Sign in / Join
La série Criança Viada de Bia Leite (DR).

L'exposition polémique Queermuseu sur la diversité sexuelle ouvre finalement à Rio

Cena de interior II d'Adriana Varejão (1994), oeuvre accusée de zoophilie par certains détracteurs (Ph. Divulgation)

Censurée par le maire Marcelo Crivella, qui avait empêché qu'elle se tienne au Musée d'art de Rio (MAR), l'exposition  « Queermuseu - Cartographies de la différence dans l’art brésilien », a fini par ouvrir ses portes à Rio. Grâce à une campagne de financement collectif, l'exposition est accueillie depuis samedi 18 août par l'Ecole des Arts visuels, située dans le parc Lage.

Elle avait causé une vive polémique en septembre 2017. A l’affiche du Centre Culturel Santander de Porto Alegre pendant un mois, elle avait été annulée du jour au lendemain. En cause, une polémique née sur les réseaux sociaux accusant l’exposition de faire l’apologie de la pédophilie et de la zoophilie, ainsi que d’être une attaque à la morale chrétienne. Après avoir visité l’exposition, l’avocat Cesar Augusto Cavazzola avait publié un article sur le site Locus intitulé « Santander promeut la pédophilie, la pornographie et l’art profane à Porto Alegre », y évoquant notamment les diverses « attaques à la morale » diffusées par les oeuvres exposées, notamment quatre d'entre elles d'Adriana Varejão, de Fernando Baril et de Bia Leite (voir illustrations). Le Movimento Brasil Livre (MBL) et des groupes conservateurs s'étaient immédiatement emparés du débat et avaient appelé à la fermeture de l’exposition, ainsi qu’au boycott de la banque Santander.

Dans un pays libre, on ne peut pas vouloir censurer ou interdire une manifestation artistique.

Dans une tribune publiée par Folha de S. Paulo, Renan Santos, le fondateur du MBL, avait dénoncé que de « l’argent public soit utilisé pour manquer de respect et vilipender les valeurs de la société brésilienne ». Bénéficiant de 800.000 reais pour monter l’exposition grâce à la loi Rouanet, Santander avait toutefois annoncé que celle-ci n’ayant été à son terme, la contribution serait intégralement reversée.

Indignation du monde de l'art

Face aux attaques, Santander avait rapidement annoncé son intention de mettre un terme à l’exposition après s’être excusé. Dans un communiqué, l’institution précisait comprendre que certaines images aient pu choquer mais qu’elles avaient été présentées dans l’objectif de « nous faire réfléchir aux défis que représentaient les questions du genre, de la diversité, de la violence vis-à-vis d’autrui ».

Cruzando Jesus Cristo com Deusa Schiva (1996) de Fernando Baril : une atteinte aux valeurs chrétiennes ? (Ph. Divulgation)

Après les critiques et dénonciations, de nombreux éditos et personnalités du monde de l’art avaient montré leur indignation face à la fermeture de celle-ci, dénonçant une censure provenant de personnes ayant sorti les oeuvres de leur contexte. « Queermuseu » réunit quelques 270 oeuvres de 85 artistes brésiliens réputés, parmi lesquels Cândido Portinari, Alfredo Volpi, Lygia Clark et Adriana Varejão. Cette dernière, dont des oeuvres ont été exposées de New York à Londres en passant par Tokyo a déclaré : « Les personnes ayant réclamé l’interruption de l’exposition n’ont aucune notion de ce qu’est l’art. C’est lamentable. » Juan Arias, dans El Pais, avait souligné que « personne n’était obligé d’aimer une oeuvre d’art », mais qu’il était cependant « intolérable » que des « auteurs mondialement reconnus soient boycottés au point que des organisateurs aient à annuler une exposition ». Avant de conclure : « Dans un pays libre, on ne peut pas vouloir censurer ou interdire une manifestation artistique. (…) L’art doit être libre dans son expression et ses créations. »

Une seconde vie pour l'exposition

Le procureur de justice pour l’enfance Julio Almeida, après avoir visité l’exposition, avait quant à lui estimé qu’il n’était pas possible de la condamner pour pédophilie. « Certaines images représentent des scènes de sexe explicites. Mais d’un point de vue criminel, je n’ai rien vu » déclarait-il à G1.

Si la pétition lancée en ligne réclamant la réouverture de l’exposition à Porto Alegre, ayant recueilli près de 75.000 soutiens n'avait pas obtenu gain de cause, plusieurs instituts culturels de Brasilia, Belo Horizonte, Rio et São Paulo avaient proposé de recevoir « Queermuseu ». C'est finalement une campagne de financement participatif menée par des artistes, dans laquelle a été incluse la recette des billets vendus pour un concert de Caetano Veloso contre la censure ayant eu lieu en mars, qui a permis de collecter plus d'un million de reais et que l'exposition puisse finalement être installée à Rio.

A l'entrée, une pancarte informe que sont exposées certaines images « pouvant être en désaccord avec certaines croyances, sensibilités et visions du monde » et que les parents doivent en être conscients avant de découvrir les oeuvres avec leurs enfants. L'accès à l'exposition est gratuit et elle restera à l'affiche jusqu'au 16 septembre.

Informations pratiques :
Queermuseu
18 août au 16 septembre 2018
EAV Parque Lage
Rua Jardim Botânico, 414 - Jardim Botânico
Du lundi au vendredi, de 12h à 20h ; samedi et dimanche, de 10h à 17h.

Laisser une réponse