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(Anna Lara/DR)

« Le choro brésilien est une musique dont l'origine est principalement européenne »

João Camarero, 29 ans, est décrit par la presse brésilienne comme l'un des « plus grandes révélations dans le monde de la guitare » de ces dernières années. Il achève aujourd'hui, à l'occasion d'une représentation gratuite organisée à l'Ambassade du Brésil à Paris, une tournée européenne en solo, grâce à laquelle il aura pu diffuser l'une des « grandes beautés brésiliennes » : le choro. Bom Dia Brésil l'a rencontré.

Comment la musique est-elle entrée dans votre vie ?

Bien que je n’aie aucun musicien professionnel dans ma famille, j’ai toujours vécu au milieu de la musique. Mes parents ont toujours eu cette culture de recevoir des amis et ma maison était toujours pleine, notamment de musiciens. Beaucoup à boire, à manger, de musique. Le Brésil quoi ! J'ai toujours été très attiré par l'univers de la musique. Quand j’étais plus jeune, j’ai un peu étudié le piano. Puis j’ai arrêté et je suis passé à la batterie, parce que je rêvais de jouer dans le groupe de rock de mon frère. Puis aux alentours de 14-15 ans, j’ai commencé à jouer de la guitare. Depuis je n’ai plus fait que ça. Si on regarde l’histoire de beaucoup de musiciens, j’ai commencé tard ! Beaucoup jouent déjà dès 7-8 ans. Mais j’ai toujours beaucoup étudié la musique.

Seul ou grâce à des cours ?

Les deux ! Je suis entré au conservatoire de Tatui, le plus grand conservatoire de musique et de théâtre d’Amérique latine. Mais je n’y suis resté qu’une année. J’ai aussi mis les pieds plus que furtivement à l’université de musique, à la demande de mes parents. 

Pourquoi ce passage par les études n'a-t-il pas été concluant ?

Parce que je découvrais le monde du choro et je voulais surtout jouer.

Quand avez-vous été découvert le genre musical du choro ?

Dans ma ville, à Avaré, il y a un ensemble de personnes qui jouent du très bon choro. Ils ont commencé à venir jouer chez mes parents. Et donc j’ai eu ce contact avec ce genre musical. Mais d’un point de vue personnel, je considère que ma rencontre avec le choro a plus eu lieu quand j’ai commencé à lire Vinicius de Morais, donc par le biais de la littérature. C’est là que j’ai été piqué par le virus. Et ce qu’il avait composé était tout le temps joué dans ma maison. Donc j’ai commencé à jouer et tous ces gens m’ont aidé, m’ont conseillé, passé des partitions. Etudier a été une très bonne expérience, qui m’a permis de découvrir ce que je ne voulais pas !

 

En 2011, vous vous installez à Rio. Quel changement ce déménagement a-t-il apporté dans votre vie ?

C’est là que j’ai réellement commencé à travailler, car je suis allé poursuivre mes références, mes maîtres. J’ai principalement appris seul, mais je ne me dis pas autodidacte car je trouve ça assez égoïste, dans la mesure où j’ai appris beaucoup grâce aux autres. Mais je suis allé taper aux portes pour apprendre.

Quel est le programme de cette représentation parisienne ?

Je suis venu présenter en grande partie des musiques de mon dernier album, Vento brando, qui est sorti en avril dernier.

Le mot « choro » ne dit pas forcément grand-chose aux Européens...

Oui, jusqu’à maintenant, j’ai toujours été bien accueilli par le public européen. Mais de toute manière, la musique que je fais, principalement liée au choro, a une structure principalement européenne. Donc les gens sont déjà familiers.

Quel est le rapport entre choro et musique européenne ?

Le choro est né à Rio à la fin du 19e siècle, d’un mélange de musiques, du fait de l’arrivée de la cour portugaise au Brésil. Donc on jouait au piano des polkas, des valses, des mazurkas, etc. Et le choro naît d’une manifestation populaire qui réinterprète ces musiques. Etant des personnes plus humbles, les joueurs de choro utilisaient le cavaquinho, la flûte, la guitare, n’ayant pas les moyens de se payer un piano. Ils écoutaient ces musiques et les reproduisaient à leur manière. De même, cette musique a une structure européenne. Il a une cellule souche qui vient beaucoup de la polka et du lundu africain. C’est donc un mélange de musique africaine, européenne et un peu indigène aussi. Ce sont les premières tonalités vraiment brésiliennes dans la musique. Si on prend la musique du début du 19e siècle au Brésil, elle était totalement européenne. Avec Chiquinha Gonzaga, Joaquim Callado, Patápio Silva, Ernesto Nazareth, on commence déjà à sentir des sons à saveur plus brésilienne. C’est donc une musique très riche, qui parle des deux côtés de l’océan. Elle est très sophistiquée sur le plan harmonique et mélodique, il faut avoir une bonne technique pour jouer du choro, ça n’a rien de simple.

On entend parfois dire que le choro est le jazz brésilien…

C’est vrai que cette comparaison est souvent faite. Mais le choro est plus vieux que le jazz et a d’autres caractéristiques. C’est une musique d’ensemble, qui fonctionne comme l'assemblage de petits engrenages comme ceux d’une horloge pour qu’elle fonctionne. La manière de jouer est très différente : le jazz, il y a cette idée d’improvisation libre, plus que dans le choro.

Quelles sont vos plus grandes références, tant classiques que modernes ?

Les parents du choro sont Pixinguinha, Ernesto Nazareth, Anacleto de Medeiros, Chiquinha Gonzaga, Joaquim Callado qui a composé historiquement le premier choro. Ils sont à la base de tout. Et du côté des contemporains, il y en a énormément, tant des interprètes que des compositeurs. Mauricio Carrilho qui est un très grand compositeur, Hamilton de Holanda, Cristovão Bastos, João Lira. Actuellement, c’est l’âge d’or du choro au Brésil. Il n’y a jamais eu autant de bons musiciens et de compositeurs au service de cette musique.

Le choro est-il une musique que l’on retrouve sur l’ensemble du territoire brésilien ?

Au Brésil, on joue partout du choro. Mais il y a des pôles plus importants tels que Brasilia, Rio, Recife, São Paulo, Belo Horizonte. Chaque région a d’ailleurs un choro avec des accents différents. Celui de Brasilia et de São Paulo se ressemblent par la rapidité d’exécution, celui de Rio est plus balancé, contient plus de la « bonne » tristesse de la samba.

Auquel vous identifiez-vous plus ? 

A celui de Rio sans aucun doute ! C’est la grande raison pour laquelle je suis allé m’installer là-bas. Toutes mes références sont de là. Je pense que ce goût tient aussi à mon éducation. Je suis né dans l’intérieur, dans un endroit tranquille. Et notre éducation a une influence sur notre musique il me semble. J’aime beaucoup cette manière tranquille, plus lyrique d’aborder la musique, même si j’aime tous les types de choros.

Quels sont les compositeurs que vous aimez le plus interpréter ?

Dernièrement, j’ai cherché à jouer de la musique qui était à la frontière du populaire et de la musique érudite, avec une sophistication et une maturité venant de la guitare classique tout en ayant le balancement de la musique brésilienne, avec un accent populaire. Ce qui m’a orienté par exemple vers Radamés Gnattali, un grand compositeur qui représente exactement cette frontière. J’aime aussi beaucoup jouer Heitor Villa-Lobos, Garoto, qui a influencé tout le monde. Tom Jobim lui a même consacré une chanson. Mais je pense aussi à João Pernambuco, João Santos, João Lyra… Des tas de João en fait !

Quels sont vos projets ?

J’en ai de nombreux ! Je commence à penser au prochain disque. Puis je consacre du temps à composer aussi un peu plus. Et puis j’étudie beaucoup, j’ai encore tellement de choses à découvrir. Mais pour l’instant, je suis heureux d’avoir pu diffuser en Europe cette musique, un aspect positif du Brésil dont l’on montre principalement tout ce qui va mal actuellement…

Information pratique :
Représentation le jeudi 14 novembre 2019, à 18h
Ambassade du Brésil, salle Villa-Lobos
34, cours Albert-1er 75008 Paris
Entrée libre dans la limite des places disponibles en écrivant au courriel suivant : rsvp.paris@itamaraty.gov.br

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