Depuis quelques jours, l'histoire de l'agression raciste d'un professeur de l'école Mestre Marçal, à Rio das Ostras - commune située à 170 km de Rio de Janeiro - circule sur Internet. La semaine dernière, alors que les élèves devaient faire un contrôle, certains d'entre eux ont filmé leurs camarades en train d'humilier, d'insulter et de menacer physiquement le professeur. La vidéo, longue d'un peu plus de 3 minutes, a été publiée sur les réseaux sociaux par les élèves eux-mêmes.
Interrogé par G1, le professeur de langue portugaise, Thiago dos Santos Conceição, 31 ans et enseignant depuis 10 ans, a affirmé que dans cet établissement, où il travaillait depuis sept mois, les attaques diverses étaient devenues une véritable routine. « C'était un cauchemar. Les agressions étaient constantes, mais on pense toujours qu'on pourra tout résoudre à travers le dialogue. Dans tous mes cours, je parle de l'importance du dialogue et de celle de l'éducation », déclare-t-il. Il avoue aussi avoir averti la direction à ce sujet, mais confie qu'aucune mesure n'avait été prise jusque-là. Son seuil de tolérance a pourtant été dépassé avec la diffusion des images de son attaque par les élèves.
Humiliation et frustration
Depuis, il a démissionné de l'école où il ne pouvait envisager d'enseigner plus longtemps, se sentant en danger. « Aujourd'hui, je me sens frustré, affirme Thiago dos Santos Conceição. Mais aussi triste de ne pas avoir réussi à faire évoluer cette situation. C'est humiliant d'avoir un travail et de devoir y renoncer. »
Sur les six élèves à l'origine de l'agression, âgés de 17 et 18 ans, quatre ont été temporairement exclus. L'un d'entre eux a filmé une nouvelle vidéo pour présenter ses excuses au professeur, dans laquelle il précise que « personne n'est parfait », que beaucoup d'élèves ont déjà eu des attitudes puériles en classe les menant à faire des bêtises. Il ajoute regretter ses gestes envers « un professeur qui n'est pas là pour s'amuser, qui a besoin d'argent et qui aime son travail ».
Le Brésil, « champion » des agressions contre les professeurs
Un mea culpa qui n'empêchera tout de même pas les six jeunes d'avoir affaire à la justice, une enquête ayant été ouverte. Ils ont donc été entendus par la police et tous ont évoqué « une plaisanterie ayant mal tourné » selon O Globo. Bien qu'ayant exprimé leurs regrets, les élèves pourraient être inculpés pour outrage, menace, tentative de préjudice corporel et atteinte au patrimoine public.
Si cet événement particulier a fait grand bruit, elle a aussi permis de mettre à jour la situation d'un grand nombre de professeurs brésiliens, qui peinent à enseigner en toute tranquillité. Selon une étude menée par l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) d'après des données de 2013 recueillies auprès de 100.000 professeurs de second cycle de l'ensino fundamental et d'ensino médio (équivalent du collège et du lycée), le Brésil se trouve en tête du classement dans le domaine des violences scolaires. L'OCDE révèle en effet que 12,5 % des professeurs entendus au Brésil avouent être victimes d'une agression, qu'elle soit physique ou verbale, au moins une fois par semaine. Soit l'indice le plus haut des 34 pays dans lesquels la recherche a été menée, dont la moyenne de professeurs agressés est de 3,4 %.
Rosemeyre de Oliveira, chercheuse à la PUC de São Paulo interrogée par G1, explique qu'un tel résultat est rendu possible par l'absence de réelles sanctions à l'encontre des élèves agresseurs : « L'élève agressant son professeur sait que de toute manière il ne redoublera pas pour autant. Il sera peut-être changé d'école ou juste exclu huit jours ».