Paul McCartney achève ce samedi soir à Curitiba une nouvelle tournée sud-américaine triomphale après être passé par Santiago, Buenos Aires et deux dates cette semaine à São Paulo. A chaque concert, un stade plein réunissant un public chaleureux et toutes les générations. Au-delà de l’ex-Beatles de 76 ans, ce sont surtout les Fab Four qui possèdent encore au Brésil une popularité qui ne se dément pas. Eduardo Brocchi, cofondateur d’un cursus sur les Beatles à l’Université pontificale catholique (PUC) de Rio, décryptait ce succès pour Bom Dia Brésil lors de la dernière venue de Sir Paul en terre auriverde, en octobre 2017.
Les Beatles sont encore très présents au Brésil sous diverses formes, comment expliquez-vous cet amour encore actuel des Brésiliens ?
Les Beatles sont un phénomène mondial et le Brésil n’y a pas échappé grâce à la qualité et la diversité de leur musique. Les jeunes Brésiliens des années 1960 se sont passionnés pour le groupe et ont transmis cet amour à leurs enfants jusqu’à aujourd’hui. J’ai moi-même trois enfants et ils aiment tous les trois beaucoup les Beatles, peut-être pas autant que moi quand même. Il y a une autre explication, c’est le nombre d’événements divers autours des Beatles qui leur permettent d’être toujours présents. Il y a notamment beaucoup de groupes de reprise des Beatles. A Rio par exemple, il n’y a pas une semaine sans un concert d’un cover band. Sans oublier le bloco de carnaval Sargento Pimenta, qui rassemble des centaines de milliers de personnes tous les ans au son des chansons des Beatles, ou encore des comédies musicales et autres pièces de théâtre brésiliennes qui leur rendent hommage depuis des années.
Cela permet aux jeunes de continuer à les aimer et les écouter. On le voit aussi avec notre cursus à la PUC où notre plus jeune élève a 23 ans et a notamment un tatouage des Beatles ! Ainsi, je crois que les Beatles ne sont jamais vraiment sortis de l’espace médiatique brésilien depuis qu’ils ont percé dans les années 1960.
Le succès des Beatles au Brésil a été immédiat ?
Oui, leur musique a débarqué au Brésil en même temps qu’aux Etats-Unis, en 1964, et le succès a été énorme. Leur premier album ici s’appelait Beatlemania, une compilation de leurs premières chansons, comme aux Etats-Unis. Et ensuite, leur popularité ne s’est jamais démentie, la dictature n’ayant jamais exercé la moindre censure à l’encontre de leur musique.
Les liens directs entre les Beatles et le Brésil sont pourtant rares…
En effet, il y a eu très peu de rapports. Il existe un extrait dans lequel on entend les Beatles improviser et citer les mots Brazil et Bossa nova. Il y a également la Brésilienne Lizzie Bravo qui a participé aux chœurs de la chanson Across the universe (version single, ndr) et a fréquenté les Beatles. Elle regrette toujours d’avoir été trop timide pour chanter des chansons brésiliennes lorsque Paul McCartney lui avait demandé. Autrement, le président du fan-club des Beatles du Brésil, Marco Antonio Malagolli, raconte avoir rencontré John Lennon peu avant sa mort et ce dernier lui aurait évoqué l’idée d’une tournée passant par le Brésil. George Harrison, en tant qu’amateur de Formule 1, a noué une amitié avec le Brésilien Emerson Fittipaldi.
Ringo Starr est venu plusieurs fois en concert, tout comme Paul McCartney avec qui le lien est le plus fort depuis sa première tournée en 1990. Son concert de l’époque au Maracanã détient toujours le record mondial du plus important show en public avec 184.000 spectateurs. Il se sent bien au Brésil, où le public est très chaleureux avec lui. Il avait aussi nommé un morceau instrumental de son premier album solo à partir d’une tribu amazonienne, Kreen-Akrore.
(Paul McCartney a depuis dédié une chanson au Brésil sur son dernier album, Egypt Station (2018), baptisée « Back in Brazil », dont le clip a été tourné à Salvador, ndr)
Les Beatles ont-ils eu une influence sur des artistes brésiliens ?
Absolument, ils ont eu une influence sur tous les genres musicaux brésiliens dès qu’ils ont commencé à être connus au Brésil, à l’exception peut-être de styles vraiment historiques comme la samba ou encore le pagode. Des mouvements comme le tropicalisme, la Jovem Guarda ou iê-iê-iê sont les plus marqués par cette influence.
Je lisais récemment l’autobiographie d’importantes personnalités du rock brésilien, comme Lobão et Rita Lee, et ils citaient tous les deux les Beatles. Même des artistes sertanejo y font référence !
Y a-t-il d’autres groupes ou artistes étrangers avec autant de succès au Brésil ?
Avec autant d’amour et de pénétration au cœur de la société, non, mais il y a tout de même aussi énormément de fans des Rolling Stones, de Bob Dylan ou encore de U2. Mais j’ai l’impression que cette admiration du public brésilien pour les Beatles est même en hausse et qu’elle va donc durer encore longtemps.
Pour finir, comment a surgi l’idée de ce cursus consacré aux Beatles à la PUC ?
Cela vient d’un ami musicien, qui est comme moi professeur d’ingénierie chimique à la PUC, Luis Otávio Pinheiro, qui avait vu qu’un master sur les Beatles avait été créé dans une université de Liverpool. Il m’a dit : « Ce serait bien de le faire ici ! » Alors on l’a préparé et lancé en 2012 au sein du département des Lettres de la PUC. La ligne directrice du cursus, c’est l’histoire des Beatles, avec également quelques caractéristiques musicales. Il y a également des cours sur l’influence des Beatles sur la MPB (musica popular brasileira), leur participation à la contre-culture, un panorama de leurs disques à travers le monde ou encore un cours sur les Beatles et la philosophie. Au total, ce sont 48 heures de cours réparties sur 16 semaines (le prochain cursus en date débute la semaine prochaine, ndr).