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Le carnaval a longtemps fait office de preuve de l'harmonie raciale de la société brésilienne (Agência Brasil)

Comprendre le Brésil en un mot : c’est quoi cette democracia racial/démocratie raciale ?

Ancien cadre dirigeant d’une grande entreprise française au Brésil, Christian Pouillaude a vécu, travaillé, voyagé au Brésil depuis plus de 40 ans. Passionné de musique brésilienne (au point de collaborer avec Radio Latina) et de tout ce qui touche à son pays d’adoption, il vit aujourd’hui dans la ville de son épouse, Rio de Janeiro, et collabore avec Bom Dia Brésil à travers une chronique mensuelle intitulée Palabres. Palabres, car on ne peut pas comprendre le Brésil sans saisir toutes les nuances de certains mots du vocabulaire brésilien. Palabres, car ce sont des mots qui prêtent à la réflexion et à la discussion. Le huitième volet de cette chronique se penche sur le concept de démocratie raciale. Vous pouvez la découvrir en version podcast ou simplement la lire ci-dessous.

« Démocratie raciale », c’est par ce terme que les Brésiliens ont caractérisé durant tout le 20e siècle les relations raciales au Brésil. Des relations apaisées, pacifiques, amicales, respectueuses, paritaires, bref démocratiques ! C’était pour beaucoup une opposition à la référence nord-américaine, avec sa ségrégation, ses violents conflits et son racisme ouvert et généralisé. Rien de tout ça au Brésil, bien au contraire ! Le Brésil aimait se présenter au monde entier comme le pays du métissage, comme le paradis de l’harmonie raciale. Des preuves en étaient montrées en exemples : le Roi Pelé, symbole du succès du pays, les chanteurs et musiciens « de toutes les couleurs », les merveilleuses « mulatas » des écoles de samba... On partageait la croyance que le métissage était la meilleure prévention contre toute forme de racisme. A ceux qui objectaient que, quand même, la grande majorité des noirs étaient pauvres et qu’une bonne majorité des pauvres étaient noirs, on répondait invariablement que certes, c’était vrai, mais que c’était un problème social et pas racial.

Le racisme est souvent subtil, mais il est bien là

Aujourd’hui, on est bien revenu de cette vision idyllique, bien peu réaliste. Le terme de « démocratie raciale » apparaît désormais marqué par beaucoup d’ingénuité et surtout par une grande hypocrisie. Certes, les relations raciales au Brésil sont tout à fait uniques au monde en raison de cet incroyable brassage et de ce métissage généralisé. Mais on n’efface pas d’un seul mot plus de trois siècles d’esclavage, qui ont profondément marqué la société brésilienne. Sans parler de la façon dont les Indiens, voire les Nordestins, y sont considérés et traités. Alors oui, bien sûr, le Brésil est un pays raciste, comme tous les autres, mais à sa propre façon, que Gilles Lapouge qualifie sans détour de « rampante, indicible et hypocrite ». Le racisme est souvent subtil, mais il est bien là : on parla même ironiquement de « racisme cordial » ! Et puis surtout, c’est un pays où il y a une vraie et énorme discrimination raciale et sociale, les deux étant le plus souvent liées. Il suffit de lire les statistiques sur l’éducation ou la violence, à Rio par exemple, pour qu’elle apparaisse dans toute son ampleur.

Le mythe de la « démocratie raciale » a eu malheureusement pour effet d’empêcher toutes les politiques de lutte contre ces discriminations, qui auraient pourtant dû être lancées il y a bien longtemps, dès l’abolition de l’esclavage. Elles ont commencé à se mettre en place depuis le début de ce siècle, mais avec beaucoup de lenteur et de difficultés : on est encore très loin du compte ! Bien, bien loin en tout cas d’une vraie démocratie raciale.

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