Malgré la crise économique que traverse le Brésil, s’il est un secteur qui s’en sort particulièrement bien, c’est sans conteste celui des chaussures. Selon des données de l’Association de l’industrie brésilienne de la chaussure (Abicalçados) et de l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE), le secteur est parvenu à maintenir une facturation des plus satisfaisantes entre 2012 et 2016, atteignant l’an dernier 20,8 milliards de reais.
Le Brésil est un grand pays producteur de chaussures, et ce depuis la fin du XIXe siècle. Lorsque les Allemands et Italiens ont immigré, ils se sont installés dans le sud et le sud-est du Brésil. Ils ont importé dans leurs valises un savoir-faire quant au travail du cuir, et notamment de la fabrication de chaussures. Ils ont donc joué un rôle fondamental dans le développement de cette industrie. Actuellement, ce sont plus de 7.700 entreprises, générant quelques 300.000 emplois, qui dynamisent ce marché. Du Sud, la production s’est toutefois répandue à travers le pays, la moitié des paires de chaussures fabriquées l’étant désormais dans le Nordeste.
Les Brésiliens accros aux chaussures
L’une des explications du quasi-maintien des ventes de chaussures tient sans doute au fait que dans ce domaine, les Brésiliens ne manquent pas d’être des accros du shopping. Ce serait d’ailleurs l’un de leurs biens de consommation préférés selon Pés sem Dor. Rendez-vous dans n’importe quel centre commercial un samedi ou un dimanche : les boutiques les plus prisées seront sans aucun doute celles des enseignes de chaussures. Angela, 81 ans, est venue avec sa fille Marta pour faire l’acquisition d’une nouvelle paire. « Pour les Brésiliennes, je crois que les chaussures représentent une véritable expression de la féminité », explique-t-elle. Dayane, vendeuse dans la boutique depuis plusieurs années, confirme l’attrait de nombreuses acheteuses pour des chaussures plus féminines que confortables. « Même si elles viennent de prime abord pour acheter une paire de tennis ou de ballerines pour leur côté confortable, il est bien rare qu’elles ne repartent pas avec une deuxième paire plus élégante, qu’elles ne pourront pourtant pas utiliser au quotidien », souligne-t-elle. Une situation que connaissent tant Marta que sa fille, qui avouent avoir un placard rempli de chaussures, dont certaines paires de talons hauts n’ont été utilisées qu’à une ou deux reprises. Mais leur constat est sans appel : « Impossible de résister ! »
Une étude réalisée par IEMI Inteligência de Mercado relève cependant que la crise a modifié la manière de consommer des Brésiliens. Ainsi, de 2014 à 2016, le volume de ventes a baissé de 13% : alors qu’en 2014, 903 millions de paires ont été achetées, on n'a atteint que 784 millions fin 2016. Le nombre de paires achetées à chaque fois reste de deux en moyenne, mais le nombre d’achats dans l’année est plus restreint. Ce sont surtout les classes C, D et E, les plus touchées par la crise, qui ont revu à la baisse leurs achats de chaussures : alors qu’ils en achetaient en moyenne 3,4 paires en 2014, ils n’en font plus que l’acquisition de 3 en 2017. Pour les classes A et B, la courbe est inverse : de 4,2 paires en 2014, on passe à 4,7 en 2017. Les prix de vente ayant cependant augmenté de 10% entre 2014 et 2016, les résultats financiers restent à peu près similaires d’après l’étude.
Le coup de pouce des exportations
Outre la consommation interne, les exportations de chaussures fabriquées au Brésil permettent de générer de bons résultats. Si les chaussures brésiliennes s’exportent dans plus de 150 pays, ce sont l’Argentine, les Etats-Unis et le Paraguay qui se fournissent plus largement auprès de l’industrie brésilienne. Abicalçados a annoncé que de janvier à fin septembre, plus de 88,37 millions de paires avaient été vendues à l’étranger, pour 796,6 millions de dollars, ce qui représente une hausse de 13,4% par rapport à la même période en 2016. Dans un communiqué, Heitor Klein, président d’Abicalçados, estime que ce sont des chiffres encourageants et que les résultats de 2017 devraient surpasser ceux de 2016 (998 millions de dollars) de 4 à 5%. Il regrette cependant que « le prix moyen ne soit pas compétitif ». Il explique qu’avec « la valorisation du real, le prix de vente à l’extérieur a augmenté de 12% », ce qui ne peut être un avantage face aux tarifs relativement bas pratiqués par les pays asiatiques exportateurs. Une perte de compétitivité qu’il explique également par des problèmes d’infrastructure depuis une dizaine d’année.