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Véronique Ballot, à droite (DR)

« La question indienne reste très méconnue au Brésil »

Début septembre à Paris, et le 19 octobre à São Paulo, la sociologue Véronique Ballot présentait le documentaire La Deuxième rencontre. Fille du photographe franco-brésilien Henri Ballot, elle a souhaité partir sur les traces de son père, qui avait notamment réalisé dans les années 1950 un reportage photographique intitulé « Chikrin, Txukarramãe e Tchicão », sur les premiers contacts avec les Indiens de ces tribus. Elle a raconté à Bom Dia Brésil la genèse de son projet. Rencontre.

Pourquoi avez-vous voulu réaliser ce documentaire ?

Quand j’ai reçu les archives photographiques de mon père après son décès, en 1997, son travail avec les Indiens m’a paru très intéressant. C’est une population qui reste très méconnue au Brésil. De 1952 à 1957, mon père a participé à plusieurs expéditions organisées par les frères Villas-Bôas. En 1953, il y a eu un premier contact avec un groupe d’indiens, les Kayapó, qu’on appelait avant Txukarramãe.

Mon père travaillait déjà pour le magazine Cruzeiro, qui lui avait commandé des reportages sur la question indigène, avec des images spectaculaires, un peu caricaturales et pour ambition l’idée que l’indien devait s’intégrer. Il y avait trois photographes qui travaillaient sur cette question, dont mon père, Henri Ballot.

En me plongeant dans ses archives, j’ai trouvé des photos de moi à l’âge de 2 ans dans les bras d’un indien qui était venu à São Paulo pour les 400 ans de la ville. J’ai voulu en savoir plus sur le parcours de mon père, que j’ai peu connu, et connaître les personnages que je voyais sur ses photos.

Vous êtes donc allée dans le Mato Grosso retrouver les tribus indiennes avec qui votre père avait travaillé...

J’ai voulu aller voir les survivants et les descendants des peuples que mon père avait rencontrés. Je voulais leur donner la parole, qu’ils me racontent comment ils avait ressenti ce premier contact avec l’homme blanc dans les années 1950. Jusqu’à présent, c’est le blanc qui a raconté cette histoire. J’ai trouvé qu’il était intéressant de demander aux indiens ce qu’ils pensaient de l’évolution de leur vie plus de 50 ans après ce premier contact avec les expéditions des frères Villas-Boâs.

Comment voient-ils cette évolution ?

La première chose, c’est qu’ils ont des positions très diverses. Certains ont une opinion très conservatrice, d’autres plus revendicative. Certains se sont engagés dans l’idée de s’intégrer à la société brésilienne. Il n’y pas de position homogène chez les indiens, et il faut faire attention à ne pas en profiter, comme le fait le gouvernement Bolsonaro, qui cherche à les diviser.

L’ambition des frères Villas-Bôas, c’était qu’ils s’intègrent à la société brésilienne, mais de façon respectueuse de leur culture. Déjà, à l’époque, la question indienne faisait l’objet d’un conflit avec avec le gouvernement de Getulio Vargas, qui voulait découvrir les terres de l’intérieur, les « coloniser ». Tout ça passait par rencontrer les indiens, qui parfois dérangeaient ces ambitions de peupler l’intérieur du Brésil. Les Villas-Bôas ont créé en 1961 le parc national du Haut-Xingu, la plus importante réserve indigène du Brésil, dans le Mato Grosso. Ils ont beaucoup lutté pour y parvenir. C’est devenu une référence pour la protection des indiens.

La question des indiens et de leurs terres reste une question d’actualité…

(Henri Ballot)

Ce qui se passe aujourd’hui avec le gouvernement actuel, c’est grave, notamment en ce qui concerne la démarcation des terres. Les indiens sont de plus en plus coincés entre des fermes, il faut qu’ils défendent leurs intérêts, parce que sur leurs terres, on trouve de l’or, des minéraux. Or la question indienne reste très méconnue au Brésil. Quand les gens ne connaissent pas, ils prennent des positions agressives. Il me semble que les indiens n’ont jamais été considéré comme pleinement brésiliens. Ils ont une culture qui leur est propre mais ils ont les mêmes droits que les autres citoyens.


Prochaines projections de La Deuxième rencontre
- 25 novembre. São Paulo. Cine Club dos Educadores do Jaragua, Cineclube da Estação. Emef Estação Jaragua, Rua João Aires. Avec Claudia Mogadouro, professeur de cinéma.
- 26 novembre. Rio de Janeiro. Musée d’art moderne (MAM), parque do Flamengo. Débat avec Bruna Franchetto, ethnologue, Louise Costa, conservatrice du MAC/SP et Sergio Burgi, directeur de la photographie de l’Instituto Moreira Salles.
Pour consulter la page Facebook consacrée au documentaire, cliquez ici.
Collecte de fonds pour participer à la diffusion du documentaire, cliquez ici.

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