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Jean-François Rauzier : « Avec mes hyperphotos, je parviens à reproduire un voyage »

Avec Hiperfoto - Brasil, le photographe français Jean-François Rauzier joue avec la réalité de quatre villes brésiliennes : Salvador, Rio de Janeiro, Brasilia et São Paulo. A coup de clichés multiples, il imagine des combinaisons et superpositions d’images créant un jeu avec le spectateur, ainsi que des univers oniriques et fantastiques, où réel et imaginaire se côtoient. Alors qu’il était au Brésil pour l’ouverture de son exposition, organisée au Centre culturel de São Paulo (CCSP) jusqu’au 6 mai, Bom Dia Brésil l’a rencontré.

En quoi consistait votre travail de photographe avant les hyperphotos ?

Je suis photographe depuis près de quarante ans. Pendant de nombreuses années, j'ai fait des photos de publicité. Ce qui a été un bon exercice, car cela matérialise ce qui est de l'ordre du fantasme. Mais je trouvais que la photo avait quelque chose de décevant par rapport à la peinture ou à l'écriture par exemple. Quand Marco Polo raconte ses voyages, il parvient à embellir la réalité avec des mots. C'est la même chose pour la peinture. Mais ce n'est pas possible avec une photo, plus réductrice.

En quoi l'avènement du numérique a-t-il offert un tournant à votre carrière ?

J'ai toujours aimé l'art et pratiqué la sculpture et la peinture. Mais en 2000, quand est arrivé le numérique, ça a été le déclic que j'attendais. J'ai tout de suite arrêté les photos de publicité et commencé à réaliser des photos mosaïques, avec des grands paysages comme sujets. Cela avait quelque chose de très surréaliste. Pour photographier l'architecture, il n'y avait auparavant que le rendu en 2D, ce qui n'est pas la même chose que de se déplacer dans les lieux. Avec mes photos, mes hyperphotos, je parviens à reproduire un voyage, en réalisant comme des vidéos avec un arrêt sur image. Je me considère désormais comme un photographe-plasticien. Etre artiste, c'était un besoin irrésistible pour moi.

Si votre travail vous a d'abord mené vers les grands espaces, vous vous êtes bientôt tourné vers des villes du monde entier...

Jean-François Rauzier multiplie les détails dans ses hyperphotos (Jean-François Rauzier)

Je produis des photos très fouillées et assemble des détails. Donc les villes m'ont en effet rapidement attiré. La ville correspond également plus à notre mode de vie. Je parcours le monde pour remplir le rôle de départ du photographe, qui est de témoigner. Etre photographe-plasticien n'ôte pas cette notion de photographe-témoin qui rapporte ce qu’il a vu. J'ai donc photographié d'abord la France, puis l'Angleterre, les Etats-Unis, la Chine, la Turquie, l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan et le Brésil bien sûr.  C'est un projet qui s'est un peu créé par hasard d'ailleurs. J'ai rencontré une personne qui vit entre la France et le Brésil qui aimait mon travail et m'a proposé de venir photographier ce pays et y monter des expositions.

Vous avez photographié Rio, Salvador, Brasilia et São Paulo. Pourquoi ces villes-là précisément ?

J'ai photographié les trois capitales historiques, avant de terminer par São Paulo, la capitale économique. C'est tout d'abord par Rio que j'ai commencé avec l'idée de proposer une exposition à l'occasion des 450 ans de la ville, en 2015. Ce qui a pu se réaliser puisque nous avons organisé une exposition au Musée d'histoire nationale, grâce à l'aide de la Caixa Segudora. A partir de ce moment-là, je suis venu chaque année photographier une ville, puis l'année suivante exposer les oeuvres achevées. A Brasilia, cela a été au Musée national, à Salvador au MAM et cette année au CCSP. Des lieux incroyables à chaque fois et ce sont sans doute les plus belles expositions que j'ai faites, avec des équipes brésiliennes extrêmement professionnelles.

Comment créez-vous ces hyperphotos ?

Mon travail, c'est 5 % de prise de photos et 95 % de post-production. Je me rends dans la ville durant une dizaine de jours ; je réalise alors environ 10.000 clichés par jour, prenant bien tous les détails de chaque lieu, chaque bâtiment, dans une logique de photo systématique. Puis c'est un logiciel qui réalise automatiquement le travail d'assemblage de ces mosaïques. Ensuite vient un long travail pour détourer, enlever les voitures, etc. Au Brésil, nettoyer les fils électriques a été un sacré défi ! Puis pour chaque ville, je sais que je vais réaliser une Veduta, une image panoramique très détaillée, une Babel, une image de construction en hauteur, et aussi réaliser un projet autour des monuments importants.

Avant d'arriver dans la ville, savez-vous exactement ce que vous allez vouloir photographier ?

Chaque ville donne naissance à des images uniques que je ne pense pas refaire. Les idées viennent une fois que je suis dans la ville. Par exemple à Brasilia, j'ai été marqué par les bâtiments de Niemeyer et par les collections d'art moderniste qu'ils renferment, qui m'ont fait penser à l'art de Fernand Léger par exemple, à l'art moderniste français dont je visitais les collections avec mon père. A Salvador, je me suis concentré sur les parties historiques, car du fait de l'insécurité il n'est pas possible d'aller partout non plus. J'ai été très marqué par le syncrétisme de la capitale bahianaise. Quant à Rio, c'est une ville lumineuse, j'ai beaucoup aimé la photographier. Ça a été plus compliqué pour São Paulo, qui est une ville plus difficile à appréhender. Je suis venu quatre fois, car la première fois je ne voyais pas du tout quoi faire. Et puis en découvrant de plus en plus, j'ai appris à l'apprécier. C'est une ville très agréable. Je me suis plus penché sur son monde underground.

Informations pratiques :
Centro Cultural São Paulo, Rua Vergueiro, 1.000
Jusqu'au 6 mai 2018
Du mardi au vendredi, de 10h à 20h ; samedi, dimanche et fériés, de 10h à 18h
Gratuit

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