La vitalité théâtrale brésilienne sera à l’honneur, dès demain, sur les planches d'un théâtre de la région parisienne. Le 3 août, la compagnie Teatro Labirinto - en provenance de Diamantina dans le Minas Gerais - vous invite au Musée Sauvage, à Argenteuil, à venir découvrir son nouveau spectacle : Famille, Argent et (un brin de) Vérité.
« La pièce est une adaptation de La Maison de poupée (1879) d’Ibsen, l’un des canons dramatiques du théâtre réaliste », explique Daniel Alberti, le directeur de la compagnie, mais aussi metteur en scène et acteur, à Bom Dia Brésil. Il en admire profondément le texte qui est « parfaitement structuré et dont chaque partie est absolument indispensable ».
L’histoire ? En Norvège, dans « une maison confortable et de bon goût », une famille bourgeoise se prépare à fêter Noël. Mais le douillet et rassurant cocon se fissure quand le secret de Nora, la jeune et joyeuse épouse, menace d'être dévoilé. La pièce se transforme alors en la révolte d'une femme qui prend conscience d'avoir été toute sa vie soumise aux hommes de son entourage.
Du réalisme à la performance
Voir un des grands classiques du théâtre représente déjà en soi un motif pour aller assister à la représentation. La troupe a cependant souhaité apporter un éclairage nouveau au texte d’Ibsen, en l’actualisant. « On a repris la structure », détaille Daniel. « Donc au départ, on assiste à une pièce qui s’inscrit dans un moule réaliste, à savoir présentant la construction des personnages, développant l’action dramatique, mettant en place les conflits. Puis la pièce évolue et nous la déstructurons. Surgissent alors des interférences avec d’autres textes comme Un Tramway nommé Désir (de Tennessee Williams ndr), Ubu Roi (d’Alfred Jarry ndr) ou encore des films tels que Star Wars (de George Lucas ndr), Shining (de Stanley Kubrick ndr) ou Autant en emporte le vent (de Victor Fleming ndr) par exemple. On en arrive même à sortir de la structure de la pièce, et c’est elle qui s’insère dans la réalité et devient alors une performance…»
« C’est la structure qui devient le personnage principal à un moment », complète Shay Soares, qui évolue depuis de nombreuses années au sein de la compagnie. Elle se réjouit particulièrement de l’aboutissement du travail mené autour de ce spectacle. « Les personnes vont s’attendre à voir une mise en scène classique et les attentes du public vont finalement être bousculées », souligne la jeune fille. Elle est par ailleurs ravie de présenter Famille, Argent et (un brin de) Vérité au public français, car selon elle, « la pièce est parfaitement adaptée à un public provenant d’un pays dont on connaît le fort attachement à la culture et aux arts de manière générale ». Etre accueillis en France pour quelques représentations lui semble d’ailleurs être « le signe que notre travail va dans le bon sens si ce pays le valorise ». La plus grande des « gratifications » pour la troupe.
Jordão Vieira est l’un des acteurs de la pièce. Jouer en-dehors du Brésil, c’est pour lui une première dont il se réjouit. Ce qui l’a principalement marqué dans la pièce d’Ibsen, « c’est cette question de la dénonciation, l’aspect féministe de l’oeuvre ». Il pense que l’expérience que les spectateurs seront invités à vivre « amène d’ailleurs à réfléchir ». Car en déconstruisant la pièce, c’est « le machisme qui est mis en pièces ». Ainsi, à partir d’un texte de théâtre rédigé à la fin du XIXe siècle, le Teatro Labirinto propose une relecture contemporaine de la question féministe et de l’émancipation de la femme dans la société. Mais aussi « des rapports de force dans la société » insiste le directeur de la compagnie.
Un projet à l'impact social fort
Enfin, Daniel Alberti souhaite mettre en avant la dimension sociale du projet. « Presque tous les acteurs qui évolueront sur scène au Musée Sauvage sont originaires de Diamantina, une petite ville de l’intérieur de l’Etat de Minas Gerais. Ils sont issus de familles extrêmement humbles. Et pourtant, cette pièce qui parle d’émancipation de la femme est aussi une manière pour eux, en tant que personne, de s’émanciper grâce au théâtre. Ils ont suivi une formation de théâtre à l’Institut fédéral du Nord de Minas Gerais, et j’étais l’un de leurs professeurs. Etant originaire de São Paulo, la ville qui compte le plus de théâtres au Brésil, j’ai été incroyablement surpris de voir le profondeur de travail dont ce groupe, si jeune, est capable. Certains n’ont jamais vu la mer, ne sont jamais allés au cinéma et pour plusieurs, le voyage en avion vers la France était un baptême de l’air. Le théâtre est ainsi devenu pour eux une porte d’entrée vers un autre monde, qui leur montre à quel point ils sont capables d’aller loin. »
Tentés, mais préoccupés par le fait que la pièce soit en portugais ? Pas de panique : l’ensemble du spectacle est sous-titré. La troupe a d’ailleurs activement cherché une solution pour que le spectateur puisse suivre l’intrigue, tout en ayant le temps de prêter attention au jeu des acteurs, riche en détails. Et une surprise vous attend même en fin de spectacle…
Si vous avez besoin d’encore quelques arguments, sachez que ce sera aussi une bonne manière de matar a saudade du Brésil, puisque musique et nourriture brésilienne seront aussi de la partie. Enfin, n’hésitez pas à aller discuter avec les intégrants de la compagnie Teatro Labirinto, ils sont particulièrement agréables et se montreront ravis de discuter avec vous de leur travail !
