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Le Museu Casa do Pontal de Rio après l'inondation du 9 avril 2019 (Museu Casa do Pontal/Facebook)

Casa do Pontal : la survie du musée de l’art populaire brésilien de Rio en jeu

« La goutte d’eau ». C’est par cette image que Lucas Van De Beuque, directeur du Museu Casa do Pontal, et sa mère et curatrice, Angela Mascelani, décrivent l’inondation de trop du 9 avril dernier qui a conduit à la fermeture du musée carioca dédié à l’art populaire brésilien. Une sacrée goutte puisque ce sont plus de 60 cm d’eau qui ont failli engloutir la précieuse collection des lieux. Fermée depuis, la Casa do Pontal pourrait rouvrir le mois prochain grâce à la générosité du grand public.

Jusqu’au 23 juin, via une campagne de financement participatif (cliquez ici pour contribuer), les dirigeants du musée espèrent réunir la somme de 80.000 reais afin de réparer les dommages causés et protéger les 8.500 œuvres de 300 artistes que la Casa do Pontal abrite à Recreio (zone ouest de Rio).

Mobilisation réussie pour le musée fondé par un Français

Paradoxalement, comme le racontent Lucas Van de Beuque et Angela Mascelani à Bom Dia Brésil, la tragique inondation du mois d’avril aura constitué « une lueur d’espoir » pour le musée. « Nous avons connu plusieurs inondations ces dernières années, mais sans les images spectaculaires comme celle-ci. Nous étions prêts, donc nous avons su la gérer et filmer les dégâts pour gagner en visibilité », explique le directeur. La répercussion médiatique a fonctionné et la campagne de financement participatif a alors pu être lancée dans la foulée, avec succès puisqu’il ne manque plus que quelques milliers de reais pour atteindre l’objectif fixé.

Une mobilisation réussie qui fait chaud au cœur des responsables de la Casa do Pontal qui a cumulé les malheurs depuis dix ans et l’urbanisation massive et mal planifiée du quartier où elle se trouve. En effet, quand le peintre et ancien résistant français Jacques Van de Beuque, ami de Candido Portinari, qui l’encourage à émigrer au Brésil après la Seconde Guerre Mondiale, achète sa Casa do Pontal en 1974, le sitio est alors encore en pleine zone rurale.

La collection d’art populaire la plus vaste du Brésil

L'une des oeuvres du Museu Casa do Pontal de Rio (Museu Casa do Pontal/Facebook)

A partir de 1986, le musée entre en fonction et ouvre véritablement au grand public en 1992, qui peut admirer l’impressionnante et splendide collection d’art populaire amassée près de quarante ans durant par Jacques Van de Beuque au cours de ses voyages à travers le Brésil, notamment dans le Nordeste. « C’est la collection la plus vaste du pays qui présente "les Brésils" et montre que notre pays, qui a tendance à survaloriser l’art européen et nord-américain, a aussi son art propre, son identité à travers ces sculptures », précise Lucas Van de Beuque, petit-fils du fondateur.

Les œuvres acquises par le Français, décédé en 2000, sont inscrites au patrimoine culturel de Rio et la Casa do Pontal devient rapidement une référence au Brésil comme à l’étranger, attirant les foules malgré son isolement. « Il n’y avait alors aucune inondation, même si elle se trouvait sur un terrain peu élevé et à risque », indique Lucas Van de Beuque. Mais en 2009, Recreio passe de zone rurale à urbaine et ce sont près de 120 immeubles principalement d’habitation qui vont être construits autour du musée, à l’orée des jeux Olympiques de 2016.

La construction d’un nouveau musée en attente

En raison de la zone inondable dans laquelle se trouve l’établissement, tous les nouveaux immeubles voient leur terrain prendre de la hauteur, notamment celui juste derrière la Casa do Pontal. Résultat : à chaque épisode de pluie intense, c’est celui du musée qui va servir de cuvette. En 2010, c’est la première inondation.

« En 2014, la mairie de Rio nous a dit : ou vous détruisez le musée et le reconstruisez au même endroit en élevant le terrain, ou vous allez ailleurs », poursuit Lucas Van de Beuque. Les calculs sont vite faits et après une nouvelle inondation en janvier 2015, il est décidé que la Casa do Pontal quittera sa jolie maison de Recreio pour se rapprocher un peu plus de la zone sud de Rio, à Barra da Tijuca, où la mairie lui donne un nouveau terrain.

Le chantier au point mort

Le projet du nouveau Museu Casa do Pontal (Museu Casa do Pontal)

« C’est un lieu merveilleux, plat, élevé, près d’un condominium avec des maisons et proche de plusieurs écoles, vraiment le quartier parfait », s’enthousiasme Angela Mascelani. Avec ce nouvel édifice de 1.200 m² - contre 1.500 m² actuellement -, l’idée est de conserver, malgré son extérieur moderne et classique, un intérieur qui ne perde pas « les caractéristiques de notre petite maison rurale, de maintenir une intimité et un lien entre la collection et la nature tout en attirant le plus de monde possible ».

En juin 2016, les travaux débutent, prévus pour une durée d’un an. Mais entre-temps, la crise passe par là et en mai 2017, alors qu’ils sont dans la dernière ligne droite, les travaux s’arrêtent subitement : l’entrepreneur qui les mène n’a plus de quoi les financer. Il manque 3 millions de reais pour terminer l’ouvrage. « On va terminer », déclare finalement le maire de Rio, Marcelo Crivella, en mars 2018 après une visite du chantier. Plus d’un an après cette promesse, les travaux n’ont toujours pas repris.

Une exposition de secours à la BNDES

« Malgré ce chaos, nous continuons notre mission d’institution », assure Angela Mascelani, qui se félicite d’avoir accueilli annuellement près de 20.000 écoliers au sein de la Casa do Pontal ces dernières années, alors que le public général a décliné et que tous les principaux sponsors de l’établissement (Vale, Petrobras, Light…) se sont retirés au moment de la crise. « On est passé de 40 à 12 employés », soupire Lucas Van de Beuque, qui ne perd pas néanmoins, comme sa mère, son optimisme : « La campagne actuelle a démontré notre capacité à mobiliser, il y a beaucoup de personnes intéressées, nous voudrions créer une communauté de passionnés d’art autour du musée, cela nous anime. »

Pour vous en convaincre, il suffit de vous rendre, en attendant la réouverture de la Casa do Pontal, à l’espace culturel de la BNDES de Rio (avenida República do Chile, 100 - Centro) où l’exposition – gratuite - « Fronteiras da arte – Criadores populares » accueille jusqu’au 28 juin (du lundi au vendredi, de 10h à 19h) une partie des œuvres du musée.

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