Du 14 mars jusqu'au 10 mai 2018, quelque 50 artistes brésiliens et portugais (romanciers, poètes, illustrateurs ou encore essayistes) vont mettre en lumière la production artistique lusophone à l'occasion du Printemps littéraire brésilien. Cette année, pour sa cinquième édition, le festival étendra encore un peu plus ses murs, des événements étant organisés en France, mais aussi en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne, en Grèce et aux Etats-Unis. Une opportunité de rencontrer de jeunes auteurs ou des artistes consacrés, tels que Julian Fuks ou Adriana Calcanhotto au cours de lectures, de débats, de lancements de livres ou encore d'ateliers d'écriture. Bom Dia Brésil a rencontré Leonardo Tonus, maître de conférences à Sorbonne Université, spécialiste en littérature brésilienne contemporaine et fondateur du Printemps littéraire brésilien.
Comment est née l'idée de ce festival mettant en avant la production littéraire brésilienne ?
Titularisé à Sorbonne Université depuis 2004, j'avais l'habitude, dans le cadre de mes cours, de recevoir des auteurs brésiliens depuis 2005. Ces rencontres ont toujours remporté un grand succès. En 2013, j'ai instauré toute une semaine autour de la littérature brésilienne, puis chaque année, l'événement s'est reproduit en évoluant. Tout d'abord organisé à l'université, il s'est ouvert au grand public en 2015. Cette année-là, le Brésil était à l'honneur du Salon du livre de Paris. Ayant été nommé conseiller littéraire par le Centre National du Livre pour l'occasion, cela a été l'occasion de mettre en place des rencontres publiques. Depuis 2016, profitant d'invitations auprès d'universités à l'étranger, le festival s'est exporté. Avec les auteurs, toujours plus nombreux, nous avons ainsi déjà voyagé aux Pays-Bas, à Berlin et à Bologne, où est organisé un grand salon de littérature jeunesse. Cette année, notre aventure durera tout au long du printemps de l'hémisphère Nord. En plus de pays européens, le festival va s'exporter pour la première fois aux Etats-Unis. En France, nous nous rendrons à Paris, Nanterre, Rennes, Lille et Montpellier.
La sélection de 52 artistes représente une réelle diversité...
C'est en effet un élément que le comité de sélection, composé d'enseignants et d'élèves, tend à privilégier. Tout d'abord, nous tenons compte de la parité, mais aussi de la diversité éditoriale. Plusieurs genres littéraires sont représentés : la poésie, le roman, le roman populaire, la littérature jeunesse, des illustrateurs. Cette année, un juriste et un activiste culturel feront également partie de la programmation.
Le Brésil ne met pas particulièrement en avant la production littéraire locale. Ce qui s'en ressent sur sa divulgation à l'étranger. Le Printemps littéraire brésilien est-il une manière de pallier cette situation ?
Les Brésiliens lisent assez peu, ce qui provient d'un gros problème de formation des lecteurs. Il manque également une politique du gouvernement brésilien à cet égard, la culture n'étant pas vue comme une force. Cela ne peut qu'avoir un impact sur la diffusion de la littérature brésilienne en dehors des frontières. Par ailleurs, quand on parle littérature, seuls les noms des grands classiques tels que Machado de Assis sont évoqués, mais jamais la littérature contemporaine. Il y a donc une visibilité à donner à nos auteurs. Le Printemps est une occasion de faire découvrir au grand public ces noms à retenir.
Quels sont justement ces auteurs à surveiller de près ?
Si on ne doit en retenir que quelques-uns, je pense du côté des femmes à Maria Valéria Rezende, Ana Miranda, Sheyla Smanioto, Micheliny Verunsky, Adriana Lisboa, Carola Saavedra, Paloma Vidal. Pour les hommes, on ne peut pas manquer de lire Julian Fuks, qui a remporté le prix Jabuti l'an dernier (équivalent du prix Goncourt pour la littérature lusophone, ndlr) pour Ni partir ni rester, disponible en français depuis aujourd'hui, publié chez Grasset. Il sera présent au Salon du livre de Paris cette année, sur la Grande Scène, ce dont je suis très heureux. Mais on peut aussi citer Marcelo Maluf, Milton Hatoum, Bernardo Carvalho, Eucanaã Ferraz, Luiz Ruffato, Rodrigo Ciriaco ou encore Marçal Aquino.
Voyez-vous des points communs ou au contraire des différences fortes entre les littératures contemporaines française et brésilienne ?
J'aime et j'accompagne de près la production contemporaine française. Depuis quelques années, des thématiques transversales rapprochent davantage les deux univers littéraires. Je pense notamment à la question des filiations, ainsi que la mise en scène de nouvelles configurations des processus de transmission patrimoniale. A ce titre, on pourrait citer les dernières publications de Laurent Mauvignier, Sylvie Germain ou des auteurs francophones comme Abelalh Taïa ou Tahar Ben Jelloun.
Découvrez l'ensemble des participants et du programme sur le site du Printemps littéraire brésilien, cliquez ici..
Le soutien de l'ambassade de France au Brésil au projet
L'ambassade de France au Brésil et l'Institut français au Brésil suivent de près ce projet depuis 2015. Alice Toulemonde, attachée pour le livre à l'ambassade de France au Brésil, souligne que même si leur collaboration a été « partielle » et qu'il s'agit d'un « petit soutien, c'est toutefois un partenariat qui se renforce ». Elle loue également l'initiative de Leonardo Tonus : « On remercie Leonardo pour son travail. D'un public universitaire restreint au départ, il a réussi à ouvrir l'événement au grand public. On lui souhaite beaucoup de succès. En général, un ou deux auteurs brésiliens sont invités à quelques gros événements littéraires en France. Il est le seul à avoir eu cette initiative de regrouper et valoriser la littérature brésilienne ». La littérature brésilienne restant minoritaire en France, elle estime que le Printemps littéraire brésilien peut parvenir à lui donner « une résonance », avant de préciser que de parler de cette initiative au public brésilien peut également permettre « de montrer que l'on s'intéresse et met en valeur la littérature brésilienne de l'autre côté de l'Atlantique », et donc par là même valoriser la production du Brésil. « Les chiffres montrent que les Brésiliens s'intéressent de plus en plus à la littérature brésilienne. Mais il y a moins une culture de la lecture du roman comme en France par exemple. Les textes les plus lus au Brésil restent la Bible et les livres religieux. Il y a encore beaucoup de choses qui peuvent être faites ici », conclut-elle. |