Lundi 27 mai, pour quelques heures, la résidence consulaire de São Paulo se transformait en salon littéraire. En effet, le consul général de France, Brieuc Pont, était ravi d’accueillir la première édition du Prix Choix Goncourt Brésil, organisé par l’Institut français du Brésil. Il souligne qu’il s’agit du « premier Choix Goncourt organisé sur le continent américain ».
Perrine Warmé-Janville, directrice déléguée de l’Institut français au Brésil et attachée de coopération et d’action culturelle, est à l’origine de ce projet. « Je connaissais l’existence de ce Choix Goncourt, dérivé du Prix Goncourt, organisé dans des pays étrangers en partenariat avec l’Académie Goncourt », explique-t-elle à Bom Dia Brésil. « Je me suis dit que pour le Brésil, c’était la parfaite combinaison de la valorisation du français, des auteurs contemporains. Mais que cela permettait aussi la rencontre d’auteurs contemporains avec des étudiants qui vivent le Français à travers des livres, à travers des textes et pas forcément de façon vivante, ici au Brésil. »
Jean-Christophe Rufin comme président d'honneur
Le principe ? 68 étudiants de français des universités publiques de Brasília, de São Paulo, du Minas Gerais (à Belo Horizonte), du Pernambuco (à Recife) et de Niteroi (Rio de Janeiro), accompagnés de 16 professeurs de français, devaient lire les quatre romans finalistes de la dernière édition du Prix Goncourt, prix littéraire le plus célèbre de France. Outre Leurs Enfants après eux de Nicolas Mathieu, grand gagnant, ce sont Maîtres et esclaves de Paul Greveillac, L’Hiver du mécontentement de Thomas B. Reverdy et Frère d’âme de David Diop qu’ils ont été amenés à analyser et décortiquer, avant de sélectionner leur préféré.
Les dix étudiants - deux de chaque université - sélectionnés pour intégrer le jury final se sont donc réunis pour débattre passionnément sur les oeuvres, en présence du président d’honneur de cette première édition : Jean-Christophe Rufin. Ce dernier, s’est avoué heureux « de revenir au Brésil », qui l’a accueilli durant les années 1990 alors qu’il était attaché culturel à Recife. Le pays est resté fortement incrusté dans sa « mémoire affective ». « Les émotions si fortes » qu’il y a ressenties « sont d’ailleurs ressorties quelques années plus tard sous la forme de deux récits : La Salamandre et Rouge Brésil ». Ce dernier lui apportera la consécration du Goncourt en 2001.
Un vainqueur à l'unanimité
Lundi soir, ce sont les étudiants qui ont annoncé leur choix. Et celui-ci a été sans appel puisqu’à l’unanimité, ils ont décidé que le Choix Goncourt Brésil revenait à Frère d’âme de David Diop. Ce roman, auréolé du Goncourt des Lycéens, raconte l’histoire d’un tirailleur sénégalais qui s’enfonce peu à peu dans la folie face à la violence des massacres de la Grande Guerre. Ils ont été profondément « marqués » par cette plongée « dans les entrailles de l’âme » que propose David Diop. Ce « regard de colonisé ni soumis ni naïf » n’est pas non plus sans faire écho à la situation brésilienne, qui a longtemps été une colonie du Portugal.
Raquel, étudiante à la USP, a eu « un véritable coup de foudre pour l’oeuvre », car malgré une écriture qui semble simple, « elle n’a rien de naïf et le propos est profond ». Il lui semblait enfin que c’était le livre qui laissait la plus grande place au lecteur. Son amie Béatrice confirme cette impression : « C’est vrai que le lecteur est très sollicité avec ce roman. Car par exemple, si on prend la fin, il y a eu de nombreux débats entre nous car personne n’était d’accord sur l’interprétation à lui donner ».
Un prix « illustratif de l'activité dipomatique française »
« Ce prix, je pense qu’il est illustratif de ce qu’est l’activité diplomatique française », estime Brieuc Pont. « Notre travail, c’est bien évidemment de suivre les intérêts politiques de notre pays au Brésil. Mais c’est aussi de promouvoir l’image de la France. Et elle passe, surtout ici au Brésil, à travers deux choses : notre empreinte économique, mais aussi un rayonnement culturel. Finalement, tout cela va de pair et valoriser l’attachement de la France à l’activité littéraire, à travers cet exercice, c’est apporter une certaine idée de la France aux Brésiliens. Je crois qu’ils sont très avides de cette inclinaison que peut avoir l’Etat pour la littérature et la culture. Surtout dans le contexte actuel brésilien. »
En remportant le Prix Choix Goncourt, David Diop gagnera une aide de l’Institut français du Brésil pour que Frère d’âme soit traduit en portugais. Il sera également le président d’honneur de la prochaine édition du prix. Au vu du grand enthousiasme de l'ensemble des acteurs, le projet sera en effet rénové en 2020. Le rendez-vous est d’ores et déjà donné l’an prochain à Rio de Janeiro.