La campagne pour l’élection présidentielle 2018, dont le second tour se déroulera le 28 octobre, bat son plein au Brésil. Les principales histoires de cette première semaine d'après premier tour sont dans notre carnet de campagne.
Marine Le Pen ne trouve pas Jair Bolsonaro d'extrême droite
L'extrême droite française pas très solidaire avec son homologue brésilienne. « De toute façon, dès que quelqu'un dit quelque chose de déplaisant, il est d'extrême droite dans les médias français. Je ne vois pas ce qui en l'occurrence fait de M. Bolsonaro un candidat d'extrême droite », a déclaré jeudi Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national, sur France 2. La raison ? Une culture différente : « Il a sûrement tenu des propos qui sont éminemment désagréables, qui ne sont peut-être pas du tout transférables dans notre pays, c'est une culture qui est différente. Mais est-ce qu'on va à un moment donné accepter que les peuples ont des histoires et des cultures qui sont différentes, ou est-ce qu'on cherche toujours à juger, à jauger ce qui se passe à l'extérieur en vertu de notre propre culture et de notre propre histoire ? » Sans afficher de soutien particulier à Jair Bolsonaro, Marine Le Pen a jugé que, par leur vote du premier tour, les Brésiliens « ont lancé le signal que la sécurité était pour eux une priorité », punissant « le laxisme du gouvernement précédent » face à une « criminalité tout à fait endémique » qui atteint leur liberté.
Le PDT, le Psol et le PSB soutiennent Fernando Haddad au second tour
Arrivé 3e (12,47 % des voix), le Parti démocratique travailliste (PDT) de Ciro Gomes a indiqué mercredi qu’il apportait son « soutien critique » à la candidature de Fernando Haddad (Parti des travailleurs - PT) « pour éviter la victoire des forces les plus réactionnaires », selon G1. Le soutien est « critique » dans le sens où le parti de centre-gauche ne revendique aucune faveur de la part du PT, ne fera pas campagne à ses côtés et n’entend pas non plus être appelé au sein du gouvernement en cas de victoire malgré l’ouverture de Fernando Haddad à intégrer des propositions de Ciro Gomes à son programme. Si le PDT a affirmé vouloir déjà préparer une candidature de Ciro Gomes pour la prochaine élection de 2022, celui-ci avait déjà laissé entendre qu’il s’agirait de sa dernière campagne électorale.
Soutien critique aussi de la part du Parti socialiste des travailleurs unifié de Vera Lucia (0,04 % au premier tour), qui appelle à « voter contre Bolsonaro sans aucun soutien politique à Haddad », et du Parti Patrie Libre de João Goulart Filho (dernier du premier tour avec 0,03 % des voix), qui accuse lui Jair Bolsonaro de vouloir installer au Brésil « une dictature obscurantiste, arriérée, rétrograde, antipopulaire, antinationale et corrompue ».
Le soutien est plus franc du côté du Parti socialisme et liberté (Psol) de Guilherme Boulos (0,58 % des votes au 1er tour), choix connu dès dimanche soir malgré « des différences politiques », et du Parti socialiste brésilien (PSB) au nom du « front démocratique » contre Jair Bolsonaro. Ce dernier avait affiché sa neutralité au premier tour à la demande du PT.
Le PSDB, Novo, Rede et de nombreux partis neutres au second tour
La consigne de vote du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB) de Geraldo Alckmin (4,76 % au premier tour) était particulièrement attendue. Vieil ennemi du PT mais divisé sur le cas Bolsonaro, le parti a préféré rester neutre, laissant libre ses membres de soutenir l'un ou l'autre des deux candidats du second tour. La réunion de la direction qui s'est tenue mardi a été particulièrement tendue, selon Agência Brasil, João Doria, qui est au second tour de l'élection du gouverneur de l'Etat de Sao Paulo, militant pour une position franche de « rejet du PT ».
Le parti Novo de Joao Amoêdo (2,50 % au premier tour) a pour sa part affiché sa neutralité mardi tout en s’affirmant « absolument contre le PT, qui a des idées et des pratiques opposées aux nôtres ».
— NOVO 30 (@partidonovo30) 9 octobre 2018
Positionnement similaire mais personnel pour Alvaro Dias (0,80 % au premier tour), qui a déclaré que l'hypothèse qu'il puisse soutenir le PT « n’existe pas », son parti, Podemos, affichant de son côté officiellement une position neutre.
Le parti Rede Sutentabilidade de Marina Silva (1 % au premier tour) a lui pris la position inverse de Novo. S’il a déclaré sa neutralité mercredi soir, il a néanmoins recommandé à ses sympathisants de ne pas voter pour Jair Bolsonaro, son programme représentant « une régression brutale et inadmissible », a rapporté UOL.
Autres partis neutres pour le second tour : le Mouvement démocratique brésilien (MDB) de Michel Temer et Henrique Meirelles (1,20 % au premier tour), le parti Patriote de Cabo Daciolo (1,26 % au premier tour), le parti Démocratie chrétienne de José Maria Eymael (0,04 % au premier tour), le Parti populaire socialiste, le parti Démocrates, Solidariedade, le Parti progressiste, le Parti républicain brésilien et le Parti de la République.
Débat or not débat ?
Déjà absent de la majorité des débats du premier tour après avoir victime d'un attentat à l'arme blanche, Jair Bolsonaro (Parti social libéral - PSL) pourrait également faire une croix sur ceux prévus avant le second. Les premiers, qui devaient avoir lieu jeudi, dimanche et lundi, ont d'ores et déjà été annulés par leurs organisateurs, le candidat du PSL ayant présenté une attestation médicale. Néanmoins, même si la santé du Carioca s'améliore, il est bien possible qu'il refuse de se rendre aux débats suivants par pure stratégie, comme il l’a affirmé sans ambages lors d’une conférence de presse jeudi. N’ayant pas perdu son goût de la provocation, Jair Bolsonaro a déclaré à la radio CBN : « Cela ne sert à rien de débattre avec quelqu'un qui ne va pas nommer ses ministres. Cela ne sert à rien de débattre avec un ventriloque de Lula. » La veille, Fernando Haddad avait indiqué en conférence de presse qu’il irait « jusqu’à l’infirmerie » pour débattre avec son adversaire.
Le PT change d'iconographie pour le second tour
Obligé d’aller chercher un maximum de voix au centre, le PT a changé de stratégie visuelle pour le second tour. Sur les affiches officielles, fini la mention « Lula », dont la photo aux côtés de Fernand Haddad et Manuela D’Avila disparaît également. De même, le parti a abandonné sa traditionnelle couleur rouge pour reprendre aussi à son compte, comme les partisans de Jair Bolsonaro, le vert, jaune et bleu du drapeau du Brésil.
Avant :
Après :
Vague de violences commises par des électeurs de Bolsonaro
Depuis la victoire de Jair Bolsonaro au premier tour dimanche soir, une vague d’agressions commises par des électeurs du candidat d’extrême droite contre des opposants touche le Brésil. Cela a notamment abouti à la mort d’un maître de capoeira de 63 ans à Salvador dans la nuit de dimanche à lundi, tué de 12 coups de couteau. Pro-PT, il s’était violemment disputé avec un pro-Bolsonaro. Interrogé sur le sujet, Jair Bolsonaro a affirmé mardi qu’il s’agissait de « cas isolés ». « Celui qui a pris un coup de couteau, c’est moi. Le gars qui porte un de mes tee-shirts et qui commet un excès, qu'est-ce que j'ai à voir avec ça ? » a interrogé le candidat du PSL, cité par UOL. « Je suis désolé. Je demande aux gens de ne pas faire cela, mais je n'ai aucun contrôle sur des millions et des millions de personnes qui me soutiennent », a-t-il ajouté.
Une majorité de Brésiliens avaient choisi leur candidat longtemps à l'avance
D'après une enquête Datafolha parue mercredi, 63 % des Brésiliens avaient choisi le candidat pour lequel ils ont voté à la présidentielle au moins un mois avant le scrutin. 10 % avaient choisi au moins 15 jours avant, 8 % une semaine avant, 6 % la veille et 12 % tout de même le jour de l'élection.
Jair Bolsonaro toujours en tête du premier sondage
Le premier sondage du second tour de la présidentielle a été publié cette semaine et il reste largement favorable à Jair Bolsonaro (PSL), confirmant son résultat du premier tour. L’enquête Datafolha dévoilée mercredi montre en effet le candidat d’extrême droite avec 49 % d’intentions de vote contre 36 % pour Fernando Haddad (PT). Les votes blancs et nuls s’élèvent à 8 %.
Les électeurs du Nordeste, cible des partisans de Bolsonaro
Une fois de plus, le Nordeste a encore été la principale région à se maintenir fermement à gauche lors de ces élections. Au premier tour, tous les Etats nordestins ont voté largement pour Fernando Haddad, sauf le Ceara qui a placé l'enfant du pays, Ciro Gomes, en tête (devant le candidat du PT). Les électeurs de gauche du reste du pays ont ainsi chaleureusement remercié leurs compatriotes nordestins sur les réseaux sociaux :
Vocês não imaginam o tamanho do orgulho que estou sentindo do meu Nordeste. Obrigado ❤️
— Hall Mendes (@hallmendes) 8 octobre 2018
« Vous n’imaginez pas la dimension de la fierté que je ressens pour mon Nordeste. Merci. »
A contrario, les électeurs de Jair Bolsonaro ont asséné une pluie d'insultes et de critiques envers le Nordeste, certains appelant à donner son indépendance à la région.
-Agora vocês entenderam porquê mando chuva pra todo mundo menos pro nordeste ???#NordesteBurro #Bolsonaro17 pic.twitter.com/kn7W5AtbLu
— Francesco Thá (@FranTha101) 8 octobre 2018
« Maintenant vous comprenez pourquoi j’envoie de la pluie à tout le monde sauf au Nordeste #NordesteStupide. »
Roger Waters déchaîne les passions politiques à Sao Paulo
En concert mardi et mercredi à São Paulo, le bassiste de Pink Floyd, toujours aussi engagé politiquement, a profité du contexte électoral brésilien pour afficher son opposition à Jair Bolsonaro. Le premier soir, il a fait afficher le mot-dièse #EleNao sur les grands écrans entourant la scène de l’Allianz Park. Un geste qui n’a pas plu à une partie du public qui l’a copieusement sifflé alors qu'il chantait, entraînant également des troubles entre spectateurs. Roger Waters a ainsi mis la pédale douce le lendemain, n’affichant plus le #EleNao et appelant à l’union plutôt qu’à la division « pour créer un futur pour nos enfants et petits-enfants ». Mais il a tout de même tenu à dénoncer une nouvelle fois les « putain de porcs » et placé le candidat du PSL dans la liste des dirigeants « néofascistes » dirigeant le monde qu’il fait afficher sur les écrans quand il n’est pas sur scène. La suite de sa tournée au Brésil s'annonce chaude.
THANK YOU SÃO PAULO! MANTENHA-SE HUMANO @AllianzParque #usandthemtour #rogerwaters pic.twitter.com/TnS4ejLTKr
— Roger Waters (@rogerwaters) 11 octobre 2018
A São Paulo, Paulo Skaf apporte son soutien à Marcio França
Second tour musclé en perspective dans l’Etat de São Paulo. Si João Doria (PSDB) est sorti vainqueur du premier tour avec 31,77 % des voix, il va devoir faire à un Marcio França (PSB, 21,53 % des voix) qui s’est vu adjuger, comme prévu, le soutien du troisième du scrutin (avec 21,09 %), Paulo Skaf (MDB), les deux hommes ayant une histoire politique commune. L’actuel gouverneur de l’Etat de São Paulo a indiqué que sa position quant au second tour de la présidentielle resterait neutre malgré le soutien de son parti à Fernando Haddad (lire plus haut). João Doria, lui, a clairement affiché son soutien à Jair Bolsonaro (lire plus haut).
A Rio, Wilson Witzel épinglé pour sa proximité avec les candidats ayant cassé une plaque hommage à Marielle Franco
Personne ne l’avait vraiment vu venir et pourtant Wilson Witzel (PSC) a largement remporté le premier tour de l’élection du gouverneur de l’Etat de Rio de Janeiro. Dès le lendemain du scrutin, les « boules puantes » ont commencé à sortir pour l’ancien juge fédéral, dont une photo le montrant aux côtés des deux candidats du PSL aux élections législatives fédérale et locale, Daniel Silveira et Rodrigo Amorim, brisant une plaque en hommage à Marielle Franco. Le geste, qui s’était déroulé le 30 septembre à Petropolis, avait provoqué la polémique peu avant le premier tour même si elle n’a en rien empêché l’élection des deux candidats bolsonaristes. Mais ce n’est qu’avec l’apparition de cette nouvelle photo qu’il a été révélé que Wilson Witzel participait lui aussi à l’événement à leurs côtés. Le candidat conservateur a réagi en indiquant qu’il avait été surpris de l’acte, qui a eu lieu durant un discours qu’il prononçait, rejetant la responsabilité sur leurs auteurs, selon Terra.
Eduardo Paes se solidarizou com o assassinato de Marielle.
E o Wilson Witzel? Ele simplesmente zombou e compactuou com a destruição de uma homenagem a Marielle Franco. pic.twitter.com/Hw4sAKk24w
— Luiza (@Minajluiza) 12 octobre 2018
Les hommes d'affaires et professions libérales dominent la nouvelle Chambre des députés
C'est un scrutin à la proportionnelle qui a déterminé la nouvelle composition de la Chambre des députés brésilienne dimanche dernier. Agência Brasil rapporte que les deux tiers des nouveaux membres sont des hommes d’affaires ou sont issus de professions libérales (avocats, médecins, économistes, administrateurs, journalistes, ingénieurs, infirmières, courtiers, comptables, vétérinaires et agronomes).. Le reste occupe des activités diverses et variées : on y retrouve notamment des acteurs, des humoristes, une quinzaine de pasteurs évangéliques ou encore des étudiants. L’Etat de São Paulo a notamment élu une nouvelle fois le célèbre humoriste Tiririca (voir son spot électoral ci-dessous), l’ex-acteur porno Alexandre Frota, membre du PSL de Jair Bolsonaro, ou encore Katia da Silva Sastre, la policière militaire qui avait, en mai dernier, abattu sans sommation un criminel alors qu’elle était hors service. Rio a élu un certain Juninho do Pneu et Bahia un chanteur de pagode, Igor Kannario.