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La Rocinha, à Rio (Ronald Woan/Flickr)

Les favelas tours remis en question par la crise de la sécurité à Rio

« Mais enfin, quelle idée d’aller faire du tourisme dans les favelas. Est-ce que je vais me promener dans les banlieues défavorisées quand je voyage à Paris ? » Comme de nombreux Cariocas, Paolo, résident de la Zona Sul de 57 ans interrogé par Bom Dia Brésil, est remonté après la mort d’une touriste espagnole à Rocinha le 23 octobre dernier.

La favela est une icône de Rio. Elle est aussi réelle que Copacabana, et la curiosité du touriste est quelque chose de naturel. (Marcelo Armstrong)

L’affaire, qui a fait les titres de la presse internationale et écorné un peu plus l’image d’une ville où l’insécurité est le principal frein au développement du tourisme, pose une nouvelle fois la question de la pertinence d’organiser des circuits dans les communautés défavorisées de Rio de Janeiro. Grâce au déploiement des unités de pacification de la police militaire, ces derniers sont en plein essor depuis une dizaine d’années à Rocinha, Vidigal et Santa Marta, où une douzaine d'entreprises offrent ce type de services à leurs clients. Les tours ne se sont jamais vraiment interrompus malgré la guerre des gangs qui a frappé Rocinha au mois d’octobre, mais ils pourraient marquer le pas avec la montée de l’insécurité. Marcelo Armstrong, fondateur de Favela Tour, qui a pignon sur rue depuis 1992, a confié au quotidien espagnol El Mundo employer actuellement neuf guides, au lieu de 13 par le passé. Il n’en est pas moins convaincu de la légitimité des circuits qu’il propose : « La favela est une icône de Rio. Elle est aussi réelle que Copacabana, et la curiosité du touriste est quelque chose de naturel. »

« Pas vraiment briefés avant l'excursion »

Ph. Be a local tours / Facebook / Devolução.

Matthieu, Français de 42 ans qui passé quelques jours de vacances à Rio au mois d’août dernier, est du même avis : « Je comprends que cela puisse parfois être perçu comme du voyeurisme, explique-t-il à Bom Dia Brésil, mais pour moi c’était important que mes enfants voient cette facette du Brésil lors de notre voyage, pour qu’ils comprennent que tout le monde n’a pas la chance de vivre dans les même conditions qu’eux en Europe. » Reste que la question de la sécurité pourrait être mieux abordée. « Nous n’avons pas vraiment été briefés avant l’excursion, poursuit Matthieu. Mais nous circulions dans un mini-van qui était identifié comme un véhicule transportant des touristes, on nous faisait comprendre de rester avec le groupe à chaque arrêt, et le guide nous a bien expliqué qu'il y avait des zones très dangereuses à Rocinha, car contrôlées par le trafic. A la fin du tour, dans la zone commerciale de Rocinha, on était un peu plus libres de se promener. »

Un comité pour réguler l’activité touristique dans les favelas

Alors qu’O Globo relève que 32 % des 3.720 entreprises de tourisme qui opèrent à Rio ne sont pas inscrites au registre fédéral obligatoire (Cadastur), la création d’un comité pour réguler l’activité touristique dans les favelas a été annoncée le 25 octobre. L’identification systématique des véhicules qui y transportent des touristes est l’une des mesures envisagées. « La voiture dans laquelle circulaient les touristes espagnols n’avait pas de plaque spécifique, ses vitres étaient teintées, a souligné Marcelo Alves, président de Riotur, l’organe chargé de développer et encadrer le tourisme à Rio. Nous ne sommes pas contre le tourisme dans les communautés. On veut qu’il se développe, mais il faut instaurer des normes, des règles plus rigoureuses. »

La guide et le conducteur du véhicule qui transportait les touristes, de même que les gérants de la société Rio Carioca Tour, pourraient faire les frais d'un manque de rigueur présumé. La Délégation d’assistance au touriste a annoncé vouloir engager des poursuites « pour avoir exposé la vie ou la santé d’autrui à un danger direct et imminent ».

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