Ancien cadre dirigeant d’une grande entreprise française au Brésil, Christian Pouillaude a vécu, travaillé, voyagé au Brésil depuis plus de 40 ans. Passionné de musique brésilienne (au point de collaborer avec Radio Latina) et de tout ce qui touche à son pays d’adoption, il vit aujourd’hui dans la ville de son épouse, Rio de Janeiro, et collabore avec Bom Dia Brésil à travers une chronique mensuelle intitulée Palabres. Palabres, car on ne peut pas comprendre le Brésil sans saisir toutes les nuances de certains mots du vocabulaire brésilien. Palabres, car ce sont des mots qui prêtent à la réflexion et à la discussion. Le 15e volet de cette chronique se penche sur la tradition du lema, ce slogan adopté par chaque gouvernement brésilien depuis l'ère Lula...
« Pátria amada Brasil » (Patrie bien-aimée, Brésil) : ces trois mots extraits de l’hymne national brésilien constituent le « lema » du nouveau gouvernement brésilien de Jair Bolsonaro. On peut traduire « lema » par slogan mais aussi par devise, mot d’ordre, thématique, signature, grande idée. Ce slogan a pour vocation d’accompagner toute la communication gouvernementale durant les quatre années du mandat.
Kubitschek et Lula en pionniers
Le choix d’un tel slogan est une habitude qu’ont prise les gouvernements brésiliens nouvellement élus, le premier étant celui de Lula en 2003. Certes, il y avait eu un fameux précédent avec le « 50 ans en 5 ans » du gouvernement Kubitschek (1956-1960), mais il fut sans lendemain. Lula inaugura donc avec : « Brasil, um pais de todos » (Brésil, le pays de tous ou un pays pour tous). Un slogan qui traduisait fortement l’ambition de son gouvernement de prendre en compte tous les Brésiliens quels que soient leur origine, leur statut ou leur condition. Comme on ne change pas un slogan qui gagne, il fut maintenu pour le deuxième gouvernement Lula (2007-2010) !
Dilma peu inspirée
Les slogans des gouvernements Dilma connurent des sorts moins heureux. Le premier (« Pais rico é pais sem pobreza » – Un pays riche est un pays sans pauvreté) ne correspondait plus forcément aux préoccupations du moment et à l’impatience de la nouvelle classe moyenne pour une meilleure qualité de vie et moins de corruption. Quant au suivant, lancé en 2015, (« Brasil, Pátria educadora » – Brésil, patrie éducatrice), il affichait un projet formidable, mais il fut immédiatement discrédité par des coupes sombres dans le budget de l’éducation nationale ! Prudemment, Temer, nommé président suite à la destitution de Dilma, choisit comme « lema »… la devise du pays : « Ordem e progresso » (Ordre et progrès). Comme pour rechercher une légitimité contestée.
Bolsonaro plus consensuel que dans sa campagne
D’une certaine façon, le slogan de Bolsonaro s’inscrit dans la continuité de Temer avec ce « lema » de la patrie bien-aimée, consensuel, politiquement correct et puisé dans le patrimoine national : l’hymne après le drapeau ! Et non sans quelques relents nationalistes ufanistes (lire l'article de la chronique Palabres consacré à ce mot) ! Mais rien à voir avec le slogan de sa campagne électorale beaucoup plus affirmé, dérangeant et idéologique : « Brasil acima de tudo, Deus acima de todos » (Le Brésil au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tous).
Mais du coup, au-delà de cette déclaration d’amour à la mère patrie, on se demande bien, avec ce slogan, ce que le gouvernement Bolsonaro s’engage à faire prioritairement pour le pays ou ce qu’il promet au peuple brésilien. C’est un peu court, assez flou : on reste sur sa faim !