Pas de grâce de Noël pour les corrompus. La procureure générale de la République, Raquel Dodge, a transmis cette semaine au Tribunal supérieur fédéral (STF) une « action directe d’inconstitutionnalité » afin de barrer le décret de Michel Temer, publié la semaine dernière, accordant la grâce présidentielle à des condamnés, notamment pour des faits de corruption.
Ce n’est pas la pratique qui a inquiété Raquel Dodge, mais bien les conditions très larges instaurées par le président brésilien cette année. Michel Temer exemptait notamment les condamnés de toutes leurs amendes et n’avait pas instauré de maximum pour les peines concernées, contrairement à l’an dernier où la grâce pouvait être accordée à des personnes condamnées à un maximum de 12 ans de prison. Selon Raquel Dodge, il n’est pas permis au président de la République « d’annuler des peines sans discernement, comme si son pouvoir n’avait pas de limites ».
« Un cadeau de Noël pour les corrompus »
Dans la foulée, le STF, par l’intermédiaire de sa présidente, Carmen Lucia, est allé dans son sens, suspendant partiellement le décret de Michel Temer. Pour cette dernière, la grâce présidentielle ne peut être « une récompense pour les criminels ». Or, celle accordée cette année par le chef de l'Etat brésilien crée « une impunité, en particulier pour les crimes dits en col blanc » et affaiblit les enquêtes « visant à freiner l'action néfaste des personnes non engagées avec des valeurs éthiques et l'intérêt public ». Le STF a ainsi recadré les règles, ne bénéficiant plus, entre autres, qu’à des condamnés à de courtes peines, non récidivistes.
Le décret du président brésilien a aussi provoqué un tollé auprès des médias et surtout des principaux instigateurs de l’opération Lava Jato. Son coordinateur, Deltan Dallagnol, l’a qualifié de « cadeau de Noël pour les corrompus », le président brésilien « se préparant à une sortie pour lui-même et les autres mis en examen de Lava Jato ».
« Le gouvernement peut beaucoup, mais ne peut pas tout »
Interrogé par O Globo, le juge Sergio Moro a salué la décision du STF. « Le gouvernement peut beaucoup, mais ne peut pas tout », a-t-il affirmé. Pour lui, la grâce présidentielle est, de manière générale, « généreuse » et donne une mauvaise image pour la société.
Sur Twitter, le procureur de la République Helio Telho a en effet rappelé que la grâce présidentielle avait été créée « pour des raisons humanitaires afin de pardonner les criminels dans des situations spécifiques justifiées ». « Au Brésil, elle a été utilisée avec un mauvais usage, pour vider les prisons et, ces dernières années, pour assurer l'impunité des cols blancs », a-t-il dénoncé.
O indulto foi criado por motivo humanitário para perdoar criminosos em situações específicas justificadas. No Brasil, passou a ser usado com desvio de finalidade, para esvaziar cadeias e, nos últimos anos, também para assegurar impunidade ao colarinho branco.
— Helio Telho (@HelioTelho) 28 décembre 2017
« Ce n'était pas un décret. C'était une débauche »
Les éditorialistes dans leur ensemble ont également tancé Michel Temer. Pour l’Estadão, « l’audace a des limites » tandis que Veja n’y va pas par quatre chemins : « Mais qu'est-ce qui est passé par la tête de (Michel) Temer pour signer un décret de grâce générale à l’intention des criminels en col blanc aussi méprisant que la présidente de la Cour suprême vient d’annuler ? Ce n'était pas un décret. C'était une débauche. C'était le gouvernement donnant une banane à tous les Brésiliens. O Globo, lui, considère que le président brésilien a « formalisé l’impunité ».
Mis au pied du mur, le gouvernement a fait profil bas, indiquant qu’il se conformerait à la décision du STF, mais qu’il préparait toutefois un nouveau décret afin de compenser les condamnés n’étant plus concernés par la grâce après l’intervention du STF. Cela ne devrait cependant pas intervenir avant le mois de février.