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L'immeuble Wilton Paes de Almeida (Rosa Rovena/Agência Brasil)

Immeuble effondré à São Paulo : la politique de logement mise en cause dans la presse

L’incendie puis l’effondrement mardi 1er mai de l’immeuble Wilton Paes de Almeida, dans le centre de São Paulo,  a fait la Une de la presse ces derniers jours.

Dans un premier temps, les médias brésiliens sont revenus sur le travail des secours pour essayer de localiser les disparus. On sait que 146 familles vivaient illégalement dans cet édifice de 24 étages. Et G1 rappelle que pour le moment une victime est à déplorer, « un homme que les pompiers essayaient de sauver au moment où l’immeuble s’est effondré », mais évoque également la recherche « de 44 personnes encore introuvables ».

Reste désormais également à déterminer les causes de la tragédie. Selon Agência Brasil, « un accident domestique est la principale hypothèse pour expliquer l’incendie », et plus précisément, « l’explosion d’une bouteille de gaz ou d’une cocotte minute ». Citant le secrétaire de la sécurité publique de l’Etat, Mágino Alves, le site d’information précise qu’il y était également question « de la dispute d’un couple », mais que « tout cela allait être étudié en temps voulu ». « Des survivants racontent avoir entendu un couple se disputer et juste ensuite, une explosion » rapporte également Agência Brasil. La Folha de S. Paulo ajoute que c’est l’Institut criminalité de São Paulo qui sera chargé d’analyser les objets recueillis sur le site de l’accident.

Des questions autour de la politique de logement

Les familles rescapées ne veulent pas se rendre dans des abris (Rosa Rovena/Agência Brasil)

Mais la situation des survivants est également évoquée. O Globo explique ainsi que « la grande majorité des rescapés ont passé les deux dernières nuits aux alentours de l’immeuble effondré », « sur des vieux matelas disposés autour de l’église Nossa Senhora do Rosario et ont refusé de se rendre dans des abris ». Le quotidien explique qu’ils craignent de s’y orienter « car ils pensent qu’on les y oubliera et qu’aucune solution durable de logement ne sera alors trouvée pour eux ». L’Estadão a recueilli le témoignage de Fagner Apolinário da Silva : « Nous voulons un logement décent. Nous ne sommes pas des sans abris. Nous ne partirons que quand la mairie et le conseil municipal nous auront alloué un logement. Ce ne sont que des mensonges cette histoire de liste d’attente pour un logement. On va mourir dans cette file d’attente sans jamais obtenir quoi que ce soit ». La population a toutefois été fortement touchée par le sort de ces familles et leur a fait de nombreux dons d'affaires. Au point toutefois, souligne Veja, qu'ils sont désormais obligés de refuser les dons de vêtements et de nourriture, notamment parce l'église ne dispose pas d'une cuisine pour préparer les repas. En revanche, les couches et produits d'hygiène sont bienvenus.

La situation précaire de ces familles a attiré l'attention sur le nombre d'immeubles occupés ainsi de manière illégale, mais où les familles payent entre « 100 et 500 reais » d'après G1 à des soit-disant représentants d'associations sociales pour avoir un toit. Le maire de São Paulo Bruno Covas évoquait ainsi « 70 autres immeubles du Centre » dans la même situation, selon Agência Brasil. Il a par ailleurs déclaré que des inspections de sécurité y seraient menées par la Défense civile. Mais pour beaucoup, cette tragédie a soulevé la question des problèmes de logement. Ainsi, Raquel Rolnik, architecte et urbaniste, déclare-t-elle au Huffington Post que « la politique des logements au Brésil est une véritable tragédie. Le site rappelle d'ailleurs que « ce sont presque huit millions de personnes qui résident dans des bâtiments inadaptés, selon un rapport de l'Organisation des nations unies établi pour Moradia Adequada ».  L'architecte met en avant la nécessité de ces personnes à trouver des solutions seules, les politiques menées n'étant pas efficaces :  « Les occupations sont l'unique alternative. Cela est dû à la spéculation du marché, à la nécessité et au droit au logement pour ces gens, associées à l'absolue inactivité des politiques publiques à résoudre ce problème ». Elle dénonce aussi les opérations régulières visant à évacuer de différents points, et notamment Cracolandia, les sans abris : « Ce sont ces mêmes personnes qui ont dû quitter le quartier de Campos Eliseos la semaine dernière qui se trouvaient dans l'immeuble qui s'est effondré à Paissandu. Les personnes sont évacuées, mais pour aller où ? Ou elles restent dans la rue ou elles se rendent dans un immeuble occupé. C'est cette question que la tragédie met clairement sur la table. »

Deux symboles paulistes disparus

Certains titres évoquent également la disparition d'un bâtiment important dans l’histoire architecturale de São Paulo, classé depuis 1992. « Il a été une icône architecturale de São Paulo, estime le Huffington Post. Erigé dans les années 1960, c’est l’oeuvre de l’architecte Roger Zmekhol, formé à la Faculté d’architecture et d’urbanisme de l’université de São Paulo, où il a été professeur ». G1 rappelle ainsi qu'il était destiné à être le siège de la Compagnie commerciale des vitres du Brésil, avant d'être celui de la Police Fédérale et de l'INSS. C'est en raison de nombreuses dettes que le bâtiment appartenait à l'Union depuis 2002. Fernando Túlio Salva Rocha Franco, président de l'Institut des architectes du Brésil (IAB) a évoqué pour G1 l'originalité de cet édifice : « Il a été marquant du fait d'une expression relativement audacieuse. C'était un immeuble moderniste, un des premiers à avoir une façade en verre à São Paulo ». BBC Brasil évoque des projets de revitalisation élaborés par les architectes français de Coloco et Exyzt, entre 2007 et 2009. Parmi ceux-ci, Philippe Rizotti qui s'est dit être surpris de l'effondrement du Wilton Paes de Almeida, qui « semblait avoir une structure solide » selon lui. L'architecte explique également que les travaux étaient estimés entre 4,1 et 5,5 millions de reais et que des discussions avaient été menées avec le Sesc de São Paulo, déjà à la tête de divers centres culturels. Faute de financements, le projet avait été abandonné en 2010.

Dans l'accident, un autre bâtiment classé a été atteint : le temple de l'église évangélique luthérienne de São Paulo a été partiellement détruit. Construit en 1908, c'est « le premier bâtiment en style néo-gothique à avoir été construit dans la capitale » rappelle O Globo. L'intérieur avait été rénové l'an passé et l'extérieur était en cours de restauration. Les vitraux provenaient de l'atelier ayant également fabriqués ceux du Marché et du Théâtre municipaux. L'orgue centenaire fabriqué en Allemagne et évalué à un million de reais, selon la Folha, n'a en revanche pas été trop endommagé. « Il ne reste presque que la tour de l'église, a ainsi déclaré le pasteur Frederico Carlos à O Globo. Une partie de l'histoire de São Paulo a disparu. »

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