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Le premier tour de l’élection présidentielle vu par la presse brésilienne

Une « Vague Bolsonaro » pour l'Estado de S. Paulo, « de droite » pour la Folha de S. Paulo, « de conservatisme » pour El Pais, qui devient même « tsunami » pour deux chroniqueurs de la Folha et de l’Estadão. L’image évoquée est la même ce matin dans de nombreux titres des différents journaux et sites d’information brésiliens pour évoquer le résultat du premier tour de l'élection présidentielle au cours de laquelle Jair Bolsonaro est arrivé largement en tête, devançant le candidat du Parti des travailleurs, Fernando Haddad. Ainsi, pour O Globo, le Brésil oscille désormais « entre bolsonarisme et pétisme ».

Dans son édito, l’Estadão souligne que le choix que les électeurs brésiliens seront amenés à faire lors du second tour, qui aura lieu le 28 octobre, sera « très difficile ». Selon le quotidien pauliste, il va en effet « opposer deux candidats qui se nourrissent d’antagonisme, celui même qui semble prédominer actuellement dans la société brésilienne, à gauche et à droite. Pour la première fois depuis la redémocratisation du pays, il n’y aura pas de candidat centriste dans l’étape finale de la dispute. Ainsi, l’électeur qui traditionnellement privilégiait la modération a cette fois-ci fait le choix des extrêmes, révélant ainsi sa lassitude vis-à-vis de la politique traditionnelle, après des années où se sont enchaînés les divers scandales ».

Le « Nordeste dernier bastion de la gauche »

Fernando Haddad et Jair Bolsonaro (DR)

L’ensemble des médias met en avant l’opposition géographique face aux résultats de ce premier tour : O Globo explique ainsi que si « Bolsonaro domine le vote dans le Sud et Sud-Est », « le Nordeste résiste et devient le dernier bastion de gauche ». Pour la Folha de S. Paulo, c’est même le « Nordeste qui mène les élections au second tour ». Car ce matin, tous les analystes s’accordent à dire qu’« il s’en est fallu de peu pour que Bolsonaro ne passe dès le premier tour de ce scrutin ». Il s’est en effet imposé dans quatre des cinq régions brésiliennes, le Nordeste étant la seule exception du fait « du prestige de Lula dans la région » ajoute O Globo. Selon la Folha, le candidat du Parti social libéral (PSL) se détache principalement dans les communes où la qualité de vie est meilleure (58 % de votes dans les communes les plus riches, contre 18 % dans les communes les plus démunies), à l’inverse du candidat du PT qui lui tire son épingle du jeu dans les communes les plus pauvres (60 % des votes, contre 20 % dans les communes les plus aisées).

Concernant la suite de la campagne, El Pais évoque la forte division de la population. Le site rappelle que Jair Bolsonaro et Fernando Haddad abordent la seconde phase de ces élections en étant les candidats les plus rejetés par l’électorat, respectivement par 43 et 36 % des électeurs, selon une enquête du 6 octobre. L’Estadão souligne par ailleurs que leurs deux électorats « sont aux antipodes ». Mais Eliane Cantanhêde, chroniqueuse de l’Estadao, voit le candidat du PSL se lancer dans ce duel dans « de meilleures conditions » et avec « un franc avantage ». Alberto Carlos Almeida, de la Folha, estime quant à lui que « la situation profite à Bolsonaro », mais « la compétence favorise Haddad », rappelant que ce dernier a déjà été amené à gérer en tant que maire la ville de São Paulo. « Bolsonaro a construit l’image d’un candidat qui allait améliorer tout ce qui se passait ici. Il s’est fait fort de montrer qu’il était décidé et qu’il en avait les moyens. (...) Sur le plan électoral, cela vaut bien plus qu’une proposition détaillée de la réforme des retraites », ajoute-t-il. Selon lui, Haddad a utilisé une stratégie bien différente, donnant « l’image d’un candidat qui rétablirait des droits perdus par les travailleurs et augmenterait le pouvoir d’achat des foyers. Pour cela, une photo prise avec Lula vaut plus que mille mots et un plan de gouvernement ».

Des difficultés à affronter pour les deux candidats

Pour les deux candidats, Roberto Romano, professeur de philosophie de l’université de Campinas prévoit des moments difficiles. Si le centre a déjà annoncé apporter son appui à Bolsonaro, il se demande « quel sera le prix à payer » et si le candidat du PSL aura « les moyens de s’acquitter de la facture », explique-t-il dans un entretien accordé à l’Estadão. Concernant Haddad et le PT, Roberto Romano estime que la stratégie adoptée vis-à-vis de Ciro Gomes (Parti démocratique travailliste - PDT) - qui a terminé troisième du premier tour, riche de 12,47 % de votes - n’a pas été des plus pertinentes, et que « renouer des liens profonds en moins d’un mois est impossible ». Certains des électeurs du candidat du PDT pourraient alors « faire le choix de l’abstention ». Mais il reproche également au PT d’avoir toujours tout misé sur la figure de Lula : « C’est une erreur traditionnelle du PT (...). Aujourd’hui Lula est en prison, et il n’y a aucun leader du parti sur le plan national. (...) Cette erreur stratégique peut avoir des conséquences fatales ». Il voit dans tous les cas le Brésil sortir de cette élection « divisé » et dans « une situation très tendue sur les plans sociaux et politiques ».

Celso Rocha de Barros, de la Folha, choisit de mettre en avant la responsabilité morale du PT, disant qu’il « va devoir sauver la démocratie ». « Si le PT perd face à Bolsonaro, il y a une réelle possibilité que les Brésiliens les plus pauvres ne soient plus entendus par le système politique durant toute une génération. Le PT n’a pas le droit d’imposer cette tragédie aux pauvres en étant incompétent ou radical », conclut-il.

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