La campagne pour l’élection présidentielle 2018, dont le second tour se déroulera le 28 octobre, bat son plein au Brésil. Les principales histoires de cette semaine sont dans notre carnet de campagne.
L’embarrassant soutien du Ku Klux Klan à Jair Bolsonaro
Un soutien dont le candidat Parti social libéral (PSL), déjà étiqueté péjorativement de toutes parts, se serait bien passé. L’ancien leader du Ku Klux Klan (KKK), David Duke, a salué la semaine dernière, dans un talk show qu’il anime sur une radio américaine, Jair Bolsonaro, « un candidat très fort », « un nationaliste », « qui nous ressemble », a rapporté la BBC Brasil. En plus, le Carioca a toutes les qualités pour adhérer au mouvement suprémaciste blanc américain : « C’est un descendant d’Européens, il ressemble à n’importe quel blanc des États-Unis, du Portugal, d’Espagne ou d’Allemagne et de France, et il parle du désastre démographique et de l’importante criminalité qui sévissent au Brésil, comme par exemple dans les quartiers noirs de Rio. » Seul défaut de Jair Bolsonaro : son appui inconditionnel, comme Donald Trump, à Israël - il veut lui aussi transférer l'ambassade du Brésil de Tel Aviv à Jérusalem et fermer l'ambassade palestinienne au Brésil.
Néanmoins, le candidat du PSL n’a pas une appréciation réciproque vis-à-vis du KKK, comme il l’a répondu (en portugais et en anglais) sur Twitter :
Recuso qualquer tipo de apoio vindo de grupos supremacistas. Sugiro que, por coerência, apoiem o candidato da esquerda, que adora segregar a sociedade. Explorar isso para influenciar uma eleição no Brasil é uma grande burrice! É desconhecer o povo brasileiro, que é miscigenado.
— Jair Bolsonaro 1️⃣7️⃣ (@jairbolsonaro) 16 octobre 2018
« Je refuse tout type de soutien venant de groupes suprémacistes. Je suggère, par souci de cohérence, qu’ils soutiennent le candidat de gauche, qui aime diviser la société. Exploiter cela pour influencer une élection au Brésil est d’une grande stupidité ! C'est méconnaître le peuple brésilien, qui est métissé. »
Des mèmes pour se moquer gentiment des « Bolsominions »
Alors que la guerre fait rage sur les réseaux sociaux entre les partisans de Jair Bolsonaro et ceux de Fernando Haddad (Parti des travailleurs), il faut bien convenir que les seconds sont souvent les moins agressifs et surtout les plus drôles. A l’image de ces deux dernières séries de mèmes pleines d'ironie lancées ces derniers jours à travers le Web.
La première présente simplement de jolis perroquets répétant les expressions préférées des Bolsonaristes à l’encontre de leurs adversaires :
Encore plus piquante, la seconde série, intitulée « Barbie militante », montre la célèbre poupée reprendre là aussi des arguments pro-Bolsonaro, habillant pour l’hiver les Brésiliens les plus aisés soutenant le candidat du PSL et pour qui le futur sera bien plus confortable s’il vient à l’emporter :
Muito sofredora sim! #barbiemilitante pic.twitter.com/LMhW7BC9AC
— narinha novaes (@narinhanovaes) 12 octobre 2018
« J’ai déjà été victime de racisme et je n’ai jamais chouiné, ils me surnommaient cœur de palmier »
Le PDT demande l'annulation de la présidentielle
A un peu plus d'une semaine du second tour de la présidentielle, toutes les brèches sont exploitées pour empêcher Jair Bolsonaro d'être élu dans un fauteuil (voir les sondages plus bas). Le Parti démocratique travailliste (PDT) de Ciro Gomes, 3e du premier tour, a indiqué jeudi qu’il présenterait devant le Tribunal supérieur électoral (TSE) une demande d’annulation de l’élection, selon l’Estadao. La raison ? Une information révélée le jour même par la Folha de S.Paulo selon laquelle des entreprises auraient financé une campagne anti-PT via WhatsApp d’une valeur atteignant 12 millions de reais afin de favoriser Jair Bolsonaro.
Le PT s’est également saisi de l’occasion pour présenter une demande d’inéligibilité du candidat du PSL pour huit années, de même que le Parti socialisme et liberté (Psol), qui a requis une enquête du ministère public.
Jair Bolsonaro a répliqué, déclarant n’avoir pas eu connaissance de ce soutien. « Je n’ai aucun moyen de contrôler qu’un chef d’entreprise sympathisant fasse cela pour moi. Je ne peux pas le contrôler et le savoir », a-t-il affirmé, cité par G1.
D’après le site, cette pratique est en théorie illégale si elle est considérée par la justice comme un financement de campagne dans la mesure où les entreprises ne peuvent plus participer financièrement à aucune campagne électorale. Les entreprises ayant participé à cette campagne auraient, selon la Folha, eu accès soit à la base de données des candidats du PSL soit à des bases de données vendues par des agences de stratégie numérique.
Cette affaire intervient alors que, la veille, la présidente du TSE, Rosa Weber, avait réuni les avocats des deux candidats afin que ces derniers et leur équipe de campagne s’engagent à lutter contre les fausses informations répandues à travers les réseaux sociaux par leurs partisans respectifs.
Jair Bolsonaro domine toujours largement les sondages
Contrairement au premier tour, les sondages sur le second ne sont pas légion. Il y en a eu deux cette semaine - le premier d'Ibope, lundi, et le second de Datafolha, jeudi -, confirmant la nette domination de Jair Bolsonaro (PSL). Ils montrent, comparé au premier sondage Datafolha de la semaine dernière, le candidat d’extrême droite en légère progression avec 52 % d’intentions de vote chez Ibope et 50 % chez Datafolha contre 37 % chez Ibope (en légère hausse) et 35 % chez Datafolha (en légère baisse) pour Fernando Haddad (PT). Les votes blancs et nuls s’élèvent entre 9 et 10 %.
L’institut Ibope a également mesuré le taux d’approbation et de rejet de chacun des deux candidats. Concernant Jair Bolsonaro, 45 % des interrogés sont certains de voter pour lui tandis que 35 % affirment qu’ils ne lui donneraient leur vote en aucun cas. Pour Fernando Haddad, les votes confirmés ne montent qu’à 28 % pour 47 % de Brésiliens assurant qu’ils ne voteraient pas pour lui.
Une vidéo choc de Haddad contre les armes à feu
Tentant de répliquer aux mesures proposées par son adversaire, le candidat du PT a diffusé mercredi une vidéo choc, intitulée « C’est pour la vie », montrant son opposition à la légalisation du port d’arme au Brésil, envisagée par Jair Bolsonaro :
É pela vida. pic.twitter.com/usenpQKnXx
— Fernando Haddad 13 (@Haddad_Fernando) 17 octobre 2018
La propagande anti-« kit gay » de Bolsonaro épinglée par le TSE
Le Tribunal supérieur électoral (TSE) a ordonné à l’équipe de campagne du candidat du PSL de retirer du Web ses vidéos et posts sur le prétendu « kit gay », qui aurait été, selon lui, distribué dans les écoles lorsque le PT était au pouvoir. Dans une vidéo, Jair Bolsonaro exhibe de nouveau Le Guide du zizi sexuel d’Hélène Bruller et Zep, accusant cet ouvrage d’inciter les enfants à l’homosexualité. Pour lui, « ce livre du PT » constitue « une porte ouverte à la pédophilie ». A plusieurs reprises, le ministère brésilien de l’Education a indiqué n’avoir jamais distribué l’ouvrage dans les écoles et que le projet « école sans homophobie » n’avait jamais été appliqué. Le TSE a ainsi considéré la propagande du PSL comme de la « désinformation » qui portait préjudice au débat électoral, selon l'Estado de Minas.
Pas de débat Haddad-Bolsonaro
Malgré un « bon de sortie » donné jeudi par ses médecins, Jair Bolsonaro a indiqué dans la foulée qu’il ne participerait à aucun débat avant le second tour face à Fernando Haddad, selon G1. Le candidat du PSL a jugé que cela pourrait aller à l’encontre de son état de santé car il est toujours porteur d’une colostomie. Il n’est pas non plus prévu qu’il retourne faire campagne sur le terrain d’ici le scrutin du 28 octobre.
Fernando Haddad tente un rapprochement avec Joaquim Barbosa
Qu’il est dur à constituer ce front démocratique. Après les attaques de Cid Gomes, frère de Ciro Gomes (PDT), qui ont fait le tour du Web et plombé encore un peu plus sa campagne, Fernando Haddad espérait néanmoins cette semaine le soutien public de Joaquim Barbosa, qu’il a rencontré la semaine dernière, selon G1. L’ancien juge de la Cour suprême, pressenti il y a quelques mois pour une candidature au nom du Parti socialiste brésilien, pourrait se voir offrir le ministère de la Justice en cas de victoire du candidat du PT.
Joao Doria et Wilson Witzel dominent les sondages à São Paulo et Rio
Les premiers sondages concernant le second tour de l'élection des gouverneurs n'ont été dévoilés que cette semaine par Ibope (mercredi) et Datafolha (jeudi). Ils montrent les soutiens de Jair Bolsonaro, même si ce n’est pas réciproque, en bonne position. Pour l'Etat de Rio de Janeiro, le résultat du premier tour est confirmé avec une très nette avance pour Wilson Witzel (Parti social-chrétien) avec 51 % des intentions de vote chez Ibope et 50 % chez Datafolha, contre 34 % chez Ibope et 33 % chez Datafolha pour Eduardo Paes (Démocrates). Les votes blancs et nuls s’élèveraient entre 9 et 11 %.
A São Paulo, le scénario est, comme attendu, bien plus serré, et l’ancien maire de la capitale paulista résiste très bien alors que son adversaire a recueilli le plus de soutiens de poids parmi les autres candidats du premier tour. João Doria (Parti de la social-démocratie brésilienne) est ainsi devant avec 46 % chez Ibope et 44 % chez Datafolha, talonné de près par Marcio França (Parti socialiste brésilien) avec 42 % chez Ibope et 40 % chez Datafolha. Les votes blancs et nuls atteignent entre 9 et 10 %.
Une manifestation anti-Bolsonaro organisée samedi à Paris
Les associations Autres Brésils, France Amérique Latine, Les Amis du Mouvement Sans Terre, Femmes Unies Contre Bolsonaro et la Ligue des droits de l'Homme organisent samedi à Paris un « rassemblement contre le fascisme au Brésil » afin de dénoncer « la menace » que représenterait le retour de l’extrême droite au pouvoir « 33 ans à peine après la fin de la dictature militaire dans le pays ». La mobilisation se déroulera à 15h place de la Bataille de Stalingrad (10e-19e arrondissements).