Cette année, l’Agence française de développement (AFD) fête ses dix ans de présence au Brésil. Bom Dia Brésil a rencontré son nouveau directeur local – comprenant également l’Argentine, Philippe Orliange, à l’occasion d’une conférence sur le rôle des banques de développement donnée au Museu do Amanhã, à Rio, pour faire le point sur ses missions passées et à venir dans le pays.
En dix ans, quels projets brésiliens ont été développés grâce à l’aide de l’AFD ?
Le premier projet que nous avons financé au Brésil, en 2007, est un projet à Curitiba (Parana) qui visait au développement des transports publics avec une ligne de BRT et l’aménagement le long des rives du fleuve Barigui d’un couloir écologique afin d’en faire un espace public et un lieu de préservation de la biodiversité. Ce projet a donné le ton de ce qu’est la priorité de l’AFD aujourd’hui au Brésil, qui est de travailler avec les villes et les territoires. Nous avons financé par la suite d’autres projets et opérations de tailles différentes comme la modernisation des transports publics de Rio, la construction d’une ligne de métro à São Paulo…
Et quels sont les projets à venir ?
Nous espérons pouvoir financer des projets urbains à Fortaleza (Ceara). Le gouvernement brésilien nous demande en effet de travailler avec le Nordeste car, historiquement, nous sommes plutôt restés dans le Sud et le Sud-Est. C’est donc ce que nous espérons faire dans les années qui viennent.
Comment sont choisis ces projets ?
Tous ces projets, qui répondent à des besoins d’investissement dans des secteurs importants pour les conditions de vie de la population, ont un impact en termes de climat et de réduction des gaz à effet de serre, voire d’adaptation au changement climatique, ce qui est un critère de choix pour nous. C’est ainsi que nous avons financé par exemple en 2012, avec l’aide d’une banque de développement régionale, un projet dans le Minas Gerais pour limiter la sécheresse due au réchauffement climatique.
L’intervention de l’AFD est-elle systématiquement liée à une demande ?
Oui, la raison d’être de l’AFD, qui fait des prêts, c’est d’abord de répondre à une demande, même si nous pouvons aussi aider à l’émergence de cette demande. Sans demande, il n’y a pas de rôle pour nous. Une fois que cette demande s’exprime, nous la confrontons avec ce que nous souhaitons faire nous-mêmes, qui correspond à la volonté du gouvernement, soit avoir un impact positif sur le climat. L’agenda climatique est incontournable pour tout le monde, pour le Brésil comme pour la France.
Si la France communique beaucoup sur ses actions en faveur du climat, le Brésil ne se fait-il pas un peu trop discret alors qu’il a un rôle fondamental ?
Dans un très grand pays comme le Brésil, cela ne se voit pas forcément. Mais avec le recul de ces dix années, nous sommes tout à fait confiants sur l’appétit de nos interlocuteurs brésiliens pour faire plus de choses sur le terrain. Si Curitiba était déjà connue depuis des années pour ses capacités d’innovation et donc présentait un terrain propice, le projet d’adaptation au changement climatique du Minas Gerais avait été considéré comme incontournable par la banque de développement locale et la BNDES (Banque nationale de développement, ndr) assume pleinement que ses projets doivent être durables et tenir compte des engagements pris dans le cadre de la COP 21. Nous avons donc vraiment vu ce changement et il touche toutes les sphères de la société, à l’image du Museu do Amanhã de Rio, signe de la sensibilité brésilienne aux enjeux de la durabilité.
Est-ce que la crise économique traversée par le Brésil a eu un impact sur les projets durables du pays ?
Oui, parce qu’elle réduit les budgets disponibles et impose des contraintes. Mais le climat, ce n’est pas quelque chose dont on s’occupe quand on a suffisamment d’argent et si on n’en a pas assez, on ne le fait pas. En réalité, c’est consubstantiel à la réalisation même des projets. Quand vous pensez transports publics et aménagement urbain, vous pensez à la fois développement et climat, pas l’un puis l’autre. Tout l’enjeu, c’est l’intégration dès l’amont de l’impact sur le climat. La crise ne revient donc pas à dire : « Le climat, ce n’est pas urgent, on le fera après ».
Pour finir, pourquoi l’AFD a-t-elle choisi de venir au Brésil il y a seulement dix ans, par ailleurs quand le pays semblait aller mieux que maintenant ?
L’AFD était venue dans le cadre d’un développement plus large demandé par le gouvernement dans les pays émergents parce que nous commencions à voir le rôle que ces derniers allaient jouer dans la réponse aux défis mondiaux. Nous aurions en effet pu venir plus tôt, le Brésil ayant déjà lié environnement et développement dès le Sommet de la Terre en 1992, mais nous sommes déjà contents de ce que nous avons pu faire ici en dix ans.