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Monica Benicio (Guy Pichard/Bom Dia Brésil)

Monica Benicio : « Des personnes avec le profil de Marielle Franco sont assassinées quotidiennement au Brésil »

Le 8 juin dernier avait lieu la 25e édition de la Marche des Fiertés de Toulouse, où près de 30.000 personnes sont venues défiler et défendre les droits LGBT dans toute la ville. La marraine de cet événement était Monica Benicio, compagne de Marielle Franco. Plus d’un an après l’assassinat de la conseillère municipale de Rio de Janeiro, Monica Benicio poursuit les combats de celle qui est devenue une icône de la lutte des minorités au Brésil.Le 6 juin, une soirée rendant hommage à la femme politique brésilienne était organisée au sein du Conseil départemental de Haute-Garonne pour l’occasion. A cette occasion, Bom Dia Brésil a pu s’entretenir avec Monica Benicio. 

Depuis l’assassinat de votre compagne, vous semblez sillonner le monde. Quels sont les objectifs de votre venue en Europe ?

(Guy Pichard/Bom Dia Brésil)

Cette nouvelle visite en Europe compte plusieurs dates qui n’ont pas toutes les mêmes finalités. A Rome, début juin, c’était avec Amnesty International pour évoquer avec des sénateurs la situation du Brésil et plus particulièrement de la communauté LGBT dans le pays. Je suis régulièrement invitée par des associations LGBT pour des conférences et des entretiens avec la presse afin de sensibiliser sur le cas Marielle. La finalité de tout cela est de dénoncer la situation politique actuelle au Brésil et l’enquête sur le meurtre de Marielle qui n’avance pas.

Justement, où en est l’enquête au sujet de son assassinat ?

Actuellement, le tireur et son chauffeur sont en prison, mais n’ont pas été jugés, ils réfutent pour l’instant toutes les accusations. Accompagner ce procès est très important pour moi afin que ces assassins répondent réellement de leurs actes. Au-delà de leur cas, la question la plus importante est par qui ces assassins ont été envoyés, savoir qui sont les commanditaires ! Il faut continuer à maintenir une pression sociale tant au Brésil qu’au niveau international. C’est fondamental que cette enquête continue et ne tombe pas dans l’oubli. Cette seconde phase de l’enquête parait encore plus lente que la première. Il faut comprendre que c’est un crime politique avec des intérêts bien supérieurs derrière et son ou ses commanditaires sont pour l’instant bien à l’abri.

Depuis le Brésil, l’Europe semble parfois se soucier davantage de l'assassinat de votre compagne que dans votre propre pays. Comment percevez-vous cette différence de sensibilité entre l’Europe et le Brésil face à ce crime ?

En Europe, la lecture de ce crime est très spécifique. Au Brésil, la réaction de la société a été immédiate et plus forte que j’aurais pu espérer. Rio de Janeiro tout particulièrement (Marielle Franco était carioca, ndr), même le reste du pays m’a étonnée. Ensuite, la répercussion internationale a été plus importante encore. Cela fait déjà 15 mois que Marielle est morte, la mobilisation faiblit un peu et ce qui me préoccupe le plus, c’est la question de la mémoire. C’est tout le but de ma tournée mondiale actuelle, la mémoire. Certes, il y a l’icône Marielle qui a été assassinée, mais il y a aussi la femme. C’est aussi pour cela qu’il est très important de continuer de suivre l'enquête.

(Guy Pichard/Bom Dia Brésil)

Qu’est-ce que cet assassinat dit du Brésil actuel ? 

Ce qui marque le plus dans le meurtre de Marielle, c’est qu’elle est une femme, noire, lesbienne et issue d’une favela. Des personnes avec son profil sont assassinées quotidiennement au Brésil, sauf que Marielle était aussi une femme politique, une parlementaire. Et malgré cela, ce statut ne l’a pas protégée. C’est ce qui choque le plus et attire l’attention sur ce crime. Quand on assassine quelqu’un de cette importance, ce sont tous les repères de la démocratie que l’on abat. La grande mobilisation qui a suivi ce drame ne repose pas seulement sur l’émotion. Elle est également née du fait que Marielle représente la plus grande partie de ce qu’est la population brésilienne. Si l’on accepte que nos politiques meurent assassinés, nous allons tout perdre. C’est pour cela que je répète qu’il n’y aura pas de démocratie au Brésil tant que le gouvernement ou les autorités ne révèlent pas qui a assassiné Marielle. 

Quels sont vos liens avec la France ?

Jusqu’à il y a quatre mois, je n’étais qu’une élève d’architecture à Rio de Janeiro. En tant qu’architecte, je voulais découvrir la France via cet angle, pour sa richesse architecturale. Comme Marielle, je viens d’une famille pauvre et je n’imaginais pas visiter la France avant longtemps. Après l'assassinat, c’est la France qui a été le premier pays à me surprendre, de par sa réaction et en me faisant comprendre la dimension mondiale qu’allait prendre ce crime. La mairie de Paris, en affichant le portrait de Marielle sur sa façade, m’a beaucoup émue. C’était une période très difficile pour moi d’un point de vue émotionnel. La mobilisation française n’a jamais cessé, comme en témoignent le futur jardin Marielle Franco à Paris (qui sera inauguré en septembre au-dessus de la gare de l’Est, ndr) et mon invitation à être la marraine de la Marche des Fiertés de Toulouse. La France est clairement un des pays qui a le mieux réagi à ce drame. 

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