« Ils ont mis un garçon de 13 ans, un adolescent qui twitte, pour gouverner le pays. » Candidat malheureux à la dernière présidentielle, Ciro Gomes (PDT) n’a pas perdu sa verve lorsqu’il s’agit d’évoquer Jair Bolsonaro et commenter les récents agissements du président brésilien sur Twitter. Ces deux dernières semaines, celui-ci s’est en effet illustré par deux publications qui ont provoqué la controverse au Brésil : une vidéo « osée » et une fausse nouvelle.
La première a été publiée le 5 mars. On y voit notamment deux hommes lors d’un bloco du carnaval de Sao Paulo qui avait eu lieu la veille. Le premier se glisse un doigt dans l’anus avant que le second ne lui urine sur la tête :
Não me sinto confortável em mostrar, mas temos que expor a verdade para a população ter conhecimento e sempre tomar suas prioridades. É isto que tem virado muitos blocos de rua no carnaval brasileiro. Comentem e tirem suas conslusões: pic.twitter.com/u0qbPu9sie
— Jair M. Bolsonaro (@jairbolsonaro) 5 mars 2019
« Je ne me sens pas à l'aise de montrer cela, mais nous devons exposer la vérité à la population pour qu'elle soit mise au courant (...). C'est ainsi que sont devenus de nombreux blocos du carnaval brésilien. Commentez et tirez vos propres conclusions »
Les amateurs du carnaval pas à la fête
Cette généralisation n’a pas manqué de provoquer l’ire de tous les amateurs du carnaval :
Tanta imagem bonita do carnaval pra enaltecer o Brasil e vc expõe justamente um episódio isolado pra querer mitar com os seguidores e manchar pro mundo a festa mais importante do país. Francamente! pic.twitter.com/L9moCFlm0D
— Gabriel Naste (@GabrielNaste) 6 mars 2019
« Tellement de belles images du carnaval pour promouvoir le Brésil et vous exhibez un épisode isolé pour pouvoir faire le beau avec vos partisans et souiller auprès du monde entier la fête la plus importante du pays. Franchement ! »
Un « épisode isolé » qui a eu lieu durant le bien nommé « Blocu » et qui était en réalité une performance artistique, d’après le duo qui l’a effectué, interrogé par la Folha de S.Paulo. Les deux hommes d’une vingtaine d’années indiquent laisser à Jair Bolsonaro la responsabilité de l’avoir diffusée au plus grand nombre alors qu’elle était réalisée au cœur d’un bloco destiné à un public LGBT.
Le mystère golden shower
Le lendemain, toujours en lien avec le sujet et sans doute interpellé par le terme technique lié au second acte de la performance, le président brésilien a tweeté : « Qu’est-ce qu’une golden shower ? » Une question qui n'a pas manqué d'interloquer la Toile brésilienne, qui a su y répondre avec créativité, comme d'habitude :
É isso aqui, presidente: pic.twitter.com/lWPVFbn4bG
— Bruno Bimbi (@bbimbi) 6 mars 2019
Même le site pornographique Pornhub s’est fendu d’un tweet, remerciant Jair Bolsonaro pour le coup de pouce d’audience :
Graças ao senhor agora todos os brasileiros sabem o que Golden Shower significa! pic.twitter.com/0RVwrxDKN4
— Pornhub ARIA (@Pornhub) 7 mars 2019
« Grâce à vous, maintenant, tous les Brésiliens savent ce que signifie Golden Shower ! »
Dans les jours suivants, le costume Golden Shower faisait son apparition dans les derniers blocos du carnaval avec un franc succès...
Nego já fez até fantasia de Golden Shower DHSAUDHASUDASD pic.twitter.com/7mhCRM2mcz
— Lucas, o tal do Pein (@PeinOfc) 6 mars 2019
Jair Bolsonaro contre les médias
Alors que le carnaval s’est terminé et a clos cette controverse, le président brésilien en a déclenché une autre dimanche soir en publiant, toujours sur Twitter, ce qui pourrait être une fausse nouvelle. Il s’agit d’un enregistrement audio attribué à une journaliste de l’Estadao, Constança Rezende, dans lequel elle affirmerait vouloir faire tomber Flavio Bolsonaro, fils aîné du président aux prises avec la justice, puis son père.
Constança Rezende, do "O Estado de SP" diz querer arruinar a vida de Flávio Bolsonaro e buscar o Impeachment do Presidente Jair Bolsonaro. Ela é filha de Chico Otavio, profissional do "O Globo". Querem derrubar o Governo, com chantagens, desinformações e vazamentos. pic.twitter.com/1iskN3Az2F
— Jair M. Bolsonaro (@jairbolsonaro) 10 mars 2019
« Constança Rezende, d’O Estado de São Paulo, dit vouloir ruiner la vie de Flávio Bolsonaro et chercher la destitution du président Jair Bolsonaro. Elle est la fille de Chico Otavio, un professionnel d’O Globo. Ils veulent renverser le gouvernement, avec du chantage, de la désinformation et des fuites. »
Comme le rapporte le Correio Braziliense, tout a commencé par cet entretien donné en anglais par la journaliste pour le blog du documentariste belge Jawad Rhalib, hébergé sur Mediapart. L’article publié la semaine dernière a été retiré par le site, mais, dans un post d’éclaircissement publié mardi, Jawad Rhalib explique qu’il s’agissait pour lui et son « équipe » d’« exposer, comprendre et faire comprendre, comment certains journalistes construisent leur crédibilité en rapportant des rumeurs, des histoires, des opinions et des faits ». « Je ne connais pas personnellement Constança Rezende, mais son acharnement contre le président brésilien et son entourage dont je ne suis pas, au passage, un grand fan, nous a intrigué », précise-t-il.
Démentis de l'Estadao et Mediapart
C’est le site brésilien conservateur et pro-Bolsonaro Terça Livre qui s’est fait l’écho de l’article incriminé et a publié l’enregistrement diffusé par le président. L’Estadao a immédiatement démenti les propos de sa journaliste, affirmant qu’ils avaient été déformés, édités et sortis de leur contexte. Constança Rezende a indiqué qu’elle avait répondu à une sollicitation d’une personne se présentant comme un étudiant britannique souhaitant faire une étude comparative entre les présidents Donald Trump et Jair Bolsonaro.
Lundi, l’Association brésilienne des journalistes d’investigation et l’Ordre des avocats du Brésil ont diffusé un communiqué commun dans lequel ils accusent Jair Bolsonaro d’utiliser « sa position de pouvoir pour tenter d’intimider les médias et les journalistes ». Constança Rezende aurait été menacée sur les réseaux sociaux par les partisans du président.
Le même jour, Mediapart a apporté son soutien à la journaliste brésilienne, affirmant également que les informations de l’article de Jawad Rhalib étaient « fausses » :
Mediapart se solidariza com a jornalista @constancarezend, vítima de ameaças. As informações publicadas no "club de Mediapart", que serviram de base para o tweet de @jairbolsonaro, são falsas. O artigo é de responsabilidade do autor e o blog é independente da redação do jornal. https://t.co/0BIDr4TXSd
— Mediapart (@Mediapart) 11 mars 2019
Dans son dernier post, Jawad Rhalib maintient néanmoins ses informations. « Mediapart a déclaré sur Twitter que les informations publiées sur son site étaient fausses, je les invite à se renseigner, à creuser comme ils ont l’habitude de le faire, avant d’émettre un tel jugement, de mettre en cause notre enquête et notre intégrité », clame-t-il.
Lundi, l’Estadao a révélé que l’auteure de l’article de Terça Livre, Fernanda Salles Andrade, était assistante parlementaire du député local du Minas Gerais Bruno Engler, élu du Parti social libéral (PSL) de Jair Bolsonaro.