Ce sont deux grands espoirs du cinéma français qui faisaient partie de la délégation française venue au Brésil pour la 10e édition du Festival Varilux de cinéma français, qui se déroule jusqu’à mercredi à travers le pays. Joséphine Japy et François Civil sont venus présenter la comédie fantastico-romantique Mon Inconnue, d’Hugo Gélin. Bom Dia Brésil les a rencontrés à Rio.
Sous couvert de comédie romantique, Mon Inconnue fait passer quelques messages également. Le personnage de Raphaël, que vous jouez, François Civil, paye notamment le fait d’avoir accédé à la célébrité en tant qu’écrivain et d’avoir pris la grosse tête, délaissant sa compagne, Olivia, que vous interprétez, Joséphine Japy. Est-ce que cela a pu vous faire réfléchir à votre propre manière d’aborder la notoriété ?
François Civil : On apprend toujours quelque chose des rôles qu’on joue et des histoires qu’on décide de porter à l’écran. Moi j’ai l’impression de ne pas être du tout impacté par la célébrité donc j’espère que cela ne m’affecte pas comme cela peut affecter mon personnage à un moment de sa vie. Cela fait quand même réfléchir en effet, on en a vu des gens se perdre à cause de cela. De devoir être sans arrêt en représentation, on peut oublier un peu qui l’on est. Mais pour moi, c’était aussi un super levier de comédie : jouer ce personnage le plus arrogant possible dans sa première vie le rend encore plus en décalage dans sa deuxième vie, par exemple quand il arrive au collège où il croit qu’il va signer des autographes alors qu’il est prof. C’était surtout une manière de s’amuser de cela.
Joséphine Japy : Quand on fait ce genre de métier, il y a toujours un moment où l’on évoque cette question avec sa famille, ses amis, qui nous disent : « J’espère que tu ne vas pas changer ! » Cela peut en effet changer la vie de quelqu’un, mais cela dépend de comment on décide de la recevoir et de la gérer, il y a quelque chose de grisant et on peut se laisser porter par cela. Mais pour moi, j’ai surtout l’impression que la notoriété, cela change les cons. Je pense que quelqu’un de connu con serait quelqu’un d’inconnu con aussi ! Il y a des fondations pas complètement saines quelque part. Mais dans le film, je pense qu’il s’agit d’un homme qui, à un moment, a décidé ou oublié de regarder sa femme, son meilleur ami, plus qu’un homme connu.
Un deuxième message que l’on peut percevoir, sans doute le plus important, c’est en effet une invitation à poser un regard sur ses proches, de se demander si on leur porte assez d’intérêt. Cela parle à tout le monde…
François Civil : Je crois que c’est le sujet du film, complètement. L’emballage, c’est une comédie romantique, un buddy movie, tout ce qu’on veut, mais le cœur du film, c’est d’interroger les gens sur comment ils considèrent et regardent ceux qu’ils aiment, qui sont dans leur vie. Tant mieux si cela fait écho à des choses vécues par le public, c’est le rôle du cinéma d’ouvrir le cœur et l’esprit sur certains sujets. C’était aussi le but d’Hugo Gélin.
Avec ces deux vies de vos personnages respectifs, il y a comme deux films dans le film. Est-ce que cela représente un défi supplémentaire en tant que comédien ?
Joséphine Japy : C’est en effet un personnage double. Dans le premier, il y a dix ans d’histoire et dans le deuxième, la parenthèse est plus brève, mais le challenge était évidemment génial à essayer de relever.
François Civil : C’est ce qui me plaisait dans la promesse du scénario, d’avoir un film avec un postulat de départ qu’on ne voit pas dans la vie. Le cinéma nous permet cela et raconter des histoires extraordinaires m’a toujours plu. Je suis assez fan des films de Jim Carrey comme par exemple Bruce Tout-Puissant, où il se retrouve avec tous les pouvoirs de Dieu. Face à ces situations exceptionnelles, le public peut se délecter de scènes toujours plus truculentes.
On rit beaucoup en effet et les seconds rôles, dont Benjamin Lavernhe dans celui de Félix, le meilleur ami de Raphaël, excellent. On sent que vous vous êtes réellement amusés à tourner ce film…
Joséphine Japy : C’était un enfer ! Non, c’était un immense plaisir. C’est toujours bon signe quand on rigole en lisant un scénario et cela a été le cas avec cette histoire, je me suis amusée à la lire, il y avait une base absolument géniale. J’ai eu tout de suite envie d’y aller, espérant que le tournage soit le lendemain matin pour pouvoir m’atteler à ces situations. Et j’ai vécu un très bon moment humainement avec Hugo, François et Benjamin.
François Civil, vous êtes également à l’affiche de deux autres films de ce Festival Varilux. Pouvez-vous nous dire un mot sur Celle que vous croyez, de Safy Nebbou, avec Juliette Binoche ?
C’est le portrait d’une femme d’une cinquantaine d’années, Claire, qui, à la suite de déboires amoureux et d’une certaine perte d’identité, décide de se créer un faux profil sur Facebook, se faisant passer pour une femme de 30 ans de moins qu’elle. Elle entame alors une relation avec un jeune homme, Alex, que j’interprète.
Un scénario qui est très ancré dans la réalité actuelle. Vous êtes vous-même branché sur les réseaux sociaux ?
Non, pas vraiment. Mais le film parle de manipulation, de mensonge, de double identité, des thèmes que l’on a pu voir depuis toujours au cinéma et même auparavant, je pense aux pièces de Shakespeare ou aux livres de Choderlos de Laclos. Les réseaux sociaux, c’est une manière de mettre cela en exergue et de faciliter le mensonge pour le personnage de Claire. Ces dérives-là sont de plus en plus présentes, c’est vrai, et il ne faut pas se perdre là-dedans.
Et il y a Le Chant du loup, d’Antonin Baudry, un film bien différent…
Oui, c’est un thriller dans le milieu des sous-marins nucléaires français. J’y joue Chanteraide, qui est un jeune analyste, une « oreille d’or », chargé d’écouter ce qu’il se passe sous l’eau et de prendre des décisions capitales lors des missions car les sous-marins sont aveugles et se repèrent au son. C’est une profession qui existe vraiment et c’est donc un personnage clé.
Comment avez-vous appréhendé de présenter Mon Inconnue à un public étranger comme le brésilien ?
François Civil : C’est une autre culture donc une autre manière pour le public de voir le film et de l’apprécier. Cela permet de voir si ce qu’il raconte dépasse les frontières car on essaye toujours de toucher à l’universel quand on écrit et produit un film. En plus, c’est une comédie assez verbeuse, où on parle vite parfois, donc on imagine que les gens vont goûter les moments comiques en lisant le texte plutôt qu’en l’entendant. Cela représente ainsi un petit vertige. On avait passé toute la pression de la sortie du film en France, les bons chiffres et bonnes critiques, et là, d’un coup, c’est un deuxième petit examen qu’on passe, il y a un léger stress.
Joséphine Japy : Oui, c’est stressant car c’est un autre regard sur le film, avec un public que je ne connais absolument pas en plus. Mais c’est aussi hyper intéressant pour nous car cela rajeunit notre propre regard sur le film, c’est une nouvelle grille de lecture, on ne sait pas ce qui va mieux ou moins marcher, avec un retour de la fébrilité et des incertitudes. Ce qui fait un film, c’est un scénario, un réalisateur, des comédiens, une équipe, mais c’est avant tout le public et là on change de public, toute la donne est différente.
Vous-mêmes en tant que spectateurs, connaissez-vous le cinéma brésilien ?
François Civil : Vraiment très peu, mais le film qui m’a marqué étant jeune, c’est La Cité de Dieu, où j’ai découvert la vie des favelas. Un film très puissant. Mais c’est justement l’occasion de découvrir mieux le cinéma brésilien en étant ici, les festivals nous offrent cette opportunité aussi, en rencontrant des gens du monde entier qui partagent la même passion.
Et le Brésil en général, est-ce un pays que vous connaissez ?
François Civil : C’est ma première fois ! Le Brésil, pour moi, c’est L’Homme de Rio, qui a alimenté les fantasmes de plein d’autres gens avant de voyager ici, tout comme les centaines d’images du Corcovado et du Christ Rédempteur. Arriver en dessous et de voir comment il veille sur la ville, c’est assez impressionnant.
Joséphine Japy : J’étais déjà venue deux fois, j’aime beaucoup le Brésil, c’est un pays que je trouve absolument fascinant et sublime. La première fois, j’étais restée assez longtemps, à Rio, dans le Nordeste, dans le Sud jusqu’à Foz do Iguaçu, j’avais adoré ce tour. Et j’étais revenue en 2014 pour la finale de la Coupe du monde de football au Maracanã. C’était pas mal comme moment ! Honnêtement, on est toujours content de voyager dans le cadre d’un festival et quand le cadre est celui-là, on a plutôt tendance à accepter…
Pour terminer, quels sont les prochains films dans lesquels le public pourra vous voir jouer ?
François Civil : Je vais commencer cet été le tournage d’un film de Cédric Jimenez, qui va s’appeler Bac Nord, avec Gilles Lellouche, Karim Leklou et Adèle Exarchopoulos.
Joséphine Japy : Je joue dans le premier film de Mathias Pardo, L’Echappée, qui va sortir bientôt avec Nekfeu et Rod Paradot. Et ensuite, j’ai le tournage d’une adaptation d’Eugénie Grandet, par Marc Dugain.