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Geraldo Alckmin, Jair Bolsonaro et Fernando Haddad (Valter Campanato/José Cruz/Fabio Rodrigues Pozzebom/Agência Brasil)

Présidentielle au Brésil : le second tour PT/PSDB prédit par les politologues a du plomb dans l’aile

La menace Jair Bolsonaro, une pure illusion ? Depuis des mois, les sondages sur la présidentielle du mois prochain envoient systématiquement le candidat ultra-conservateur du Parti social libéral (PSL) au second tour, avec ou sans Lula. Après l’agression dont il a été victime la semaine dernière, la crainte que sa position soit renforcée a même surgi.

Pour autant, jusqu’au début de la campagne à la télévision, la plupart des politologues brésiliens n’envisageaient pas du tout ce schéma-là. Pour eux, l’élection aurait un second tour sans surprise opposant le Parti des travailleurs (PT), quel que soit son candidat, Lula ou Fernando Haddad, au Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), représenté par Geraldo Alckmin.

Une raison géographique

Pour le politologue Alberto Almeida, qui pariait sur cette issue depuis un an et la sortie de son livre O Voto brasileiro (« Le Vote brésilien »), la raison est géographique : le Nordeste va voter PT, le Sud-Est PSDB, et ces choix du passé allaient se perpétuer encore cette année. « Là où les gens sont plus pauvres, la société dépend davantage du gouvernement et la plupart des électeurs votent PT. Là où les gens appartiennent à la classe moyenne, la société dépend moins du gouvernement et la plupart finissent par voter PSDB », expliquait-t-il récemment, cité par l’éditorialiste Helio Gurovitz.

Ces derniers mois, d’autres politologues abondaient dans ce sens. Fernando Bizzarro, politologue et chercheur associé au Centre David Rockfeller d’études latino-américaines, jugeait que le système politique brésilien étant ce qu’il était, toute candidature alternative, comme celle de Jair Bolsonaro ou Marina Silva (Rede), serait isolée. « Le plus probable, c’est qu’ils ne se seront pas au second tour et que la campagne ressemble à celle de 2014, durant laquelle Marina (Silva) était bien placée au début, mais n'a pas pu faire face aux attaques contre elle. A partir du moment où quelqu'un apparaît en première ou deuxième position, comme c'est le cas pour (Jair) Bolsonaro, les principaux candidats vont tourner leurs armes contre lui », expliquait-il à El Pais Brasil.

PT, PSDB ou rien

« L'extension territoriale du Brésil, associée au nombre d'électeurs, crée une barrière formidable empêchant l’entrée de tout candidat qui n'est ni du PT, ni du PSDB », renchérissait Alberto Almeida. En d’autres termes, comme l’illustrait Helio Gurovitz, « pour retirer le PT du second tour, un candidat comme Ciro (Gomes) ou Marina (Silva) doit forcer la citadelle du PT dans le Nordeste » et « pour retirer le PSDB, (Jair) Bolsonaro doit envahir la forteresse tucana à São Paulo ».

Si les politologues brésiliens croyaient dur comme fer à un scénario écrit d’avance, c’est qu’ils croyaient au pouvoir des médias traditionnels. Selon Fernando Bizzarro, la campagne à la télévision et à la radio, qui a débuté le 1er septembre, est encore primordiale au Brésil : « Avec le temps de télévision et l’argent de (Geraldo) Alckmin, (Jair) Bolsonaro va être pris pour cible chaque jour et heure de la campagne. Et il ne pourra parer le bombardement de (Geraldo) Alckmin ni avec ses huit secondes de télévision ni sur les réseaux sociaux. »

Des sondages qui évoluent peu

Même son de cloche pour Alberto Almeida qui pariait sur un retournement de situation avec une montée en puissance du PT et du PSDB aux dépens du PSL de Jair Bolsonaro. « Le dépassement de (Jair) Bolsonaro peut se produire jusqu’à la dernière semaine. C'est à ce moment-là qu'Aécio Neves avait dépassé Marina (Silva) en 2014 », rappelait-il. Pour lui, Fernando Haddad allait finir par recueillir 70 à 80 % des votes de Lula et terminerait leader du premier tour devant Geraldo Alckmin qui coifferait Jair Bolsonaro d’un cheveu.

Sauf qu’à moins d’un mois du premier tour et malgré les spots télévisés, les sondages restent pourtant très favorables à Jair Bolsonaro/ Geraldo Alckmin et Fernando Haddad commencent à peine à progresser, mais toujours derrière Ciro Gomes (Parti démocratique travailliste – PDT) et Marina Silva.

« Cela ne se passe pas comme avant »

Interrogé mardi par G1, Lucio Renno, politologue de l’Université de Brasilia, le concède : « Tout le monde disait qu’il faudrait attendre les sondages effectués après le début de la campagne à la télévision. Eh bien, l’effet est faible (…) Cela ne se passe pas comme avant ». Et de poursuivre : « Cela n’a pas contribué à un transfert de voix pour les candidats qui ont plus de temps à la télévision. Le PT est le seul qui peut se satisfaire un peu de la télévision, mais la croissance de (Fernando) Haddad était attendue. »

Alors que Lucio Renno et ses confrères s’attendaient à ce que leurs certitudes se confirment au fur et à mesure que la campagne avance, c’est tout le contraire qui se produit. « La campagne sur le terrain n’apporte aucune certitude, bien au contraire. C’est quelque chose qui n’était pas prévu par la plupart des analystes », reconnaît le chercheur de Brasilia.

Le PSDB, grand perdant de la présidentielle

Comme Lucio Renno, Vitor Marchetti, de l’Université fédérale d’ABC, a estimé mardi auprès de la Radio Brasil Atual que la place de Jair Bolsonaro au second tour était confortée et qu’à l’heure actuelle, il s’agit de se demander qui l’accompagnera. En attendant de voir l’évolution du PT, maintenant que Fernando Haddad a été intronisé officiellement, mais en laquelle les politologues voient une croissance à venir, c’est surtout le PSDB qui est vu comme le grand perdant de ce scénario chamboulé.

« La tendance montre que la candidature de (Jair) Bolsonaro s'est consolidée et que le transfert de voix que (Geraldo) Alckmin espérait n'a pas eu lieu. (…) La candidature de (Geraldo) Alckmin n’a pas réussi à convaincre l’électeur de (Jair) Bolsonaro qu’(il) était une alternative », analyse Vitor Marchetti, qui voit le virage à droite affiché ces derniers mois par le PSDB comme un échec.

Au second tour, les politologues ne sont pas tous d’accord, mais une majorité semble miser désormais sur un face à face entre Fernando Haddad et Jair Bolsonaro, soit le scénario dont les sondages proposent l’issue la plus serrée. Les incertitudes ne sont pas près d’être dissipées.

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