Il aura fallu plus de deux ans de négociations avec la famille Mugrabi, détentrice de la plus grande collection d'œuvres de Jean-Michel Basquiat, pour que le centre culturel Banco do Brasil (CCBB) puisse offrir aux Brésiliens la chance de découvrir l'artiste. En tout, ce sont plus de 80 œuvres (peintures, dessins, gravures et assiettes peintes) qui seront exposées courant 2018 dans quatre villes brésiliennes : São Paulo, Brasília, Belo Horizonte et Rio de Janeiro.
Né en 1960 d'un père haïtien et d'une mère descendante de portoricains, Jean-Michel Basquiat s'est très jeune distingué par une vive intelligence. Tôt, il se met à dessiner, reproduisant entre autres des personnages de dessins animés, idée de la culture pop qui le reliera à Warhol et demeurera une constante dans son art. Il lit beaucoup - notamment Burroughs, l'une des figures emblématiques de la beat generation, apprend l'espagnol et le français. Encore enfant, il se casse le bras : sa mère lui offre alors Gray's anatomy, un livre richement illustré sur l'anatomie humaine. Ce qui deviendra une passion et un thème récurrent dans ses oeuvres.
Une carrière courte mais intense
Lorsqu'il meurt en 1988, à 28 ans, d'une overdose, Basquiat est célébré dans le monde entier. Une courte carrière au cours de laquelle il a cependant eu le temps de produire beaucoup. Pieter Tjabbes, commissaire de l'exposition souligne que Basquiat « est fondamentalement un artiste de New-York ». « Son oeuvre personnifie le caractère de la ville des années 1970 et 1980, quand ce mélange d'enthousiasme et de décadence de la ville a donné naissance à un vrai paradis de créativité. Son oeuvre reflète les rythmes, les sons et la vie de la ville. Elle synthétise le discours artistique, musical, littéraire et politique de New York durant cette période si fertile », ajoute-t-il.
La rétrospective permet de découvrir toute la variété de ses oeuvres. Du graffiti tout d'abord aux côtés d'Al Diaz, sous le nom de SAMO (signifiant Same Old Shit, soit la marijuana), puis des peintures, des dessins et des collages sur des supports variés tels que des toiles - à l'endroit et à l'envers, des frigos, des portes en bois, des assiettes, du papier. Basquiat s'opposait à l'art minimaliste, il compose alors des oeuvres où coups de crayons et de pinceaux ne manquent pas. Il mêle tout à la fois le dessin et des mots, en anglais, français et espagnol, des symboles. Ainsi apparaît souvent la couronne jaune, des formes de mâchoires, le mot « Liberty » (liberté), les super-héros de son enfance pas si lointaines que ça, des parties du corps ou encore des grands noms de la communauté artistique noire américaine, tels que Dinah Washington ou Louis Armstrong. Car seul artiste noir reconnu dans ce monde où le blanc domine, la question de la négritude ne manque pas d'être un focus dans l'ensemble de son oeuvre.