Nommé deux fois pour le César du Meilleur Espoir, en 2016 pour Les Cowboys et de nouveau en 2018 pour Marvin ou la belle éducation, d’Anne Fontaine, Finnegan Oldfield est la valeur montante du cinéma français. Venant présenter ce dernier film au public brésilien à l’occasion du Festival Varilux de cinéma français, il s’est entretenu avec Bom Dia Brésil.
Vous avez déjà assisté à deux projections de Marvin ou la belle éducation à Salvador. Comment le public brésilien a-t-il accueilli le film ?
Après avoir vu Marvin, les gens étaient hyper touchés. C’est toujours intéressant de voir que le sujet du film reste international. Ce qui m’a surpris, c’est que les questions posées pendant les débats après les projections étaient vraiment les mêmes qu’en France. Les gens évoquent le rapport au père, la façon dont le personnage s’émancipe. Il y a aussi beaucoup de personnes qui sont venues me voir et qui m’ont dit avoir eu le même parcours que Marvin. C’est très émouvant. D’un seul coup, on se dit que c’est bien, que l’on n’a pas fait un film que pour une seule catégorie de personnes. Ce n’est pas un film qui ne parle qu’à un public de Français ou d’un niveau social ou d’un autre. Si le film peut s’exporter et parler un peu à tout le monde, c’est déjà une petite victoire mine de rien.
Il s’agit de l’adaptation du roman coup de poing d’Edouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule. Lire le texte vous a permis de préparer ce rôle ?
Je l’ai lu quand j’ai su que j’allais passer le casting et les essais. Cela m’a vraiment plu, j’ai trouvé ça super. L’histoire est très cruelle, très dure, mais il y a quand même beaucoup d’amour je trouve. Ce qui n’est pas évident, c’est la manière dont Edouard Louis parle de sa famille, c’est quand même cru : il raconte tout, il rentre dans les détails même si on ne sait pas ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Mais j’ai l’impression que c’est quand même une espèce de déclaration d’amour qu’il n’a pas réussi à faire à ses parents. Je voulais vraiment faire comprendre ça dans le film. Ce n’est pas moi qui le réalisais, mais Anne Fontaine avait l’air assez d’accord avec ça. Elle voulait faire aimer ses personnages : les parents, les amis, etc. En lisant En finir avec Eddy Bellegueule, j’ai eu beaucoup de choses sur lesquelles me baser pour construire mon rôle. Il y a beaucoup plus de détails dans un livre qui ne sont pas dans un scénario et qui te nourrissent en tant qu’acteur.
Il y a de grandes différences entre le roman et cette adaptation d’Anne Fontaine justement ?
Oui, en gros Marvin, ce n’est plus l’histoire d’un écrivain, mais celle d’un jeune qui va se mettre en scène, qui va parler de sa famille par le biais du théâtre, de toutes ses expériences. C’était plus cinématographique d’avoir un jeune homme qui faisait du théâtre, qui se mettait en scène, plutôt qu’un écrivain.
En quoi ce personnage vous a-t-il intéressé ?
Je n’avais jamais joué d’acteur et j’ai bien aimé ça. Ça donne aussi une autre dimension au personnage par rapport au fait de se faire soi-même, se réinterpréter en fonction des gens qu’on fréquente, en fonction des divers milieux sociaux dans lesquels on évolue. Il se perd là-dedans et je trouvais ça intéressant. Parce que ce n’est pas blanc ou noir : les méchants prolos d’un côté et de l’autre les gentils bourgeois parisiens. Il y a un rapport hyper ambigu qui m’attirait aussi. Parce qu’en fait, il va se perdre à vouloir se fuir lui-même. Il va changer de prénom et se faire appeler Martin. Mais est-ce qu’il va devenir Martin ou est-ce qu’il restera restera Marvin toute sa vie ? Peu importe le nom qu’on a, ce qui est intéressant, c’est comment il va réussir à retourner voir sa famille après. C’est d’ailleurs aussi quelque chose qui n’est pas dans le livre.
Vous êtes la révélation de ces dernières années en France et tournez beaucoup… Quels sont vos projets ?
Pourvu que ça dure ! J’ai fait une comédie, Le Poulain, qui va sortir en septembre, avec Alexandra Lamy, de Mathieu Sapin. C’est hyper malin et très drôle. Cela parle du milieu politique : on y raconte l’histoire d’un jeune stagiaire qui se retrouve à travailler malgré lui sur une campagne présidentielle. Il se fait enrôler malgré lui, puis il va petit à petit monter en échelon et se rendre compte du bazar qui règne dans ce milieu. Le rapport aux réseaux sociaux, le fait de changer de camp… Et là je suis en train de tourner un film qui parle de la Syrie. Pour l’instant, le film s’appelle Dans la gueule du requin, d’Emmanuel Hamon. C’est une fille qui part avec son gamin de quatre ans rejoindre Daesh. C’est une histoire vraie. Et ça parle de comment un jeune Syrien et un jeune Français ont réussi à la rapatrier parce que la DGSE ne pouvait rien faire. J’ai fait une petite pause au Brésil, mais il me reste deux jours de tournage.
Vous êtes plus habitué à un registre dramatique…
Le Poulain m’a fait toucher la comédie. Je vais d’ailleurs en tourner une autre après. Mais je crois qu’il faut faire un peu de tout car ce n’est pas le même exercice que de tourner dans un film comique ou dramatique. J’ai plus de facilité à aller vers des choses très fortes, mais je dois sortir de ma zone de confort.
En savoir plus sur Marvin ou la Belle Education
Martin Clément, né Marvin Bijou, a fui. Il a fui son petit village des Vosges. Il a fui sa famille, la tyrannie de son père, la résignation de sa mère. Il a fui l'intolérance et le rejet, les brimades auxquelles l'exposait tout ce qui faisait de lui un garçon « différent ». Envers et contre tout, il s'est quand même trouvé des alliés. D'abord, Madeleine Clément, la principale du collège qui lui a fait découvrir le théâtre et dont il empruntera le nom pour symbole de son salut. Et puis Abel Pinto, le modèle bienveillant qui l'encouragera à raconter sur scène toute son histoire. Marvin devenu Martin va prendre tous les risques pour créer ce spectacle qui, au-delà du succès, achèvera de le transformer. |