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Clotilde Hesme interprète le personnage de Diane (DR)

Clotilde Hesme et Fabien Gorgeart : « Il faut que les hommes continuent à écrire des rôles féminins puissants »

A l'occasion du festival Varilux de cinéma français, l'actrice Clotilde Hesme et le réalisateur Fabien Gorgeart étaient à São Paulo il y a deux semaines pour présenter leur film, Diane a les épaules, une comédie qui aborde le thème de la gestation pour autrui (GPA). Entretien.

Qui est le personnage de Diane, héroïne du film que vous venez présenter au Brésil ?

Clotilde Hesme (DR)

Clotilde Hesme : C’est une fille qui décide de faire un enfant pour un couple d’amis. Qui est assez insouciante, voire irresponsable, et prend peu à peu la mesure de sa décision.

Fabien Gorgeart : Mais qu’elle va tout de même mener jusqu’au bout…

Clotilde Hesme : … comme une mission.

Fabien Gorgeart : Il y a un côté Bruce Willis de la GPA. Etre enceinte : c’est sa mission, son action. Avec toute cette rhétorique autour de ça et on s’en amuse beaucoup dans le film : je peux séparer ma tête de mon ventre, être enceinte et avoir un enfant ça n’a rien à voir. Elle dit au début je vous fais un enfant finger in the nose, on y va ! Et elle le fait comme ça. Elle va en prendre conscience au fur et à mesure. Ce qui perturbe beaucoup un homme qu’elle rencontre à cette période-là. Il accepte, mais il est très troublé par cette force et cette liberté-là, et il y a forcément un moment où l’émotion prend le dessus, la mesure de ce qu’elle fait est là, et c’est toute l’ambition du film, qu’il soit très léger comme elle l’est, jusqu’à ce qu’il soit grave. Et d’ailleurs, on appris ici que la gravida, c’était la femme enceinte et cela correspond bien au film. La gravité intervient à partir d’un moment.

Comment Diane a les épaules a-t-il été accueilli par le public brésilien ?

Fabien Gorgeart : Des réactions assez similaires à celles du public français. C’est d’ailleurs ce qui m’a tout de suite plu et rassuré parce que ce n’est pas un film où il y a tellement d’action que ça. C’est un film qui marche sur le principe de la comédie du langage, de l’observation, donc j’avais peur que certaines choses ne soient pas comprises. Mais en fait très bien. Et en plus, derrière la comédie il y a une forme de drame qui monte, qui monte. Et j’ai senti les gens très touchés par ce que le film racontait, par le personnage spécifiquement de Diane. Et ils ne se sont pas emparé non plus du film comme d’une peur d’une espèce de débat de société autour, il n’y a eu aucune remarque par rapport à ça en fait.

Cela vous inquiétait ?

Fabien Gorgeart (DR)

Fabien Gorgeart : Je ne savais pas. Mais j’imagine, de ce que j’en connais un peu, que c’est un pays très conservateur et où la religion catholique a une grande place. Beaucoup plus qu’en France en tout cas. Par exemple, quand on a présenté le film en Italie, il y a une journaliste qui m’a fait cette réflexion qu’elle avait beaucoup aimé le film, mais que c’était dur pour elle parce qu’elle avait le Vatican dans le ventre. Et je me suis dit que si ça se trouve, les Brésiliens aussi avaient le Cristo dans le ventre. Mais au final, au Brésil, il y a une curiosité pour le cinéma pur, parce que j’ai eu des questions de cinéphiles. A Salvador, la salle était pleine, deux fois. Et remplie par des gens qui aiment et connaissent le cinéma. Donc c’était très agréable.

Clotilde, vous avez notamment tourné avec Christophe Honoré, les frères Larrieu, Philippe Garrel ou encore Stéphane Brizé. Vous n’êtes de fait pas tellement connue pour vos rôles dans des comédies…

Clotilde Hesme : Non, en effet, mais Fabien m’a rendu à ma nature ! Qui est plutôt légère et j’aime beaucoup le burlesque, me servir de mon corps. Et je passe peut-être parfois pour une actrice cérébrale parce que je suis dans des films qui parlent, mais j’ai toujours été très physique. C’est d’ailleurs par ce biais que j’aborde mes rôles, tout le temps. Après la comédie, je n’y ai pas très souvent accès. Par contre, en parlant avec des acteurs, je réalise de plus en plus que ceux qui font de la comédie, ils rigolent moins sur le plateau. Quand tu fais une comédie, c’est pas très drôle ! Alors que quand tu fais des films un peu plus dramatiques, tu as besoin de contrebalancer et l’atmosphère, l’ambiance, les rapports sont beaucoup plus légers, plus détendus. Et j’aime bien travailler comme ça. Alors je ne vais pas aller me faire du mal sur une comédie.

Fabien Gorgeart : Après, j’ai vraiment écrit le personnage pour elle. Le projet est né de mon désir de travailler avec Clotilde, de trouver un personnage pour elle. J’avais travaillé avec elle sur un court-métrage, c’était une manière de se rencontrer. Je ne la connaissais pas du tout et j’ai découvert son énergie, ce qu’elle était et ça a appuyé sur un bouton d’inspiration, une envie très forte de la filmer.

Qu’est-ce qui vous a plu dans ce personnage ?

Clotilde Hesme : C’est vraiment agréable d’avoir accès à des personnages de femmes complexes, puissantes, qui n’ont pas peur de leur corps qui prend de la place. Souvent on m’a dit : « oui, mais tu es trop grande ». Les personnages masculins, il ne fallait pas forcément être plus grande qu’eux.

Fabien Gorgeart : Pour un film, ils ont même creusé des tranchées pour qu’elle soit à la hauteur du comédien. On ne dira pas qui…

Clotilde Hesme : Je prenais trop de place… Et là c’est génial d’être dans un film où on prend de la place, où on est plus grande que tous les acteurs. Parce que là, au final, Fabien a poussé le truc au maximum pour que je sois plus grande que les autres acteurs de Diane a les épaules. C’était une manière de redonner une vraie place au personnage féminin.

Cela va dans le sens d’un mouvement général de revendication des femmes dans le milieu très masculin du cinéma…

Clotilde Hesme : Ce qui est intéressant, c’est que le film est sorti juste avant #MeToo en fait.

Vous étiez donc précurseurs…

Clotilde Hesme : Malgré nous ! D’une manière naturelle, pas comme un manifeste.

Fabien Gorgeart : On en est fier d’ailleurs parce que ce n’était pas fait pour ça en fait, c’est chouette de casser le code des rôles de représentation.

Clotilde Hesme : Ça faisait longtemps que j’attendais un rôle comme celui-là. Il faut que les hommes continuent à écrire des rôles féminins comme ça.

C’est donc important que ce ne soient pas juste des femmes qui écrivent des rôles pour des femmes…

Clotilde Hesme : Exactement, c’est le cliché d’ailleurs. Souvent, quand les gens ne savaient pas que c’était Fabien qui avait réalisé le film, ils me disaient : « Ça a été écrit par une femme ? ». Ou alors, ensuite, on me demandait si c’était un des hommes du couple. Et bien non, il est hétéro féministe.

Le Festival Varilux, c’est une belle opportunité pour votre film ?

Fabien Gorgeart : Totalement, c’est une chance phénoménale. En plus on passe dans des tas de villes. Je rêvais que le film vive un truc comme ça. Je suis venu il y a presque 20 ans au Brésil pour voir une fille quand j’étais étudiant. Elle était allée voir sa famille et pour lui faire une surprise, je suis aussi venu. Ça me semblait lointain cette possibilité de faire un film. Et 20 ans après, j’ai réalisé mon film et c’est arrivé de pouvoir le présenter au Brésil. C’est quand même assez jouissif ça !

En savoir plus sur le film :

Sans hésiter, Diane a accepté de porter l’enfant de Thomas et Jacques, ses meilleurs amis. C’est dans ces circonstances, pas vraiment idéales, qu’elle tombe amoureuse de Fabrizio.

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