Ancien cadre dirigeant d’une grande entreprise française au Brésil, Christian Pouillaude a vécu, travaillé, voyagé au Brésil depuis plus de 40 ans. Passionné de musique brésilienne (au point de collaborer avec Radio Latina) et de tout ce qui touche à son pays d’adoption, il vit aujourd’hui dans la ville de son épouse, Rio de Janeiro, et collabore avec Bom Dia Brésil à travers une chronique mensuelle intitulée Palabres. Palabres, car on ne peut pas comprendre le Brésil sans saisir toutes les nuances de certains mots du vocabulaire brésilien. Palabres, car ce sont des mots qui prêtent à la réflexion et à la discussion. Le 21e volet de cette chronique se penche sur les origines de la MPB (musica popular brasileira)...
MPB, musica popular brasileira. On croit bien comprendre de quoi il s’agit, mais que recouvre exactement cette appellation ? Elle est née à la fin des années 1960 à l’occasion des festivals de chansons qui ont fleuri à l’époque sur les chaines de télévision brésilienne. Ils déclenchèrent des passions et de véritables batailles d’Hernani. En effet s’y confrontaient des genres musicaux fort différents : le « ié-ié » en pleine vague mondiale avec Roberto Carlos ; les partisans de la chanson engagée (contre la dictature militaire) ; les tenants d’une chanson plus traditionnelle, fortement influencée par la récente bossa nova, avec Chico Buarque ou Elis Regina et enfin les anticonformistes « tropicalistes », adeptes des grands mélanges, avec à leur tête Caetano Veloso et Gilberto Gil.
Une musique pas si populaire
C’est à l’ensemble de ce mouvement musical générationnel que sera accolée cette étiquette de MPB. Sans aucune unité de style musical puisqu’on y retrouvera aussi le pop-rock de Rita Lee, le soul de Tim Maia, le son nordestin d’Alceu Valença et j’en passe !
La MPB va dominer le paysage musical brésilien jusqu’au milieu des années 1980, quand va débouler le raz de marée du « rock national » et surgir de nouveaux courants régionaux, comme le « axé » bahianais ou le « mangue beat » pernamboucain.
A la réflexion, la MPB ne porte pas si bien son nom que ça ! Ce mouvement musical a été porté par le monde étudiant des grandes villes. C’est typiquement la musique de la classe moyenne urbaine, éduquée et économiquement aisée. Rien d’une musique « du peuple », même si elle pouvait parfois s’en inspirer. La samba (à Rio) ou la musique sertaneja (dans l’intérieur) sont, elles, des musiques authentiquement « populaires », pas la MPB. Celle-ci d’ailleurs intégrait de nombreux apports de musiques « étrangères », généralement nord-américaine. Elle réalisait d’ailleurs à la perfection la fameuse anthropophagie culturelle brésilienne.
L'importance des textes
Si la MPB n’a aucune unité de style musical, elle a un point commun très fort : l’importance des textes, des paroles. Ce que son nom ne reflète pas du tout. Dans les chansons de MPB, les textes sont essentiels. Ils veulent dire quelque chose ; ils sont largement aussi importants que les musiques. Ils peuvent être poétiques, politiques, philosophiques, romantiques, humoristiques… Peu importe. Les paroles d’un Caetano ou d’un Chico sont des petits bijoux de la langue portugaise.
Aujourd’hui, la MPB poursuit son chemin, toujours avec quelques grands anciens du début, mais aussi avec une relève régulière (comme Seu Jorge par exemple). Elle a désormais une place bien plus marginale dans les médias et sur la scène musicale du pays. Mais elle a su maintenir sa tradition d’éclectisme musical et de qualité de ses textes, heureux contrepoids au reste de la production musicale brésilienne.