La campagne pour l’élection présidentielle 2018, dont les deux tours se dérouleront les 7 et 28 octobre, bat son plein au Brésil. Les principales histoires de cette dernière semaine avant le premier tour sont dans notre carnet de campagne.
Les adieux tonitruants de Cabo Daciolo
Il aura été à sa façon le rayon de soleil de cette campagne présidentielle. Le candidat de Patriota a offert au Brésil quelques dernières intervention bien à lui cette semaine. La première à la vue d'un arc-en-ciel au bord d'une autoroute :
Glória a Deus pic.twitter.com/2zx6KAd4nT
— Deputado Cabo Daciolo (@CaboDaciolo) 1 octobre 2018
La seconde où il est représenté en Iron Man, tout simplement :
CABO DACIOLO 51 pic.twitter.com/8VQCK2j5tE
— Deputado Cabo Daciolo (@CaboDaciolo) 6 octobre 2018
Jair Bolsonaro promet d'« unir le peuple brésilien »
S’il a manqué le débat de Globo (lire plus bas) pour raisons médicales, le candidat du Parti social libéral (PSL) a néanmoins pu concéder un entretien à la même heure à la chaîne concurrente, Record. Jair Bolsonaro a commencé à adopter un discours rassembleur, entendant « unir le peuple brésilien ». « Vous pouvez être sûr que je ne serai plus un capitaine, mais un soldat du Brésil au service de ce peuple qui mérite et a tout pour être heureux », a-t-il déclaré.
Sur le plan politique, ce qui l’intéresse maintenant est de combattre le Parti des travailleurs (PT) à tout prix. « Nous ne pouvons permettre à un parti qui a plongé le pays dans la plus profonde crise éthique, morale et économique de revenir au pouvoir avec les mêmes personnalités. Et vous pouvez voir que tout est dirigé depuis la prison par Lula, qui a fait appel à un fantoche nommé Haddad », a affirmé le candidat du PSL, jugeant qu’une victoire de son principal adversaire marquerait « la fin de notre patrie ». Il a néanmoins indiqué qu’il respecterait le résultat du scrutin, contrairement à des déclarations précédentes dont ses adversaires se sont servis pour souligner son caractère autoritaire. Pas question d’appeler Fernando Haddad pour le féliciter en tout cas.
Quant au mouvement #EleNao contre sa candidature, Jair Bolsonaro l’a minimisé : « Est-ce que je suis si mauvais ? Je veux le mal de tout le monde ? Je veux le mal des noirs, des femmes, des Nordestins, des bénéficiaires de la Bolsa Família ? Ce n’est pas vrai. » Enfin, concernant sa santé, si sa récupération est « fantastique », le candidat du PSL ne pourra pas reprendre d’activités normales avant décembre.
Caetano Veloso affiche son soutien pour Ciro Gomes
Si le PT peut compter sur la fidélité éternelle de Chico Buarque, le Parti démocratique travailliste (PDT) de Ciro Gomes a obtenu pour sa part le soutien de Caetano Veloso. Dans une vidéo diffusée sur Twitter, le chanteur brésilien compare son candidat à une « autoroute illuminée pour le Brésil ». Poétique.
“Você pode decidir por uma estrada iluminada para o Brasil.” @caetanoveloso #ViraViraCiro #CiroSim #Ciro12 pic.twitter.com/aCsfeGS8iJ
— Ciro Gomes (@cirogomes) 6 octobre 2018
Les Brésiliens, numéro 1 sur les fake news
Une étude menée dans 27 pays par Ipsos révèle que les Brésiliens sont les plus crédules au monde quant aux fake news. En effet, 62 % d’entre eux croient dur comme fer aux diverses informations erronées qui peuvent circuler sur Internet. Ils devancent l’Arabie saoudite et la Corée du Sud (58 %), le Pérou et l’Espagne (57 %). Au contraire, les Italiens sont les moins crédules, seulement 29 % d’entre eux avouant avoir cru à une de ces fausses informations. Interrogé par l’Estadão, Danilo Cersosimo, directeur de l’Opinion publique de l’institut de sondage, évoque une « institutionnalisation des fake news » durant la campagne brésilienne. « Le contexte brésilien est très favorable à la dissémination des fake news du fait de la chute de la confiance dans les institutions », analyse-t-il. Danilo Cersosimo conclut que seule « l’éducation, un développement du sens critique de la population » pourrait permettre d’inverser la tendance.
Une autre étude dévoilée cette semaine par le quotidien paulista a relevé par ailleurs que les partisans de Jair Bolsonaro (PSL) et de Fernando Haddad (PT) avaient été les plus propagateurs de fausses nouvelles sur Twitter durant la campagne : ceux du candidat du PSL en ont diffusé provenant du plus grand nombre de sources différentes tandis qu'en volume (mais avec moins de sources frauduleuses), ce sont ceux du PT qui se sont imposés.
Le général Mourão critique de nouveau le 13e mois
Il y a de la friture sur la ligne entre Jair Bolsonaro et son colistier. Comme il l’avait déjà fait la semaine dernière, le général Mourão a de nouveau remis en question le 13e mois des salariés, estimant qu’il porte préjudice à tout le monde. « En réalité, si vous regardez bien, l’employeur vous paye 1/12e de moins et à la fin de l’année, vous rend ce salaire. Et le gouvernement, qu’est-ce qu’il fait ? Il augmente les impôts pour payer mon salaire », a expliqué le candidat à la vice-présidence, cité par l'Estadão. Son idée serait ainsi d’augmenter les salaires et de trouver une alternative au 13e mois que des entreprises, selon lui, sont incapables de verser. Des déclarations qui ont de nouveau obligé Jair Bolsonaro à démentir toute initiative de son futur gouvernement en ce sens, garantissant que le 13e mois était un droit des travailleurs.
Sans Bolsonaro, le dernier débat présidentiel laisse sur sa faim
Jeudi soir avait lieu le dernier débat entre les principaux candidats à la présidentielle sur Globo. Comme prévu, Cabo Daciolo (Patriota) n’a pas été convié par la chaîne et Jair Bolsonaro (PSL) a lui été dispensé pour raisons médicales (lire plus haut), il n’y avait donc que sept candidats en piste.
Fatigués, ils ont donné l’impression que les jeux étaient déjà faits, notamment Geraldo Alckmin (PSDB) et Alvaro Dias (Podemos), peu combatifs face à leur ennemi commun, Fernando Haddad (PT), et n’essayant plus vraiment d’aller chercher les électeurs de Jair Bolsonaro. Le candidat du PT a poursuivi une partition sobre et convenue, détournant sans broncher les attaques sur la corruption de son parti (pour lesquelles Marina Silva a été la plus ferme) et n’appelant à débattre avec lui (lorsqu’il en avait le choix) que des candidats aux idées proches comme Ciro Gomes (PDT) ou Guilherme Boulos (Psol).
Marina Silva, malgré sa dégringolade dans les sondages, a tenu à terminer la tête haute, martelant une dernière fois ses convictions avec vigueur, et a rejoint Ciro Gomes et Guilherme Boulos pour prendre le taureau absent, Jair Bolsonaro, par les cornes, mettant en garde les électeurs brésiliens face à la dérive d’extrême droite. Henrique Meirelles (MDB), lui, a continué à ménager la chèvre et le chou, montrant qu’il avait pu travailler « pour le bien du Brésil » pour des gouvernements aux politiques opposées (Lula et Michel Temer), comme un appel du pied au plus offrant au second tour.
Des soutiens de Jair Bolsonaro brisent une plaque « Marielle Franco » à Rio
La photo a fait le tour du Web brésilien cette semaine. Elle montre deux soutiens de Jair Bolsonaro, Rodrigo Amorim et Daniel Silveira, candidats PSL aux élections législatives fédérales et locales, tout sourire avec une plaque portant le nom de Marielle Franco brisée. Les deux hommes l’ont exhibé à deux reprises lors d’événements pro-Bolsonaro.
Qual é o lance de rasgar uma placa que remetia à vereadora Marielle Franco, brutalmente assassinada por atuar na investigação contra abuso de militares no Rio?
E reparem no semblante de orgulho dos dois (apoiadores do 17), como se tivessem feito algo louvável. Qual é a lógica? pic.twitter.com/sBry2GykIw— André etc (@andrefcecilio) 4 octobre 2018
La plaque avait été apposée sur une véritable plaque de rue du Centro de Rio par des soutiens de la conseillère municipale assassinée pour lui rendre hommage.
S’il a condamné le crime, Rodrigo Amorim a considéré que Marielle Franco ne méritait pas un tel hommage et que la mise en place de cette plaque représentait un acte de vandalisme, selon Terra. Une campagne de financement participatif lancée par le site parodique Sensacionalista a permis la production d’autres plaques, notamment pour remplacer celle qui a été retirée et cassée.
Un ultime débat des gouverneurs houleux à Rio et São Paulo
Dernier débat oblige, tous les coups étaient permis mardi entre les candidats pour le poste de gouverneur de Rio et de São Paulo sur Globo. A Rio, où manquait notamment à l’appel Anthony Garotinho (PRP) pour cause de candidature invalidée, les droits de réponse ont été légion, les candidats se jetant les uns aux autres des accusations diffamatoires. Particulièrement agressif, Indio da Costa (PSD), 3e des sondages et sur une courbe ascendante (lire plus bas), a « distribué les balles », comme l’a dit Romario, visant ce dernier en particulier, juste devant lui dans les intentions de vote, l’accusant aussi bien d’évasion fiscale que de blanchiment d’argent ou encore de lier des amitiés avec des assassins. Grand favori pour remporter l’élection, Eduardo Paes (DEM) a lui aussi été copieusement arrosé par le candidat du PSD, mais aussi par Tarcisio Motta (Psol) et Marcia Tiburi (PT), pour ses implications présumées dans des affaires de corruption. C’est donc dans cette bonne ambiance que les programmes de chacun ont une nouvelle fois été largement occultés et le scénario politique national montant parfois à la surface (Jair Bolsonaro, Lula et Fernando Haddad ne manquant pas d’être évoqués). Habile débateur, Eduardo Paes est parvenu à s’en tirer sans mal, contrairement à Romario, qui a une nouvelle fois affiché ses faiblesses criantes à tous les niveaux.
A São Paulo, la situation est nettement différente, les deux leaders des sondages, João Doria (PSDB) et Paulo Skaf (MDB) étant très proches, avec un suspense encore présent quant à l’issue du second tour. Le premier a profité du scénario de la présidentielle pour tenter de faire son beurre avec les électeurs de Jair Bolsonaro, insistant sur les questions de sécurité, et en optant pour un discours anti-PT. João Doria, qui a délaissé la mairie de la capitale paulista pour cette candidature et dont le parti a dirigé l’Etat de São Paulo plus de 20 ans de manière quasi ininterrompue, a aussi dû faire face à la majorité des attaques. Passant entre les gouttes, Paulo Skaf a ainsi saisi l’opportunité d’insister sur son programme et son propre CV.
Le point sur les derniers sondages
Cette semaine, l'institut Ibope a diffusé trois sondages (lundi, mercredi et ce samedi) et Datafolha a publié deux enquêtes jeudi et ce samedi. Nous prendrons en compte le plus récent. Ils ont montré deux tendances : Jair Bolsonaro (PSL) bondit dans la dernière ligne droite et Fernando Haddad (PT) voit sa progression ralentie voire stagnante. Le premier obtient 36 % des intentions de vote, contre 22 % pour le second, selon les deux instituts. Suivent, en baisse ou stagnant, Ciro Gomes (PDT) avec 11 % chez Ibope et 13 % chez Datafolha, Geraldo Alckmin (PSDB) avec 7 % et Marina Silva (Rede) avec 3 %, selon les deux instituts.
En termes de rejet, Jair Bolsonaro (43 % chez Ibope et 44 % chez Datafolha) stagne, tandis que Fernando Haddad subit une forte hausse d'une dizaine de points chez Ibope (36 %) et Datafolha (41 %). Marina Silva (22 % chez Ibope et 31 % chez Datafolha), Geraldo Alckmin (16 % chez Ibope et 24 % chez Datafolha) et Ciro Gomes (15 % chez Ibope et 21 % chez Datafolha) sont en baisse ou stables.
Au second tour, le scénario a de nouveau changé cette dernière semaine. Fernando Haddad redevient perdant face à Jair Bolsonaro (45 %-41 % chez Ibope, 45 %-43 % chez Datafolha). Le candidat du PSL s'imposerait de nouveau également contre Geraldo Alckmin (43 %-40 % chez Ibope et 43 %-41 % chez Datafolha) et toujours face à Marina Silva (46 %-36 % chez Ibope). En revanche, le seul qui n'a jamais cessé de le battre dans les sondages, c'est Ciro Gomes (45 %-41 % chez Ibope et 47 %-43 % chez Datafolha). Dans un autre cas de figure émis par Datafolha, Fernando Haddad serait battu 41 %-38 % face à Geraldo Alckmin.
Le point sur les derniers sondages des gouverneurs
Les instituts Ibope et Datafolha ont publié cette semaine leurs deux dernières enquêtes sur l'élection pour le poste de gouverneur. A Rio, il s'agissait des premiers sondages sans Anthony Garotinho (PRP), sa candidature ayant été invalidée la semaine dernière par le Tribunal supérieur électoral (TSE) alors qu'il était tout proche de la deuxième place de Romario (Podemos). Ainsi, le report des voix bénéficie à une bonne partie des autres candidats. Nous vous présentons le dernier résultat en date, publié ce samedi.
L'écart reste significatif entre Eduardo Paes (DEM), qui monte à 26 % chez Ibope mais baisse à 24 % chez Datafolha, et Romario (Podemos), qui grimpe à 17 % chez Ibope et 16 % chez Datafolha. Derrière, Indio da Costa (PSD) et Wilson Witzel (PSC) atteignent pour la première fois le seuil des 10 % chez les deux instituts de sondage. Au second tour, Eduardo Paes est toujours donné vainqueur contre Romario (44 %-30 % pour Ibope, 44 %-31 % pour Datafolha).
A São Paulo, le scénario est beaucoup moins clair. Pour Ibope, qui ne fournit que les votes « valides » (excluant les votes blancs et nuls), le leadership a basculé cette semaine avec João Doria (PSDB) désormais devant Paulo Skaf (MDB) avec 32 % contre 30 %. Derrière, Marcio França (PSB) progresse à 18 %, tout comme Luiz Marinho (PT) à 8 %. Pour Datafolha, João Doria poursuit en tête avec 27 %, contre 21 % pour Paulo Skaf, 16 % pour Marcio França et 6 % pour Luiz Marinho.
Au second tour, les deux instituts s'accordent : Paulo Skaf l'emporterait face à João Doria, mais cela s'est nettement resserré (41 %-37 % pour Ibope, 42 %-39 % pour Datafolha). Dans les autres scénarios, Paulo Skaf s'imposerait contre Marcio França (43 %-31 % chez Ibope, 41 %-38 % chez Datafolha) tandis que João Doria présente des résultats différents face au candidat du PSB (40 %-36 % chez Ibope, 41 %-41 % selon Datafolha).