Catalogne, sud du Brésil, même combat ? Ce samedi 7 octobre, les habitants des Etats du Parana, de Santa Catarina et du Rio Grande do Sul sont invités à voter pour ou contre l’indépendance du sud du Brésil. Une consultation formelle, dénommée Plebisul, qui doit être organisée dans 900 villes et mobilisera près de 20.000 bénévoles. « Ce qu’on veut, c’est faire une consultation populaire, sans validité légale certes, mais pour exposer nos arguments au gouvernement, explique à Bom Dia Brésil Celso Deucher, secrétaire général du Groupe d’études Sul Livre et un des fondateurs du mouvement O Sul é o meu País, créé en 1992. On compte aussi faire avancer notre idée de projet de loi autorisant l’organisation d’un véritable référendum en 2018. »
Un mode de vie « différent », mais « pas à 100 % »
Pourquoi vouloir faire sécession du reste du Brésil ? « Parce que nous avons un mode de vie différent dans le Sud, souligne Celso Deucher. Nous ne sommes pas différents à 100 % du reste des Brésiliens, mais nous avons une culture propre. Et aussi parce qu’on considère que pour les Etats du Sud, faire partie du Brésil, c’est payer beaucoup et percevoir peu en échange. Nous ne recevons que 20 % des montants versés à Brasilia. On a l’impression d’être une colonie qui travaille pour le gouvernement fédéral. »
On considère que pour les Etats du Sud, faire partie du Brésil, c’est payer beaucoup et recevoir peu en échange. On a l’impression d’être une colonie qui travaille pour le gouvernement fédéral.
Des arguments qui passent mal auprès de Luís Renato Vedovato. Professeur de droit international à l’université de Campinas, il a étudié les mouvements séparatistes brésiliens et relève que leurs thèses avait trouvé un auditoire après 2014, lorsque les habitants du Sud avaient l’impression que Dilma Rousseff avait été élue principalement avec les voix du Nord et du Nordeste. Mais Luis Renato Vedovato voit mal comment le Parana, Santa Catarina et le Rio Grande do Sul pourraient se prévaloir du droit à l’autodétermination des peuples. « Dans le sud du Brésil, aujourd’hui, il n’y a pas de domination par un pays étranger, il n’y pas de joug colonial, il n’y a pas de violation des droits de l’homme, affirme-t-il à Bom Dia Brésil. Les vraies motivations des séparatistes, c’est la répartition des ressources entre les différents Etats brésiliens, c’est aller contre la solidarité entre les régions les plus riches et les plus pauvres, qui est inscrite dans la Constitution. Je trouve cela inquiétant. »
Au Brésil, les conservateurs ne peuvent pas vraiment s’en prendre aux immigrés comme cela arrive parfois en Europe, alors on se cherche un ennemi de l’intérieur, en l’occurrence le gouvernement fédéral et les Etats les plus pauvres.
Pour le professeur Vedovato, le discours séparatiste est également symptomatique d’un discours conservateur qui gagne de l’espace. Un mouvement tel que O Sul é o meu País n’est d’ailleurs pas isolé. On trouve des organisations similiaires dans d’autres Etats brésiliens : São Paulo Indepedente, Republica de São Paulo, Nordeste Indepedente ou O Rio é o meu País, pour ne citer qu’eux. « Je pense qu’il y a des ambitions politiques personnelles chez certains leaders de ces mouvements, observe-t-il. En période de crise, on se cherche des boucs émissaires. Au Brésil, les conservateurs ne peuvent pas vraiment s’en prendre aux immigrés comme cela arrive parfois en Europe, alors on se cherche un ennemi de l’intérieur, en l’occurrence le gouvernement fédéral et les Etats les plus pauvres. »
Un Etat fédéral affaibli par les affaires
Lava Jato oblige, Brasilia ne bénéficie pas d’un contexte particulièrement favorable. « L’État fédéral est affaibli. Le gouvernement Temer n’a que 3 % d’avis positifs. C’est donc facile de l’attaquer », indique Luís Renato Vedovato. « Aujourd’hui, on lutte pour l’indépendance parce que l’État brésilien est une farce, il n’arrive plus à protéger les droits de tous les Brésiliens », renchérit Celso Deucher. Reste que les séparatistes semblent prêts à rechercher un compromis. Pour Celso Deucher, « tout est possible avec la démocratie. Nous ne sommes pas radicaux, nous voulons instaurer un dialogue. Nous voulons que Brasilia comprenne que nous n’avons pas assez d’autonomie. Et nous nous sentons mal représentés. Il faut 4 millions d’électeurs pour élire un sénateur du Sud, contre 96.000 pour certains sénateurs du Nordeste. »
Par le passé, les autres consultations Plebisul ont recueilli près de 90 % de votes favorables à la sécession, mais avec une participation ne dépassant pas les 2 %, selon le professeur Vedovato. Samedi, le mouvement O Sul é o meu País espère atteindre la barre du million de votants.