La démocratie brésilienne en danger ? Jeudi matin se déroulera à l’Assemblée nationale, à Paris, une conférence de presse suivie d’un colloque sur « le délitement des droits humains et de la démocratie au Brésil », coorganisé par Autres Brésils. Un thème cher à l’association qui a pour but de décrypter la société brésilienne pour un public francophone, qui a lancé début avril son « Observatoire de la démocratie brésilienne ». Glauber Sezerino, coprésident d’Autres Brésils, a expliqué à Bom Dia Brésil les tenants et aboutissants de cette initiative.
Pourquoi avoir créé cet observatoire et quels sont ses objectifs ?
Notre but est de travailler avec des associations, des mouvements sociaux et des collectifs brésiliens qui aujourd'hui mènent la résistance face à la dégradation de la situation sociale et politique au Brésil. On a créé cela en France car, même si beaucoup d’associations relaient des informations autour de la situation au Brésil, cela ne se fait pas systématiquement. Les données sur le Brésil sont également très souvent en portugais donc le public français qui ne parle pas la langue n’y a pas accès. On veut donc permettre à l’interlocuteur français qui veut en savoir plus sur les confits, les violences urbaines, les violences agraires que subissent les populations autochtones ou encore sur les violences contre la communauté LGBT d’avoir la chance d’accéder aux différentes données sur ces sujets.
Quels sont vos leviers d'action ?
On a deux axes de travail. Le premier volet de notre travail est de relayer directement ici, en France, les informations autour de la situation brésilienne. On traduit, dans ce sens, les communiqués et les campagnes d’information des différents collectifs brésiliens, en adoptant parfois une traduction plus sociologique. L’autre axe de notre travail est de rassembler les données qui sont établies au Brésil, notamment les données sur les violences subies par les populations et sur le rétrécissement de l’espace démocratique dans le pays. L’idée sera ainsi, dans un second temps, de rassembler ces deux sujets d’étude : les luttes et les données objectives car nous pensons qu’elles vont de pair. Enfin, nous voulons aussi pouvoir faire le lien entre les différentes luttes au Brésil. On veut en fait être une arrière-garde éclairée.
L'observatoire a donc été lancé il y a trois mois. Avez-vous obtenu de premiers résultats ?
On a déjà quelques résultats, notamment sur les luttes. On a, par exemple, traduit certains communiqués et campagnes qui sont en cours aujourd’hui au Brésil comme ceux du mouvement des personnes atteintes par les barrages ou encore du Mouvement des « sans terre ». On a aussi établi des données sur le processus électoral de l’an dernier au Brésil et sur le début de la présidence de Jair Bolsonaro.
Quels sont vos prochains axes de travail ?
On va travailler dans les prochains mois à une synthèse sur la violence policière, sur les violences contre la communauté LGBT et les personnes touchées par le « conflit des terres ». Ce sont les trois volets que l’on veut privilégier.
Selon vous, il y a eu depuis le début de la présidence de Jair Bolsonaro des attaques à l’encontre de la démocratie brésilienne ?
Oui, bien sûr. Du point de vue de la gouvernance, c’est clair et net parce que la dissolution des conseils citoyens est une atteinte à la démocratie. Au niveau des politiques publiques, on voit très bien également toutes les attaques du gouvernement, comme contre l’éducation et la santé. On peut prendre par exemple la coupe budgétaire de 30 % du gouvernement dans les universités, qui a été suivie par une coupe budgétaire dans le secondaire. Au niveau du volet sanitaire, il suffit, là aussi, de regarder les changements dans les politiques publiques de lutte contre le Sida pour comprendre que Jair Bolsonaro menace la société brésilienne. Je pourrais également parler de la sorte d’effet de légitimation de la violence policière par les multiples déclarations de Jair Bolsonaro et les gouverneurs qui le soutiennent. Ce n’est pas anodin.
Ne craignez-vous pas les critiques à l’encontre de votre « observatoire » de la démocratie brésilienne, basé à l’étranger, alors que Jair Bolsonaro a été élu démocratiquement ?
D'abord, on souhaite dire qu’on ne veut pas apporter nous-mêmes une réponse à la situation au Brésil, on veut seulement relayer ce que le pays, via les associations et collectifs brésiliens, fait. Notre but est plutôt de court-circuiter les blocages médiatiques qu’il peut y avoir. On veut pouvoir fournir un réseau international pour aider les actions locales. On ne veut pas donner nécessairement notre opinion. Il n’y a pas de programme politique. On est très attaché à l’idée que cela doit partir du Brésil et nous, après, on propose une analyse pour pouvoir apporter au « pot commun ».