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Une manifestation de fonctionnaires contre le loteamento à l'ICM Bio en 2018 (Rede Pro-UC/Facebook)

Comprendre le Brésil en un mot : c'est quoi ce loteamento/lotissement ?

Ancien cadre dirigeant d’une grande entreprise française au Brésil, Christian Pouillaude a vécu, travaillé, voyagé au Brésil depuis plus de 40 ans. Passionné de musique brésilienne (au point de collaborer avec Radio Latina) et de tout ce qui touche à son pays d’adoption, il vit aujourd’hui dans la ville de son épouse, Rio de Janeiro, et collabore avec Bom Dia Brésil à travers une chronique mensuelle intitulée Palabres. Palabres, car on ne peut pas comprendre le Brésil sans saisir toutes les nuances de certains mots du vocabulaire brésilien. Palabres, car ce sont des mots qui prêtent à la réflexion et à la discussion. Le 16e volet de cette chronique se penche sur la pratique du loteamento dans la vie politique brésilienne, le placement de gens de confiance à des postes clefs...

On utilise aussi le mot « aparelhamento/appareillage » pour désigner le même phénomène. De quoi s’agit-il ? De la version brésilienne du « spoil system » nord-américain. Qu’est-ce à dire ?

C’est le fait pour un nouveau gouvernement de désigner des hommes (ou des femmes) à lui, des gens de confiance, aux principaux postes de l’administration publique, au sens large du terme. On peut le comprendre : de nombreux postes sont critiques et ont une dimension politique largement aussi importante que leur dimension technique. Ils sont clefs pour pouvoir appliquer effectivement toute nouvelle politique. C’est une pratique courante dans de nombreux pays, y compris des pays démocratiques ! On estime ainsi qu’il y aurait 4.800 de ces postes en France et 8.000 aux Etats-Unis.

Plus de 24.000 postes concernés

Le Brésil n’échappe pas à ce phénomène : on qualifie ici ces postes de « postes de confiance » ou encore de « postes mandatés ». Le petit problème est le nombre de ces postes et ça fait toute la différence : il y en aurait plus de 24.000 et personne n’est vraiment sûr de les avoir tous bien comptés ! Il faut dire qu’ils concernent non seulement les ministères, mais aussi les innombrables entreprises publiques et parapubliques du pays, sans parler des agences et autres entités publiques diverses et variées qui ont fleuri au fil du temps. Il y a de la place !

On comprend vite qu’il ne s’agit plus seulement d’avoir des gens de confiance à des postes clefs. Ce « lotissement » renvoie aussi à la pratique bien physiologiste de récompenser les militants, les amis et les alliés. Ainsi, de très nombreux syndicalistes et membres des mouvements sociaux intégrèrent ces « postes de confiance » à l’arrivée de Lula au pouvoir en 2003.

Corruption

En plus, comme le Brésil pratique depuis quelques décennies « le présidentialisme de coalition », il convient que le Président élu rétribue en postes les partis qui l’ont soutenu. Ainsi, on attribue le ministère de la Santé à tel parti, la direction de la Poste à un autre, le secteur de la Culture à un troisième. Tous ces beaux cadeaux sont alors l’occasion, non seulement de placer des gens à soi dans l’administration concernée (avec le plus souvent un népotisme éhonté), mais aussi de gérer des budgets importants facilitant les pratiques de corruption.

Le nouveau gouvernement de Jair Bolsonaro a été élu en promettant de mettre fin à ce système et il est vrai que la grande majorité des postes de ministres n’a pas été attribuée à des partis, mais à des personnes considérées comme « compétentes » – pour le meilleur et pour le pire !

Maintenant, il prétend s’attaquer à la « machine publique » en révoquant les promus, placés et pistonnés des gouvernements antérieurs et en les remplaçant par des « techniciens qualifiés et compétents ». Un sacré challenge ! Saura-t-il renoncer à la tentation de choisir ses amis ? Réussira-t-il à trouver tous les talents nécessaires ? Résistera-t-il à la pression des partis ?

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