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(Starley Kilp/DR)

« Pierre Barouh était un grand ambassadeur de la musique brésilienne en France »

Depuis plusieurs jours, l'artiste brésilien Dágson Silva a sorti ses bombes de peinture au Boupère, en Vendée, où s'était installé Pierre Barouh. C'est pour rendre hommage à ce dernier, grand connaisseur de la bossa nova, qu'il a entamé la réalisation d'une fresque où il donne vie à quelques personnages clés de cet univers musical. Bom Dia Brésil s'est entretenu avec Dagson Silva.

Vous étudiez et peignez en France depuis quelques années. Quand cette relation entre vous et la France est-elle née ?

(Jean-Claude Villeneuve/DR)

Dágson Silva - En 2016, j’ai été invité à participer à un festival de graffitis à Lyon, où j'ai pu réaliser une exposition. La même année, j’ai aussi été invité à réaliser une résidence d’artistes à Tiradentes (Minas Gerais), aux côtés d'un groupe d’artistes français, durant un mois. Ils m’ont invité à participer à une résidence artistique en France, à Lille. J'y ai donc passé trois mois. Et j’ai vu que le circuit d’art était intéressant en France, que ce pourrait être une source de croissance professionnelle et personnelle. Donc je me suis inscrit pour étudier en France, à l’école des Beaux-Arts de Marseille.

Comment est né ce projet de fresque sur la promenade Pierre Barouh ?

Ce projet est né l’an dernier par le biais de l’association Açai, qui travaille sur le lien culturel entre le Brésil et la France, en partenariat avec la mairie du Boupère. Ils m’ont contacté, étant intéressés par mon travail, avec l’idée de faire un hommage sur le chemin de Pierre Barouh. Ils m’ont donc invité à réaliser ce travail et m’ont laissé la liberté de choisir ce que j’allais faire. On a déterminé que ce serait intéressant d’étudier un peu son parcours, d’étudier son histoire, sa relation avec le Brésil et le projet est né comme ça. Depuis l’an dernier, on échange des idées avec Etienne et Benjamin, le fils de Pierre Barouh. Et en mai de cette année, je suis venu dans la région de Boupère, où se trouve la maison de Pierre Barouh. Avec Benjamin, on a regardé les archives, il m’a raconté l’histoire de son père et m’a montré quelques photos de quand son père était au Brésil. J’ai trouvé que c’était très intéressant, ces photos faites au Brésil dans les années 1960. J’ai aussi regardé le documentaire Saravah et ai décidé de travailler à partir de ces photos, de ces personnages. Sur la peinture que je suis en train de faire, il y a des portraits de Baden Powell, Pierre Barouh, Naná Vasconcelos, Vinicius de Moraes

(Jean-Claude Villeneuve/DR)

qui ont été les personnages de référence. Les trois artistes brésiliens sont des personnages que Pierre Barouh a rencontrés au Brésil, avec qui il est devenu ami, qui ont participé au documentaire aussi. J’ai décidé de mettre en toile de fond, le paysage et l'architecture des favelas du Brésil. La question des favelas et de la culture populaire sont toujours présent dans mon travail.

Quel a été le rôle de Pierre Barouh quant à la musique brésilienne ?

Je ne suis probablement pas le plus compétent pour répondre à cette question. Mais quand j’ai étudié sa trajectoire, j’ai vu qu’il était un grand ambassadeur de la musique brésilienne en France. J’ai discuté avec des gens qui l’ont bien connu et ils disent tous qu’il était passionné par le Brésil et la musique brésilienne. Même ses anciens voisins au Boupère, j’ai aussi vu des lettres que des artistes brésiliens et français lui avaient envoyé. J’ai vu qu’il étudiait toujours la musique brésilienne, partageait des informations, des maisons de disque cariocas lui faisaient aussi découvrir des artistes brésiliens. Il a été un vrai ambassadeur pour faire circuler des infos, a aidé faire circuler la musique brésilienne. Sa maison de disque Saravah lui a aussi permis d’avoir un rôle, comme celui de lancer Naná Vasconcelos en France par exemple.

Comment définiriez-vous votre art ?

J'ai commencé par le street art. Mais le graffiti brésilien est très proche des arts plastiques. C'est assez différent des graffitis que je vois ici en Europe. Au Brésil, il est bien plus ouvert, il s’approprie beaucoup la culture populaire brésilienne. J’ai été longtemps autodidacte, mais toujours en faisant des recherches sur l'art brésilien, qui me passionne. En entrant à la faculté, puis en me rendant en Europe, mon regard a aussi évolué. Et j'ai commencé aussi à faire de la photo, des vidéos, des performances. Mon langage se modifie au fur et à mesure, mais avec toujours ce regard sur la question sociale. J’ai grandi dans un quartier populaire, la favela Morro das Pedras, à Belo Horizonte (dans le Minas Gerais, ndr), donc j’ai un regard politique sur le quotidien. Et je souhaite travailler une image sur les favelas qui ne soit pas stéréotypée. J’ai ce positionnement qui me rapproche des avant-gardes brésiliennes. J'aime notamment beaucoup le travail d'artistes tels que Lygia Clark, Cildo Meireles, Helio Oiticica, Glauber Rocha. Ce sont de grandes influences pour l’art que je me propose de faire, à savoir un art brésilien avec regard politique sur les questions sociales.

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