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Comprendre le Brésil en un mot : Pardo/Gris, marron mais aussi métis

Ancien cadre dirigeant d’une grande entreprise française au Brésil, Christian Pouillaude a vécu, travaillé, voyagé au Brésil depuis plus de 40 ans. Passionné de musique brésilienne (au point de collaborer avec Radio Latina) et de tout ce qui touche à son pays d’adoption, il vit aujourd’hui dans la ville de son épouse, Rio de Janeiro, et collabore avec Bom Dia Brésil à travers une chronique mensuelle intitulée Palabres. Palabres, car on ne peut pas comprendre le Brésil sans saisir toutes les nuances de certains mots du vocabulaire brésilien. Palabres, car ce sont des mots qui prêtent à la réflexion et à la discussion. Le 18e volet de cette chronique se penche sur les subtilités de la problématique raciale au Brésil....

Pardo, c’est le terme officiel utilisé par l’IBGE (l’INSEE brésilien) pour désigner les métis lors de son recensement décennal. Le terme se veut technique et neutre, politiquement correct ; il n’est guère utilisé dans la vie quotidienne ! Lors de cette enquête, l’IBGE demande aux Brésiliens de se classer eux-mêmes parmi les couleurs « blanche, parda, noire, jaune ou indigène ». Le dernier résultat donne le groupe pardo majoritaire avec 47 % des répondants, juste devant le groupe blanc (44%) et loin devant le groupe noir 8 %.

On est au cœur de la subtilité de la problématique raciale au Brésil. Il y a la façon dont chacun se perçoit et se désigne lui-même et puis il y a celle, bien souvent diverse, dont il est perçu par les uns ou les autres. Il y a aussi bien entendu la réalité mais que la plupart ignore : il faudrait faire la généalogie de la famille ou avoir recours à des tests ADN ! On découvrirait sans doute que celui qui se dit blanc a un bon tiers de sang noir et que celui qui se dit noir a aussi une bonne part de sang indien. Tous les mélanges dans toutes les proportions sont possibles : c’est une large palette. D’ailleurs, en 1976, l’IBGE avait fait une enquête, toujours sur les couleurs de peau, en demandant aux Brésiliens de définir eux-mêmes la couleur de leur peau. Il en résulta 136 différentes couleurs aux noms parfois inattendus et plus poétiques les uns que les autres.

Mameluco, caboclo, cafuzo ou crioulo

Bien sûr il y a quelques définitions officielles. Un mameluco ou un caboclo est un métis de blanc et d’indien ; un cafuzo est un métis de noir et d’indien. Mais certains mots peuvent avoir plusieurs sens comme crioulo ou encore moreno, qui peut signifier selon le contexte noir, brun ou… bronzé ! Les Brésiliens ont à leur disposition un riche choix d’adjectifs avec le coup de main additionnel des diminutifs (neguinho ou escurinho). A utiliser subtilement selon les interlocuteurs et les circonstances !

Il faut aussi dire qu’au Brésil l’appartenance ethnique n’est pas qu’une histoire de couleur de peau ; elle obéit à de multiples facteurs liés au statut social. C’est un attribut social passager et relatif, comme l’écrit le politologue Alain Rouquié. Une historienne brésilienne affirme même que « la race est un objet de négociation » ! Ainsi de nombreux militants de la cause noire au Brésil sont indubitablement métis (comme Marielle Franco) mais ils se considèrent et s’affirment comme noirs, car victimes eux aussi de la même discrimination raciale.

On voit que vouloir délimiter des frontières de couleur dans une société métisse est compliqué et antinomique de l’attitude des Brésiliens sur le sujet. Tout ceci rend évidemment encore plus difficile l’application de mesures de « discrimination positive » pour combattre la discrimination raciale, qui elle est bien réelle.

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