Qu’il pleuve ou qu’il fasse beau, touristes et Cariocas adorent se balader sur le « Boulevard Olimpico ». Etape incontournable du circuit touristique de Rio depuis les Jeux olympiques de 2016, la longue avenue qui va de la praça Maua à l’AquaRio attire notamment pour ses fresques gigantesques peintes sur les murs de bâtiments, désaffectés pour la plupart. Cette prise d’assaut de la zone portuaire par les street artistes a débuté en 2011 et, maintenant que les lieux ont été adoptés par le grand public, cette revitalisation par les couleurs entend se poursuivre et même s’institutionnaliser grâce au Museu de Arte Urbana do Porto (Maup), inauguré ce jeudi.
Son coordinateur général est le producteur culturel Joa Azria. Après une parenthèse de deux ans en Côte d’Ivoire, le Français est de retour à Rio où il avait travaillé auparavant sur des projets musicaux via Green Go Agency et d’art urbain via Art Rua. Et il revient avec « un nouveau regard » : que ce soit pour la musique ou l’art, fini les festivals, leur tenue sporadique et leurs problèmes de date. « Il faut laisser tomber ou qu’ils deviennent vivants tout au long de l’année », affirme-t-il à Bom Dia Brésil.
Des street artistes de renommée mondiale à venir
C’est cette formule qui sera adoptée avec le Maup qui, malgré son appellation, n’est pas un musée comme les autres. S’il y aura bien un lieu physique sous forme de boutique au rez-de-chaussée du nouvel immeuble de Norman Foster sur le port, l’Aqwa Corporate – ouverture en novembre, il s’agit surtout d’une plate-forme soutenant des projets multiples autour de l’art urbain dans le quartier. « Nous ne sommes pas dans la préservation car les œuvres d’art urbain sont éphémères, avec un temps de vie plus court, surtout à Rio à cause du vent, de l’humidité et des embruns », précise Joa Azria.
Le Maup, c’est en effet surtout un lieu à ciel ouvert dont les œuvres s’exposeront sur les bâtiments de la zone portuaire. Il y a la quarantaine de fresques déjà existantes, dont celles du Boulevard Olimpico, mais d’autres sont à venir sur cette même avenue, ainsi que les rues adjacentes. Tous les mois notamment, un street artiste de renommée internationale sera convié pour s’approprier des murs. Le premier, pour ce mois de septembre, est le Néerlandais Leon Keer, primé meilleur artiste de street art du Benelux 2018 et connu pour ses œuvres en 3D anamorphique. Suivront les Français Rero en octobre et Remed en novembre.
Une carte et une application
La venue d’artistes brésiliens est également dans les cartons comme 8 Bitch, Kajaman ou encore Alto Contrasto, mais aussi du projet « Back to school » de Seth Globepainter, qui apporte depuis 2016 l’art urbain sur les murs des écoles, ainsi que le précurseur du street art, le Français Blek le rat, à qui le Maup entend organiser sa première exposition au Brésil.
Pour que toutes ces œuvres soient mises en valeur pour le mieux, l’autre projet du Maup est de toutes les recenser pour les visiteurs sur une carte en papier à collectionner, car elle évoluera avec les nouvelles œuvres ajoutées, et sur une application mobile qui proposera dès l’an prochain une véritable immersion pour ses usagers (réalité virtuelle, 4D…). « Ils pourront s’amuser avec l’interactivité », promet Joa Azria.
Une vision sociale
A partir de 2019 également, des visites guidées du quartier seront proposées en collaboration avec les jeunes des communautés des alentours (Morro do Pinto, Morro da Providência). Ces derniers sont eux aussi au cœur du projet Maup. « Avant, quand on employait des jeunes lors des festivals, c’était pour deux-trois mois, cette fois, on souhaite vraiment qu’ils soient formés et trouvent un emploi derrière grâce à nos partenaires dont Suvinil, Mills ou encore Kreimer Engenharia », explique Joa Azria.
Selon lui, les habitants de ce quartier longtemps délaissé et inhospitalier sont ravis de cette revitalisation à la fois urbaine et artistique. A terme, le Français espère que la zone portuaire deviendra le Wynwood carioca, à l’image de ce quartier portoricain de Miami (Floride) dont les hangars désaffectés ont été pris d’assaut dans les années 2000 par les street artists, revitalisant les lieux par leur art.
« Une solution facile et sensationnelle » pour revitaliser un quartier
« C’est une solution facile et sensationnelle, mais il ne faut pas s’arrêter au Boulevard Olimpico », indique-t-il, préconisant une piétonisation progressive de l’avenida Rodrigues Alves, qui longe la mer dans le prolongement de l’AquaRio jusqu’à la gare routière. Dans le cadre du projet « Rua Walls », ses murs sont déjà recouverts pour la plupart d’œuvres des street artistes paulistanos Erica Mizu et Apolo Torres, mais encore difficilement accessibles à pied.
Rio arrivera-t-elle bientôt à la hauteur de sa consœur brésilienne São Paulo, connue pour être l’une des capitales mondiales du street art ? Joa Azria en est déjà certain : « A Rio, c’est beaucoup plus intéressant à visiter qu’à São Paulo car c’est plus colossal et concentré. »