a pas que São Paulo et Rio.

Comment pourriez-vous définir la production actuelle ?

On fait un peu de tout au Brésil : des comédies, des films indépendants, des films d'animation... On peut distinguer trois types de films. Tout d'abord, les comédies qui remportent de grands succès ; mais ce ne sont pas des films qui s'exportent à l'international. Puis les films qui circulent dans le monde, dans des festivals à l'étranger mais qui ne marchent pas très bien au Brésil. Et enfin les films qui sont un peu entre les deux : ils font 100.000 à 200.000 entrées au Brésil et vont aussi fonctionner à l'international. Le problème que traverse actuellement la distribution, c'est la difficulté de sortir dans plusieurs salles et de rester à l'affiche, du fait du grand nombre de films produits chaque année.

Gabriel et la montagne, l'un des succès brésiliens de ces dernières années (DR)

30 films seront présentés cette année durant le festival. Comment sont-ils sélectionnés ?

Depuis le début, c'est moi qui me charge de la sélection. Ayant vécu en France pendant 24 ans, je pense bien connaître le goût des Français, qui sont très curieux. Je vois beaucoup de films dans les festivals et maintenant, les producteurs me connaissent, donc ils m'envoient eux-mêmes des films. Cette année, nous allons présenter un panorama de la production actuelle, afin d'en montrer la diversité. Comme il s'agit de la vingtième édition, nous allons aussi montrer les grands films des 20 dernières années. Beaucoup d'artistes ont répondu présents pour venir au festival. Nous accueillerons donc notamment Vincent Cassel pour l'ouverture du festival, Julia Rezenda, réalisatrice de La Vie est mal foutue, Katia Mesel, qui a réalisé L'Etoile des Amériques et Fellipe Barbosa, réalisateur de Gabriel et la montagne.

Des nouveautés cette année ?

On a en effet créé un partenariat avec le festival d'animation d'Annecy pour deux films, destinés à la jeunesse. On aimerait y faire venir les écoles où sont proposés des cours de portugais. On lance aussi un festival en ligne. Comme le festival est organisé à Paris, on souhaitait trouver une solution pour que la province puisse accéder aussi à ces films : 11 d'entre eux pourront donc être vus via internet durant un mois, du début du festival jusqu'au 2 mai.

Pendant de nombreuses années, entre trois et cinq films brésiliens étaient distribués en France. Aujourd'hui, on est passé à huit à dix films par an.

Vous vivez de nouveau au Brésil depuis 10 ans. Pourquoi continuer le festival ?

Parce que, malgré les difficultés de financement, je n'arrive pas à arrêter ! Et puis grâce à ce festival, on a bâti quelque chose pour le cinéma brésilien, dans une ville importante dans le monde du cinéma. On a donc une petite place. C'est un travail de fourmi, mais en vingt ans, on a réussi à fidéliser un certain public. En moyenne, on compte 5.000 à 6.000 spectateurs.

Quelle est la place du cinéma brésilien en France justement ? Les Français le connaissent bien ?

Pendant de nombreuses années, entre trois et cinq films brésiliens étaient distribués en France. Aujourd'hui, on est passé à huit à dix films par an. Le cinéma brésilien a d'ailleurs rencontré de beaux succès avec des films tels que Seconde mère, Aquarius ou encore Gabriel et la montagne. Le grand public connaît en général Cidade de Deus et Central do Brasil. Quant aux cinéphiles, ils connaissent en général bien le Cinema Novo. Mais ce sont les gens qui fréquentent beaucoup les salles de cinéma - surtout à Paris - qui sont plus amenés à connaître les films cités ci-dessus. Il y a quelques années, le jury était composé de professionnels français (réalisateurs, acteurs, producteurs) et ils étaient toujours surpris de découvrir l'existence de ce cinéma. Car du Brésil, on connaît plus souvent la musique que le cinéma.

Selon vous, qui sont les réalisateurs à suivre de près ?

Gustavo Pizzi avec Benzinho, Marcelo Caetano avec Corpo Eletrico, Daniel Rezende avec Bingo, Fabio Meier avec Les deux Irenes sont à mon avis des valeurs sûres, car ils font de très beaux films. Ils seront d'ailleurs tous présentés lors du festival de cette année.

Vos derniers coups de coeur ?

Cette année, j'ai beaucoup aimé : Le Film de ma vie de Selton Mello, Place Paris de Lucia Murat, La vie est mal foutue de Julia Rezende, mais aussi Bingo de Daniel Rezende. J’espère qu’ils trouveront un distributeur en France.
Pour consulter l'intégralité du programme du festival, cliquez ici. Vous pouvez également acheter vos billets en ligne.

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