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Une urne électronique au Brésil (Fernando Frazão/Agência Brasil)

Carnet de campagne : biométrie, prostate de Ciro, manifeste contre Bolsonaro, Garotinho inéligible

La campagne pour l’élection présidentielle 2018, dont les deux tours se dérouleront les 7 et 28 octobre, bat son plein au Brésil. Les principales histoires de la semaine sont dans notre carnet de campagne.

3,3 millions d’électeurs rayés des listes

Par sept voix contre deux, le Tribunal suprême fédéral (STF) a confirmé l’annulation de la carte d’électeur de 3,3 millions de Brésiliens mercredi 26 septembre. Ces électeurs n’ont pas procédé à l'inscription biométrique, qui permet d’être identifié lors du vote par son empreinte digitale, et qui était obligatoire dans de nombreuses villes brésiliennes. Selon Metro, ils sont originaires de 1.248 villes réparties dans 22 Etats différents. Mais la majorité (53,7 %) résident dans le nord et le nord-est du Brésil. D’après la BBC Brasil, l’annulation des 3,3 millions de cartes avait été prononcée par le Tribunal supérieur électoral (TSE), mais le Parti socialiste brésilien (PSB) avait introduit un recours devant le STF, arguant que le droit de vote est un principe fondamental de la Constitution brésilienne et que l'absence d'enregistrement biométrique ne constitue pas une raison suffisante pour empêcher un nombre aussi important de personnes de se rendre aux urnes. Près de la moitié des électeurs brésiliens, qui n’étaient pas (encore) concernés par cette inscription biométrique, voteront avec l’ancienne méthode (identification par document avec photo).

Ciro Gomes à l'hôpital

Après Jair Bolsonaro (Parti social libéral - PSL), c'est au tour du candidat du Parti démocratique travailliste (PDT) d'avoir été hospitalisé à Sao Paulo. La raison est moins grave heureusement. Selon O Globo, Ciro Gomes a senti mardi après-midi une gêne au niveau de la prostate, qui a été traitée le jour-même, mais le Nordestin a dû passer la nuit à l'hôpital. Il en est ressorti mercredi pour poursuivre sa campagne.

Des hommes d'affaires, sportifs, écrivains et artistes unis contre Jair Bolsonaro

Chico Buarque (Focka/Flickr)

Quel est le point commun entre le chanteur Chico Buarque, l'acteur Wagner Moura, l'ex-footballeur Casagrande et le coprésident de Natura, Guilherme Leal ? Ils ont tous signé un manifeste intitulé « Democracia sim » (« Démocratie oui ») contre la candidature de Jair Bolsonaro, qui, selon eux, « représente une menace franche pour notre héritage civilisationnel primordial ». « Nous sommes différents. Nous avons des trajectoires personnelles et publiques variées. Nous votons pour des candidats et des partis différents. Nous défendons des causes, idées et projets différents pour notre pays, souvent antagonistes. Mais nous avons un engagement commun envers la démocratie. Envers la liberté, la coexistence plurielle et le respect mutuel. Et nous croyons au Brésil. Un Brésil formé par tous ses citoyens, éthique, pacifique, dynamique, exempt d’intolérance, de préjugés et de discrimination », est-il écrit. Sans appeler à voter pour un autre candidat en particulier, le manifeste entend « refuser sa normalisation et unir nos forces dans la défense de la liberté, de la tolérance et du destin collectif parmi nous ». Parmi ses autres signataires célèbres, on retrouve notamment Caetano Veloso, Gregorio Duvivier, Camila Pitanga, Alice Braga, Juca Kfouri ou encore Laerte. Plus de 190 000 personnes l'ont signé à l'heure où nous écrivons ces lignes. A l'international aussi, on soutient le mouvement #EleNao (#PasLui), à l'image de Madonna, qui a publié cette image vendredi sur Instagram :

 

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L'appel aux Brésiliens de l'acteur britannique Stephen Fry

Autre initiative contre Jair Bolsonaro née hors du Brésil, celle du comédien Stephen Fry, qui a lancé un appel pour que les Brésiliens ne votent pas pour Jair Bolsonaro lors de la prochaine élection présidentielle dans une vidéo publiée par BuzzFeed Brasil.

L’acteur britannique n’est peut-être pas un grand spécialiste de la classe politique brésilienne, mais il connaît très bien Jair Bolsonaro : en 2013, il avait interviewé le député fédéral pour la BBC dans le cadre de son émission Out There, une série sur l'homophobie dans le monde (voir l’extrait YouTube ci-dessous).

Dans la vidéo publiée par BuzzFeed Brasil, Stephen Fry déclare que le discours de Jair Bolsonaro contre les personnes de couleur, les femmes et la communauté LGBT est « véritablement terrifiant » et qualifie sa rencontre avec le candidat en 2013 de « l’une des plus effrayantes » qu’il ait « jamais eu avec un être humain ».

Un 5e débat télévisé terne

Le 5e débat télévisé entre les principaux candidats du premier tour s'est déroulé mercredi en fin d'après-midi sur la chaîne SBT. Il étaient huit cette fois : Jair Bolsonaro (PSL) était toujours absent en raison de son hospitalisation, mais Cabo Daciolo (Patriota) était de retour, descendu de sa montagne carioca où il a passé ces dernières semaines à jeûner et prier au lieu de faire campagne.

Ce dernier, avec son style détonnant et déroutant, a souvent provoqué les sourires de ses adversaires, apparaissant pour la plupart fatigués et sans grand dynamisme alors que le premier tour approche. Comme la semaine dernière, Fernando Haddad (Parti des travailleurs - PT) a fait face aux attaques les plus dures, notamment de la part de Ciro Gomes (PDT) et Marina Silva (Rede), mais maintenant lui-même beaucoup de sobriété, tentant de se positionner à la fois proche de Lula et indépendant de son mentor emprisonné. Un exercice délicat.

Le trio Gomes-Silva-Alckmin, désormais largement dépassé dans les sondages par le candidat du PT, a joué à l'unisson, mais sans grande conviction, la carte de la troisième voie, tentant de maintenir l'espoir qu'un second tour sans le PT ou l'extrême droite était possible. Le candidat du PDT a notamment promis qu'il ferait en sorte de ne pas accueillir de membres du PT ou du MDB dans son gouvernement s'il était élu. Marina Silva de même, qui a de nouveau fait appel à son électorat le plus proche, qui s'effrite inexorablement à chaque sondage (lire plus bas) : les femmes et les classes modestes.

Enfin, dans cette nouvelle tribune un peu vaine où les programmes ont moins été en lumière que les retours dans le passé obscur des uns et des autres, on a pu assister tout de même à quelques moments cocasses : Marina Silva qui fait un coeur avec ses mains au moment de sa présentation, Cabo Daciolo disant à sa mère qu'il l'aimait, Guilherme Boulos (Psol) confiant juste après à ce dernier combien il avait manqué aux débats précédents, ou encore Alvaros Dias (Podemos), sans doute le plus désabusé des candidats, informant en conclusion de son discours final qu'il se rendrait le soir même au match Corinthians-Flamengo.

Le général Mourão critique le 13e mois, Jair Bolsonaro le contredit

Une fois de plus, Jair Bolsonaro a été obligé de contredire l'un de ses proches alliés depuis son lit d'hôpital. Et c'est à nouveau sur un sujet économique. Cette fois, c'est son colistier, le général Mourão, qui, lors d'un déplacement dans le Rio Grande do Sul mercredi, a émis une critique du 13e mois et des vacances des salariés, « qui pèsent sur les épaules des chefs d'entreprise », selon Extra. Jair Bolsonaro est intervenu fermement sur Twitter pour défendre ce droit des salariés

« Le 13e mois du travailleur est prévu à l'art. 7 de la Constitution dans le chapitre des clauses de marbre (qui ne peut pas être aboli même par un amendement à la Constitution). Le critiquer, en plus d'être une offense à ceux qui travaillent, prouve une méconnaissance de la Constitution. »

Le général Mourão a indiqué que ses propos, personnels, avaient été sortis de leur contexte.

38 parlementaires ciblés par une campagne anticorruption

Selon la campagne Unidos contra a corrupção, à laquelle participe notamment l’ONG Transparency international, 38 parlementaires candidats à la réélection au Sénat ou à la Chambre des députés sont sous le coup de la loi de la Ficha limpa. A partir des données transmises par le STF, les coordinateurs de la campagne ont identifié parmi les parlementaires qui se représentent 35 mis en examen et trois législateurs déjà condamnés. Par ailleurs, Unidos contra a corrupção a identifié 131 parlementaires candidats que la campagne considère comme des candidats propres, parce qu’il répondent à trois critères : pureté du passé, engagement pour la démocratie et soutien aux nouvelles mesures anticorruption.

L'ex-femme de Jair Bolsonaro dément que ce dernier l'ait menacée de mort...

Ana Cristina Siqueira Valle (LikendIn/DR)

Déjà à l'origine du scoop sur la fausse assistante parlementaire du candidat du PSL, la Folha de S. Paulo a cette semaine déterré une vieille affaire conjugale concernant Jair Bolsonaro. Se basant sur un télégramme du ministère des Affaires étrangères brésilien datant de 2011, le quotidien paulistano affirme qu'en 2009, Ana Cristina Siqueira Valle, ex-femme du candidat du PSL, aurait déménagé en Norvège, se disant menacée de mort par son ex-mari qui lui disputait la garde de leur fils. Retournée depuis au Brésil, celle qui est aujourd'hui candidate aux élections législatives fédérales dans l'Etat de Rio de Janeiro pour le parti Podemos d'Alvaros Dias - et avec le patronyme Bolsonaro - a démenti dans la foulée les informations de l'article, selon UOL. Elle a déclaré avoir été mise sous pression par son ex-mari à l'époque, mais pas menacée de mort, apportant son soutien au candidat du PSL.

...mais l'aurait accusé de vol et de dissimulation de patrimoine

Veja a publié jeudi soir d'autres révélations sur le litige qui opposait Jair Bolsonaro à son ex-femme, à partir d'un document de 500 pages auquel le magazine a eu accès. On y apprend notamment qu'Ana Cristina Siqueira Valle a accusé son ex-mari d'avoir caché des millions de reais de biens personnels en déclarant son patrimoine à la justice électorale en 2006, alors qu'il était candidat à un poste de député fédéral. Selon Veja, Ana Cristina Siqueira Valle a également accusé Jair Bolsonaro d'avoir volé 30.000 reais, puis 800.000 reais dans un coffre qu'elle détenait dans une agence Banco do Brasil. Elle avait déposé une plainte à ce sujet devant la police civile le 26 octobre 2007. Appelée à témoigner à deux reprises par la police au sujet de cette accusation de vol, l'ex-femme de Jair Bolsonaro ne s'était pas présentée et l'affaire avait été classée sans suite. Comme le rapporte UOL, Ana Cristina Siqueira Valle n'a pas expliqué clairement à Veja comment elle avait résolu le litige avec son ex-mari et en était venue à le soutenir publiquement. « Quand vous êtes blessée, vous dites des choses que vous ne devriez pas », s'est-elle contentée de déclarer.

Anthony Garotinho déclaré inéligible à Rio

Le candidat PRP au poste de gouverneur de l'Etat de Rio de Janeiro Anthony Garotinho (Agência Brasil)

A un peu plus d'une semaine du premier tour de l'élection pour le poste de gouverneur de l'Etat de Rio de Janeiro, Anthony Garotinho a finalement été déclaré inéligible jeudi par le TSE, selon Agência Brasil. Les juges, qui ont pris cette décision à l'unanimité, ont appliqué la loi Ficha Limpa, qui empêche toute personne condamnée en appel de pouvoir concourir à des élections. Or, le candidat du Parti républicain progressiste (PRP) a, entre autres, été condamné en appel pour irrégularité administrative et enrichissement illicite en juillet dernier. Il aurait détourné plus de 230 millions de reais des caisses du secrétariat de l'Etat de Rio de Janeiro à la Santé lorsqu'il en était en charge en 2005 et 2006. C'est un coup très dur pour Anthony Garotinho qui venait de remonter en deuxième position dans le dernier sondage Datafolha du premier tour pour l'Etat de Rio de Janeiro (lire plus bas). L'ancien gouverneur a immédiatement indiqué qu'il ferait appel de cette décision devant le Tribunal suprême fédéral (STF).

Le point sur les derniers sondages

Cette semaine, l'institut Ibope a diffusé deux sondages à deux jours d'intervalle (lundi et mardi), mais nous prendrons en compte le plus récent, tandis que Datafolha a publié son enquête hebdomadaire vendredi. Ils ont montré deux tendances : Jair Bolsonaro (PSL) reste leader, mais stagne, et Fernando Haddad (PT) poursuit sa remontée. Le premier obtient 27 % des intentions de vote chez Ibope et 28 % chez Datafolha, contre 21 % pour le second chez Ibope, 22 % chez Datafolha. Suivent Ciro Gomes (PDT) avec 12 % chez Ibope et 11 % chez Datafolha, Geraldo Alckmin (PSDB) avec 8 % chez Ibope et 10 % chez Datafolha, et Marina Silva (Rede) avec 6 % chez Ibope et 5 % chez Datafolha.

En termes de rejet, Jair Bolsonaro (44 % chez Ibope et 46 % chez Datafolha), Fernando Haddad (27 % chez Ibope, 32 % chez Datafolha) et Marina Silva (27 % chez Ibope et 28 % chez Datafolha, en baisse) sont en hausse, tandis que Geraldo Alckmin (19 % chez Ibope et 24 % chez Datafolha) et Ciro Gomes (16 % chez Ibope et 21 % chez Datafolha) sont en baisse ou stables.

Au second tour, Fernando Haddad reprend la main face à Jair Bolsonaro et l'emporterait 42 %-38 % chez Ibope et 45 %-39 % chez Datafolha. Le candidat du PSL est de nouveau perdant contre Geraldo Alckmin (40 %-36 % chez Ibope et 45 %-38 % chez Datafolha) et Ciro Gomes (44 %-35 % chez Ibope et 48 %-38 % chez Datafolha) mais il l'emporterait face à Marina Silva (40 %-38 % chez Ibope). Ciro Gomes vaincrait dans tous les autres cas de figure émis par Datafolha, tandis que Fernando Haddad serait à égalité 39 %-39 % face à Geraldo Alckmin.

L'institut Ibope a ajouté de nouvelles données : pour 55 % des électeurs de Jair Bolsonaro, la décision est définitive, contre 49 % pour Fernando Haddad ; quel que soit leur vote, 44 % des interrogés pensent que Jair Bolsonaro sera le prochain président du Brésil contre 20 % pour Fernando Haddad et 8 % pour Ciro Gomes.

Le point sur les derniers sondages des gouverneurs

Les instituts Ibope et Datafolha ont publié cette semaine une nouvelle enquête sur l'élection pour le poste de gouverneur. A Rio, l'écart se creuse entre Eduardo Paes (DEM), qui reste à 24 % chez Ibope et monte à 25 % chez Datafolha, et Romario (Podemos), qui baisse à 16 % chez Ibope et reste 14 % chez Datafolha, rattrapé par Anthony Garotinho (PRP) qui monte à 16 % chez Ibope et 15 % chez Datafolha, dépassant ainsi pour la première fois l'ex-footballeur.

Au second tour, Eduardo Paes est donné vainqueur contre Romario (38 %-33 % pour Ibope, 44 %-32 % pour Datafolha) et Anthony Garotinho (44 %-22 % pour Ibope, 46 %-25 % pour Datafolha). Romario vaincrait face à Anthony Garotinho ( 40 %-28 % pour Datafolha).

A São Paulo, le scénario est beaucoup moins clair. Pour Ibope, Paulo Skaf (MDB) devance, avec 24 %, João Doria (PSDB), qui est à 22 %. Marcio França (PSB) suit à 12 % et Luiz Marinho (PT) à 6 %. Pour Datafolha, c'est João Doria qui est devant, avec 25 %, contre 22 % pour Paulo Skaf, 14 % pour Marcio França et 5 % pour Luiz Marinho.

Au second tour, les deux instituts s'accordent : Paulo Skaf l'emporterait face à João Doria (39 %-31 % pour Ibope, 41 %-36 % pour Datafolha). Dans les autres scénarios, Paulo Skaf et João Doria l'emporteraient contre tous leurs adversaires.

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