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Jean-Paul Delfino (DR/Vincent Eudelines)

Jean-Paul Delfino : « Le Brésil, c’est autre chose que les cartes postales qu’on veut bien en montrer »

Footballeur, professeur de français, journaliste - entre autres - et écrivain, Jean-Paul Delfino a multiplié les expériences depuis ses plus jeunes années. Avec une constante : sa passion pour le Brésil, qui traverse l’ensemble de son oeuvre. Travailleur incontesté, il vient de publier en France Les Voyages de sable aux éditions Le Passage, son ouvrage Bossa nova, la grande aventure du Brésil, publié chez le même éditeur en France, vient d’être traduit en portugais et publié chez Pontes Editores. Et sera bientôt  lancé chez Gaussen Éditions un livre de contes et de légendes brésiliennes qu’il a sélectionnés.

Tous les textes que vous avez publiés évoquent de près ou de loin le Brésil. D’où est venu votre intérêt pour le pays ?

Il vient de la musique ! Quand j’avais 13 ans, tous mes copains écoutaient les Rolling Stones, les Beatles, Led Zep, Pink Floyd… Au cours d’une soirée un peu tristoune, la maîtresse de maison a mis vers 2h du matin le disque de Stan Getz et João Gilberto. Ça a été un véritable AVC artistique. Pour moi, ce disque, c’était le Brésil. Je dois même avouer que je l’ai volé ce disque, parce que je n’avais pas les moyens de l’acheter. Il y a 21 ans, j’ai écrit un premier livre sur la Bossa nova.

Après cette première rencontre sensorielle, quel fut votre premier contact physique avec le pays ?

Le premier Brésilien que j’ai rencontré, c’était dans un petit village du sud de la France, en 1985 : c’était le grand Baden Powell. On a discuté musique pendant des heures ensemble. Il m’a parlé afro samba, candomble, macumba, orixas : c’était m’ouvrir la porte d’un jardin extraordinaire pour me construire.

L’idée de partir découvrir le Brésil a alors fait son chemin ?

Dans les faits, j’étais amoureux du pays sans le connaître. Je n’en connaissais que ce que disait la presse, c’est-à-dire pas mal de conneries. Car le Brésil, c’est autre chose que les cartes postales qu’on veut bien en montrer. A la manière de Rastignac, je suis monté à Paris et j’ai rencontré les Brésiliens de France : Moustaki, Nougaro et Pierre Barouh, avec qui j’ai noué une longue amitié.

Et en 1986, je suis parti pour la première fois au Brésil, avec juste une valise et un petit peu d’argent. Je suis arrivé à Rio sans connaître qui que ce soit. Et au bout de quatre mois, je suis reparti encadré par deux flics, parce que mon visa avait expiré… A l’époque j’avais séjourné à Santa Teresa.

Après avoir écrit une Suite brésilienne constituée de neuf romans, vous avez publié l’an dernier Les Pêcheurs d’étoiles et cette année Les Voyages de sable. C’est avec ces deux derniers ouvrages que vous dites être passés du statut de romancier à écrivain…

J’écris depuis 11 ans, je suis romancier depuis mes 34 ans, d’abord avec des pastiche de polars publiés chez Métailié, puis une série de récits sur le Brésil (Corcovado, Dans l'ombre du condor, Samba triste…).

Tu apprends au fur et à mesure. Depuis Corcovado, j’ai mis en place mon écriture. J’ai toujours des doutes face à ces jeunes de 25 ans qu’on nomme écrivains après seulement deux bouquins. Comme Cendrars qui a attendu pour publier un chef-d’oeuvre. Etre écrivain, c’est explorer jusqu’à trouver sa propre petite musique. C’est alors que tu deviens écrivain. Quand tu peux reconnaître en quelques lignes qui a écrit un texte. Auparavant, tu es dans l’enthousiasme.

Si l’ensemble de l’intrigue des Voyages de sable ne se déroule pas entièrement au Brésil, vous ne pouvez vous empêcher d’y mener pour quelques années de vie votre personnage principal, monsieur Jaume.

Il y a en effet toute une partie du roman qui se déroule au Brésil. Mon pauvre héros, Jaume, qui a déjà vécu 1.000 vies. Il y devient peintre d’ex-votos. Mais il se fait aussi négrier à Rio, tout en cherchant à sauver certains esclaves.

Que votre livre sur la bossa nova soit traduit en portugais, c’est le plus beau signe de reconnaissance ?

Qu'il soit publié en portugais, c’est mieux qu’un Nobel ! C’est terrifiant et merveilleux. Même si le Brésil n’est plus toujours au centre de mon travail de romancier, je n’essaye pas de m’en séparer. Chaque livre qui a trait au pays, c’est comme une lettre d’amour au Brésil.

Mais je trouve terrible l’évolution de ces dernières années et crains de ne pas être prêt à revenir au Brésil. Ce pays a besoin de se réveiller. Il y a une réelle nord-américanisation. Les favelas avant, tu étais ailleurs, il y avait une âme brésilienne. Et désormais, il y a une pensée unique. Sur le plan culturel, c’est un appauvrissement des plus jeunes. Mais heureusement qu’il reste les anciens, tels que Bethânia, Gil, Veloso, Buarque, qui montrent que l’âme du Brésil ne s’est pas effilochée.

Début 2019, vous allez publier un recueil de contes brésiliens…

Le Seuil jeunesse m’a passé la commande de contes brésiliens. J’en ai collecté 80 au lieu des 25 demandés. Il me semblait important de mêler les différentes racines du Brésil. Mais, plutôt que de les saucissonner en trois ou quatre volumes, j’ai préféré les confier à un autre éditeur : Gaussen Éditions. Le livre sortira en France en janvier. Et mon prochain roman est déjà écrit !


Les Voyages de sable : Par une nuit de neige qui finit par immobiliser Paris, monsieur Jaume se rend dans un café de la rue Saint-André-des-Arts. En veine de confidences, il raconte à Virgile, un bistrotier désabusé, la malédiction qui le frappe. Monsieur Jaume est immortel. Toute la nuit durant, et avec la promesse de lui révéler son secret, il va confier à Virgile ses multiples existences passées. Né à Marseille en 1702, il fuit la grande peste, part à l'aventure en Afrique, cultive le café en Guyane, meurt à cent reprises et revient à la vie autant de fois. Peintre d'ex-voto au Brésil, guetteur de cadavres sur le Rhône, négrier à l'occasion, clerc de notaire à Paris, ermite au Portugal ou spectateur de la révolution de 1848, Jaume connaîtra l'amour, l'amitié et la trahison. Tout d'abord sceptique, Virgile l'écoute. Puis, peu à peu, sa curiosité s'éveille et il se laisse prendre au jeu. Être immortel semble bien tentant. Mais n'est-ce pas le pire cadeau que le sort puisse offrir à un homme ?

Bossa Nova, la grande aventure du Brésil fait bien entendu la part belle aux figures majeures de la Bossa Nova, et notamment au génial Joao Gilberto. Mais le livre nous fait surtout pénétrer dans les coulisses d'un mouvement où se croisent des acteurs moins connus – artistes, producteurs et même politiciens – qui, tous, au gré d'intrigues personnelles, de stratégies commerciales ou d'enjeux internationaux, participent de l'effervescence de cette incroyable aventure artistique et populaire. Au milieu des années 1950, le Brésil vit une véritable révolution. Avec l'arrivée de la démocratie au pouvoir, c'est tout un peuple qui renaît à la vie et se met à inventer sa destinée. Création de l'improbable capitale Brasilia, poésie moderniste, Cinema Novo, première coupe du monde de football, foisonnement industriel et artistique : le Brésil est prêt, désormais, à entrer dans la modernité. Pour rythmer cette lame de fond, une nouvelle musique apparaît qui emporte tout sur son passage et s'impose rapidement dans le monde entier, au même titre que le jazz, le rock ou le blues, comme un genre musical à part entière : la Bossa Nova.

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