La campagne pour l’élection présidentielle 2018, dont les deux tours se dérouleront les 7 et 28 octobre, bat son plein au Brésil. Les principales histoires de la semaine sont dans notre carnet de campagne.
Jair Bolsonaro appelle à fusiller les militants du PT dans l'Acre
Avant d'être victime d'une agression par arme blanche jeudi, le candidat du Parti social libéral (PSL) n'en ratait pas une pour se faire remarquer. Il était samedi dernier dans l'Acre et, lors d'un discours, s'est emparé d'un pied de caméra pour imiter une mitraillette et lancer : « Nous allons fusiller les pétistes (Petralhada) de l'Acre. Nous allons faire courir ces pioches (picaretas). Ils aiment tant le Venezuela, ils n'ont qu'à y aller. Sauf que là-bas les gars, il n'y a pas de mortadelle (autre surnom des militants du Parti des travailleurs, ndr), ils vont devoir manger de l'herbe », a lancé Jair Bolsonaro, vêtu de son plus beau survêtement.
Le PT a immédiatement réagi en dénonçant le candidat ultra-conservateur auprès du Tribunal supérieur fédéral (STF) pour menaces, injure électorale et incitation à la violence, selon la Tribuna do Parana.
Fernando Haddad accusé de corruption dans une seconde affaire
Alors que le Parti des travailleurs (PT) l'a maintenu colistier de Lula, décidé à aller encore un peu plus loin pour faire valider sa candidature, Fernando Haddad est lui aussi dans le viseur de la justice. Après avoir été mis en examen dans une affaire concernant la construction des pistes cyclables de São Paulo, lorsque celui-ci en était maire, le Ministère public l'a accusé mardi de corruption passive, association criminelle et blanchiment d'argent, selon Agência Brasil. Cette fois, il aurait sollicité et reçu illégalement en 2013 2,6 millions de reais de la part de l'entreprise UTC Empreiteira afin de payer des dettes de sa campagne de 2012 pour la mairie de la capitale paulista. C'est un responsable de l'entreprise emprisonné, Ricardo Pessoa, qui a dénoncé Fernando Haddad, afin de bénéficier du système de « délation récompensée ». L'entourage du candidat PT à la vice-présidence a répondu qu'il n'y avait aucune preuve et dénoncé des accusations mensongères.
Geraldo Alckmin lui aussi visé par la justice
Hasard du calendrier ou pas, la justice s'active donc ces dernières semaines pour rattraper plusieurs candidats importants aux élections. Lundi, c'était au tour du candidat du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB) d'être pris pour cible par le Ministère public de l'Etat de São Paulo via une action d'improbité administrative à son encontre, selon Veja. Geraldo Alckmin est accusé par des membres d'Odebrecht aujourd'hui emprisonnés d'avoir reçu 8,3 millions de reais pour remplir une caisse noire (caixa dois) afin de financer sa campagne à l'élection du gouverneur de l'Etat de São Paulo en 2014. Néanmoins, il s'agit d'une action judiciaire en première instance. Ainsi, comme l'explique l'hebdomadaire, même s'il est condamné avant l'élection, il ne tombera pas sous la sanction de la loi Ficha Limpa, qui frappe d'inéligibilité les hommes politiques ayant été condamnés en appel (comme c'est le cas pour Lula).
Lula multiplie les recours
La candidature de Lula ayant été rejetée vendredi 31 août par le Tribunal supérieur électoral (TSE), les avocats de l’ancien président ont décidé de retourner plaider sa cause devant le comité des droits de l’homme de l’ONU. Lequel avait recommandé au Brésil le 17 août dernier de garantir le droit à l'ancien chef de l'Etat de présenter sa candidature à la présidence de la République. « Nous demandons au comité de réitérer l’obligation de l’État brésilien de remplir ses obligations internationales », a affirmé la défense de Lula. Celle-ci a toutefois enregistré deux décisions défavorables devant le Tribunal suprême fédéral brésilien (STF) jeudi 6 septembre. Le juge Edson Fachin a ainsi bloqué une demande des avocats du l’ancien président, qui souhaitaient faire annuler les effets de la condamnation de Lula en appel pour corruption passive et blanchiment d’argent, sur la base de la recommandation de l’ONU. Et Celso de Mello, autre juge du STF, a refusé de laisser Lula continuer à faire campagne pendant qu’un recours extraordinaire contre la décision du TSE était examiné. Le TSE a par ailleurs rejeté plusieurs clips de campagne du PT, dans lesquels les noms et l’image de Lula étaient trop présents.
Pabllo Vittar se sépare d'une marque de chaussures à cause de Jair Bolsonaro
Le travesti le plus populaire du Brésil n'est évidemment pas un électeur du candidat du PSL. Ayant été alerté que Victor Vincenzza, le fondateur d'une marque de chaussures éponyme avec laquelle il avait un partenariat, suivait et « likait » des publications de Jair Bolsonaro sur Instagram, Pabllo Vittar a décidé d'y mettre fin. « Depuis le début de ma carrière, j'ai toujours su qu’il serait très difficile d’obtenir le soutien de marques qui voudraient se lier avec un artiste LGBTQIA+ que je suis. Beaucoup de portes se sont fermées, mais quelques portes se sont ouvertes et j'ai travaillé avec des partenaires pour lesquels je suis reconnaissant. Je les remercie pour leur soutien jusqu'à présent, mais je ne pourrais pas lier mon travail à un discours qui indique clairement qu'il ne se soucie pas des droits de toute la communauté LGBTQIA+ dont je fais partie », a indiqué l'artiste sur son compte Instagram. Victor Vincenzza a pour sa part seulement répondu qu'il lutterait toujours contre tout type de discrimination.
Michel Temer clashe Geraldo Alckmin et Fernando Haddad sur Twitter
La campagne bat son plein et, forcément, le gouvernement actuel de Michel Temer est une tête de Turc favorite pour les différents candidats (sauf Henrique Meirelles, qui en fut membre et représente le Mouvement démocratique brésilien - MDB - du chef de l'Etat). Le président brésilien est sorti de son silence cette semaine pour répliquer, via trois vidéos publiées sur Twitter, en particulier à deux de ses successeurs potentiels : Geraldo Alckmin (PSDB) et Fernando Haddad (PT), même si ce dernier n'est pas (encore) candidat à la présidence.
L'ancien gouverneur de l'Etat de Sao Paulo a eu le droit à deux vidéos. Dans la première, Michel Temer lui rappelle que critiquer son gouvernement sur les thèmes de la santé, de l'éducation ou encore de l'industrie, c'est critiquer le bilan de ministres issus de différents partis de l'alliance soutenant le propre Geraldo Alckmin à la présidence.
.@geraldoalckmin: fale a verdade pic.twitter.com/cROjJm4xEE
— Michel Temer (@MichelTemer) 6 septembre 2018
Dans la seconde, le président évoque comment le PSDB l'a toujours soutenu et même fait partie de son gouvernement à ses débuts. Quant à Fernando Haddad, Michel Temer l'invite à relire la Constitution afin de constater que sa prise de fonction n'était pas un coup d'Etat, mais bien constitutionnelle, et que sa réforme du droit du travail ne l'enfreint pas non plus.
.@Haddad_Fernando: fale a verdade pic.twitter.com/F3XZuYRLs5
— Michel Temer (@MichelTemer) 6 septembre 2018
Les sondages de la semaine
Il est désormais interdit pour les instituts de sondage de mener des enquêtes avec un scénario comprenant Lula, dont l'inéligibilité a été confirmée vendredi dernier par le Tribunal supérieur électoral (TSE). Néanmoins, l'institut FSB en a dévoilé un lundi effectué avant cette injonction. Ainsi, dans un scénario avec Lula, le leader du PT confirme sa popularité avec 37 % des intentions de vote, devant Jair Bolsonaro (PSL), avec 26 %. Ciro Gomes (Parti démocratique travailliste - PDT) ne récolte que 7 %, Marina Silva (Rede, 5 %) est dépassée pour la première fois par Geraldo Alckmin (PSDB, 6 %) et João Amoêdo (Novo) commence à sortir du bois avec 4 %. Sans Lula, les cartes sont rebattues : Jair Bolsonaro conserve ses 26 %, dominant Ciro Gomes (12 %), Marina Silva (11 %), Geraldo Alckmin (8 %), Fernando Haddad (6 %), qui ne récupère toujours pas l'intégralité des voix du PT, et João Amoedo (4 %). Aucun sondage du second tour n'a été effectué.
L'institut Ibope, lui, n'a pas couru ce risque et préféré diffuser mercredi uniquement son enquête avec le scénario sans Lula. La remontée de Ciro Gomes est confirmée, tout comme l'apparition de João Amoedo : Jair Bolsonaro (22 %) devance Ciro Gomes (12 %), Marina Silva (12 %), Geraldo Alckmin (9 %), Fernando Haddad (6%), Alvaro Dias (Podemos, 3 %), João Amoedo (3 %). Les suivants obtiennent entre 0 et 2 %, avec 21 % de votes blancs et nuls. Au second tour, Jair Bolsonaro serait battu par Ciro Gomes (44 %-33 %), Geraldo Alckmin (41 %-32 %) et Marina Silva (43 %-33 %). Il s'imposerait sur le fil face à Fernando Haddad (37 %-36 %). Le taux de rejet, lui, est toujours aussi fort à l'encontre du candidat du PSL (44 %). Suivent ensuite Marina Silva (26 %), Fernando Haddad (23 %), Geraldo Alckmin (22 %) et Ciro Gomes (20 %).
Cabo Daciolo repart prier et jeûner dans les montagnes
Le candidat du parti Patriote mène une campagne bien particulière. N'apparaissant déjà quasiment jamais en public, il a annoncé vendredi sur Facebook qu'il repartait pour 21 jours de jeûne et de prières sur les montagnes entourant Rio, refusant toute participation à des entretiens et débats. Selon lui, « seul Dieu peut donner la victoire à la nation brésilienne », a-t-il écrit, sans oublier de souhaiter un prompt rétablissement à Jair Bolsonaro après son agression de jeudi. Cabo Daciolo est crédité de 1 % dans les sondages.
Grâce à Jair Bolsonaro, Le Guide du zizi sexuel réédité au Brésil
Bonne nouvelle pour Hélène Bruller et Zep, leur Guide du zizi sexuel (Glénat, 2001), Aparelho sexual & cia en portugais, va être réédité ce mois-ci au Brésil par la Companhia das Letras, selon O Globo. Le livre avait été exhibé la semaine dernière au Jornal Nacional de Globo par Jair Bolsonaro, accusant l'ouvrage sur la sexualité à destination des plus jeunes de faire partie d’un « kit gay » distribué dans les écoles publiques, incitant les enfants à l’homosexualité. Or, il n'a jamais été au programme scolaire.
Anthony Garotinho condamné en appel pour association de malfaiteurs
L'étau se resserre autour du candidat du Parti républicain brésilien (PRB) pour le poste de gouverneur de l'Etat de Rio de Janeiro. Déjà condamné pour fraude électorale, mais bénéficiant d'une remise en liberté, Anthony Garotinho a été condamné cette semaine en appel pour association de malfaiteurs, selon Agência Brasil. Au début des années 2000, alors qu'il était gouverneur et par la suite, lorsqu'il était secrétaire de l'Etat de Rio de Janeiro à la Sécurité, il avait monté un système pour protéger un truand exploitant des machines à sous clandestines aux dépens d'un autre en échange de pots-de-vin. En 2010, il avait été condamné à deux ans et six mois de prison, en régime ouvert, pour les faits. En appel, le Tribunal régional fédéral de la 2e région (TRF2) a maintenu la condamnation et a même augmenté sa peine à quatre ans et six mois en régime semi-ouvert. En vertu de la loi Ficha Limpa, cette nouvelle condamnation pourrait aller à l'encontre de sa candidature à l'élection pour le poste de gouverneur. S'estimant persécuté par la justice au service d'un « système pourri », Anthony Garotinho a d'ores et déjà indiqué qu'il déposerait un recours devant le Tribunal supérieur de justice (STJ) et qu'il maintenait sa candidature.
Les derniers sondages pour les gouverneurs de Sao Paulo et Rio
Vendredi, l'institut Datafolha a dévoilé ses dernières enquêtes pour l'élection au poste de gouverneur des Etats de São Paulo et de Rio de Janeiro. A São Paulo, la lutte est toujours aussi serrée : Joao Doria (PSDB, 25 %) devance Paulo Skaf (MDB, 23 %), Marcio França (Parti socialiste brésilien - PSB, 8 %), Luiz Marinho (PT, 5 %). A Rio, le bond d'Eduardo Paes (Démocrates - DEM) est notable avec 24 % des intentions de vote, suivi notamment par Romario (Podemos, 14 %), Anthony Garotinho (PRB, 10 %) et Tarcisio Motta (Parti socialisme et liberté, 7 %).