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La famille de l'ancien Président José Sarney a dominé le Maranhão pendant des décennies (Flickr/PMDB)

Comprendre le Brésil en un mot : c'est quoi ce patrimonialismo / patrimonialisme ?

Ancien cadre dirigeant d’une grande entreprise française au Brésil, Christian Pouillaude a vécu, travaillé, voyagé au Brésil depuis plus de 40 ans. Passionné de musique brésilienne (au point de collaborer avec Radio Latina) et de tout ce qui touche à son pays d’adoption, il vit aujourd’hui dans la ville de son épouse, Rio de Janeiro, et collabore avec Bom Dia Brésil à travers une chronique mensuelle intitulée Palabres. Palabres, car on ne peut pas comprendre le Brésil sans saisir toutes les nuances de certains mots du vocabulaire brésilien. Palabres, car ce sont des mots qui prêtent à la réflexion et à la discussion. Le 17e volet de cette chronique se penche sur la pratique du patrimonialisme, cette confusion des intérêts publics et des intérêts privés propre à l’oligarchie brésilienne...

C’est un concept fondateur de l’analyse sociologique de la société brésilienne développé dès les années 1930 par Sergio Buarque de Holanda (oui, oui, celui de la cordialité !). Il désigne le fait de confondre joyeusement les intérêts publics et les intérêts privés, propre à l’oligarchie brésilienne, selon lui.

Ces oligarques, en particulier dans l’exercice de fonctions politiques, se comporteraient au sein de la société comme ils se comportent au sein de leur famille, avec des relations caractérisées par le respect patriarcal, la primauté des liens de sang et des relations personnelles basées sur les sentiments et les émotions. Ils confondent aussi facilement l’intérêt collectif avec leurs propres intérêts personnels. Pour eux l’intérêt collectif n’est que la somme d’intérêts particuliers ou de groupes familiaux : l’Etat n’est qu’une extension des cercles familiaux.

Pratique familiale

Même si la société brésilienne a beaucoup changé depuis les années 1930, ces caractéristiques demeurent encore bien présentes, en particulier dans le milieu politique et ce, sous différentes formes.

Pour preuve, la pratique familiale de la politique est toujours extrêmement répandue : on est souvent maire, député, sénateur ou gouverneur de père en fils (ou fille). Un Etat, comme le Maranhão, a été dominé par une seule famille, un seul clan, celui des Sarney, pendant des décennies. Même avec le « dégagisme » des dernières élections, on ne compte plus les « fils de » à des postes clefs du pays. Le clan Bolsonaro, quant à lui, est en train d’inventer « la Présidence en famille » !

Confusion des intérêts

La confusion des intérêts économiques reste totale, comme ne cessent de le confirmer les scandales de corruption. Tout politique récemment élu maire d’une petite ville se considérera presque comme le nouveau « propriétaire » de la ville. En plus d’installer sa famille, ses amis et ses obligés aux postes clefs, il aura la fâcheuse tendance à confondre le budget de la ville avec sa caisse personnelle. Il considérera ça comme normal : ses fonctions lui confèrent ces droits personnels dont il entend bien bénéficier. Aujourd’hui encore de nombreux politiques choisissent cette carrière car elle est pour eux la façon la plus facile et la plus rapide de s’enrichir.

Dans ces conditions, on comprend bien que certains concepts bien français, fondateurs de la République, sont absents du vocabulaire brésilien : bien commun, intérêt général, chose publique, sens de l’Etat... La notion même d’Etat reste très théorique et abstraite au Brésil. Par contre on constate que la vie politique est largement influencée par de puissants groupes de pression, actifs à la Chambre des Députés et au Sénat.

Ce sont en particulier les fameux BBB (boi, bala, biblia – bœuf, balle, bible) comprenant les lobbys de l’agro-négoce, de la sécurité et des églises évangéliques. On rajoute parfois même le B de bola (balle) pour l’efficace lobby des clubs de football !

 

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