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Lors d'une manifestation à Brasilia (Agência Brasil)

Comprendre le Brésil en un mot : d’où vient cet Ordem e Progresso/Ordre et Progrès ?

Ancien cadre dirigeant d’une grande entreprise française au Brésil, Christian Pouillaude a vécu, travaillé, voyagé au Brésil depuis plus de 40 ans. Passionné de musique brésilienne (au point de collaborer avec Radio Latina) et de tout ce qui touche à son pays d’adoption, il vit aujourd’hui dans la ville de son épouse, Rio de Janeiro, et collabore avec Bom Dia Brésil à travers une chronique mensuelle intitulée Palabres. Palabres, car on ne peut pas comprendre le Brésil sans saisir toutes les nuances de certains mots du vocabulaire brésilien. Palabres, car ce sont des mots qui prêtent à la réflexion et à la discussion. Le septième volet de cette chronique se penche sur la devise du Brésil, Ordem e Progresso/Ordre et Progrès. Vous pouvez la découvrir en version podcast ou simplement la lire ci-dessous.

C’est la devise du Brésil : elle est même inscrite sur le drapeau national, en lettres majuscules vertes sur fond blanc. Peu de Brésiliens savent aujourd’hui qu’elle vient de la devise de la philosophie positiviste d’Auguste Comte : « L’amour pour principe, l’ordre pour base, le progrès pour but. » C’était un peu long, ce fut résumé en « Ordre et Progrès ». Peu de Français savent aujourd’hui qui était Auguste Comte (1798-1857), le fondateur du positivisme. Cette philosophie proclamait la supériorité de l’esprit scientifique sur la théologie et la métaphysique pour comprendre et expliquer le monde : « La seule vérité accessible l’est par les sciences. »

D'Auguste Comte à Benjamin Constant

Auguste Comte est considéré à juste titre comme un précurseur de la sociologie. Le positivisme évolua par la suite vers une curieuse religion dont subsistent jusqu’à aujourd’hui deux temples, l’un à Paris et l’autre (en fort mauvais état) à Rio. Le positivisme a désormais disparu du paysage, mais à son époque, il exerça une forte influence, en particulier sur de jeunes Brésiliens farouchement républicains qui participèrent activement à la création de la République du Brésil en 1889. La figure la plus connue en fut Benjamin Constant Botelho de Magalhães, qui fut même ministre. Toutefois il n’eut qu’un rôle politique marginal dans la nouvelle République : ses idées sociales et fédératives furent jugées trop radicales. L’autre représentant célèbre du positivisme fut Raimundo Teixeira Mendes, le créateur du fameux drapeau, mais aussi du calendrier civique brésilien : c’est lui qui institua par exemple les jours fériés du 21 avril pour Tiradentes et du 13 mai pour l’abolition de l’esclavage.

Finalement, le seul domaine où l’influence positiviste fut forte et durable au Brésil fut la politique indigéniste, sous la gouverne du colonel Candido Rondon et d’autres positivistes convaincus, qui cherchèrent à la fois à intégrer et protéger les populations indiennes de l’intérieur du pays.

Mais revenons à ce drapeau brésilien sous influence française. « Ordre et Progrès » : ce ne sont pas vraiment les deux mots qui viennent spontanément à l’esprit quand on pense au Brésil ! Quitte à faire, dans le raccourci, « l’amour » aurait eu toute sa place : il aurait mieux convenu à ce pays profondément religieux et terriblement émotif et romantique. Mais l’ordre ? Comme l’a dit le Barão de Rio Branco : « Il n’y a que deux choses bien organisées au Brésil : le désordre et le Carnaval ». Tout est dit ! Et le progrès ? Pas vraiment une préoccupation dominante dans cette nation hédoniste et consumériste, éternel pays du futur.

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