L’aventure de devenir maman s’est pour moi doublée de celle de le devenir au Brésil. Une expérience mémorable certes, mais parfois aussi déconcertante.
Tout commence avec la visite de la maternité. Suite à la présentation institutionnelle, une question se pose : prépare-t-on un accouchement ou bien un séjour à l’hôtel ? J’entends parler de catégories de chambres, de la suite « top luxo » adaptée à l’organisation d’une fête réunissant jusqu’à 30 personnes, avec possibilité de fournir le buffet tout en sirotant un cocktail dans le solarium.
L’option Skype
A la découverte des tarifs : stupeur et tremblements. Ne passant pas par un plan de santé, les frais seront dans un premier temps à notre charge. Une somme à quatre chiffres pour trois jours. Sans compter l’équipe médicale, ni les éventuels frais de soins intensifs si nécessaire ou de traitement pour la jaunisse. Ma moitié tourne de l’oeil. Mais j’essaye de le rassurer : « Regarde, pour ce prix et si on boucle le pacote avant l’accouchement, on nous offre trois jours de parking. Ce n’est pas notre jour de chance ? » Si toutefois j’ai le malheur d’accoucher en avance, sans avoir conclu ce bel accord financier, on aura le droit à un tarif majoré de 20 % et au parking payant. Mais ça, je ne le lui dis pas; chaque chose en son temps.
« Sinon, nous proposons également l’option Skype ». Nos amis d’un jour se tournent vers nous plein d’espoir : « C’est génial pour vous qui êtes étrangers. » Je n’ai pas encore les détails techniques que j’imagine déjà la réaction de mes proches : la syncope de mon beau-père devant ce film d’horreur ou ma grand-mère tranquillement installée avec ses copines de la maison de retraite devant l’écran d’ordinateur, imaginant assister à un épisode de Grey’s Anatomy et déplorant le départ de Docteur Mamour. Merci, mais non. Nous nous passerons également du service d’un photographe et d’une maquilleuse. En revanche, lors d’une visite de maternité au Mexique, on m’assurait que mon petit passerait de la pouponnière à ma chambre encadré d’une infirmière et d’un garde du corps. Et là pas d’option babyguard ?
Le couloir de l’angoisse
Notre petit groupe de futurs parents épanouis se lance ensuite dans la visite des lieux : la cafétéria, les chambres, la pouponnière. Mention spéciale d’ailleurs pour celle située au rez-de-chaussée de l’une des deux maternités, ayant vue imprenable sur le café Kopenhagen de la clinique, où les grands-mères et arrière-grands-mères ne manquent pas d’y aller de leur petit commentaire concernant chacun des poupons, le tout en dégustant un expresso.
Et enfin, ultime point de chute qui suscite un peu plus d’excitation dans nos rangs : les salles d’accouchement. Si nous ne nous rendons pas dans l’un des blocs opératoires, nous découvrons toutefois le long couloir de l’angoisse. Celui où les familles et amis se massent derrière une grande fenêtre donnant sur la salle dont les heureux parents choisiront d’ouvrir le rideau pour révéler le nouveau-né lorsqu’ils le souhaiteront. Au moment de notre passage, pas moins de 20 personnes sont groupées, en pleine attente, équipées de chapeaux en carton, de ballons, de pancartes et de langues de belles-mères. Et juste à ce moment-là, le rideau se lève sur le théâtre des opérations. Hurlements de joie dignes de ceux qui retentiraient lors d’un but marqué par le Brésil à la Coupe du monde. On attendrait presque la ola.
En provenance d’Orlando
Le jour J s’annonce. On sait qu’au Brésil le taux d’accouchement par césarienne est l’un des plus importants au monde : on parle de 43 % de naissances par césarienne (jusqu’à 80 % dans les cliniques). On le sent dès l’arrivée au balcon du check in, puisque toutes les futures parturientes sont pomponnées, détendues et souriantes. Pas l’once d’une trace de souffrance sur leur visage parfaitement maquillé. Je découvrirai par la suite une petite salle reculée où sont terrées les femmes dont le travail a vraiment commencé. Elles se sont donné rendez-vous dans la salle des urgences, n’ayant pas de temps à consacrer à l’enregistrement de leur dossier. Avec une heure d’attente me direz-vous, on les comprend.
A la découverte de la quantité de bagages emmenés par mes compagnes de galère, je me demande une nouvelle fois si nous embarquons pour une croisière de 15 jours ou pour seulement quelques jours à la maternité. Deux grandes valises au moins pour beaucoup d’entre elles. On se croirait bel et bien à l’aéroport de Guarulhos, au retour d’un vol en provenance d’Orlando. De mon côté, avec ma valise cabine, je ne fais pas le poids. Mais que peut-il bien y avoir dans ces bagages ?
« Tu as pris la GoPro ? »
C’est dans les couloirs menant à notre « suite » que je comprends : rien que pour la plaque affichée sur la porte indiquant le nom du nouveau-né, il faut bien une demi-valise. De grands cadres avec des nounours, des super-héros, des chouettes et des petites fleurs annoncent la bienvenue à Lorena, Jõa Pedro, Alice ou encore Miguel Roosevelt. La tension monte d’un cran. On n’a pas la plaque, on n’est clairement pas prêt à devenir parents. Cette clinique aux allures d’hôtel de luxe doit bien posséder un atelier de Do it yourself où mon mari pourra nous confectionner un petit quelque chose de dernière minute.
Mais il faut se préparer pour aller au bloc. J’enfile ma robe de bal bleue et transparente à souhait. Dans le vestiaire des papas, mon mari revêt sa verte charlotte et échange avec un autre futur papa, dont le haut du crâne est équipé d’une GoPro. Il lui vante les mérites de son joujou et lui assure que c’est mieux qu’un appareil photo. Toute la famille pourra avoir eu l’impression d’assister à l’accouchement comme cela. Penaud, mon mari se contente d’emmener son appareil photo avec lui.
C’est l’heure. Nous nous retrouvons à l’aube de cette grande aventure de la parentalité. Tant pis pour la plaque et la GoPro. Il nous suffit d’être entourés d’une équipe de personnes aux petits soins et particulièrement affectueuse avec nous. Parce que c’est aussi ça le Brésil : des gens qui vous caresseront le dos pour vous aider à vous décontracter, qui vous feront rire lorsqu’ils apercevront que vous n’êtes pas totalement sereins - notamment de savoir que votre médecin est en train de vous inciser le ventre tout en portant des talons aiguilles, qui vous appelleront « queridos » et se réjouiront avec vous du premier cri de votre enfant. Et accoucher au Brésil devient alors une expérience extraordinaire.