Ce mardi 20 novembre, Jour de la conscience noire au Brésil, on commémore la mort de Zumbi dos Palmares, roi du plus célèbre des quilombos, assassiné le 20 novembre 1695. L’occasion de revenir sur les origines de ces communautés et sur leur place aujourd'hui dans la société brésilienne.
Comment les quilombos sont-ils nés ?
Marronnage dans les colonies françaises, esclaves cimarrón dans l’empire espagnol, maroons dans les colonies britanniques : l’esclavage colonial s’est partout accompagné d’histoires de résistance. Au Brésil, cette résistance a été d’une ampleur inégalée et a pris la forme des quilombos, ces communautés d’esclaves fugitifs mentionnées officiellement par l’administration coloniale portugaise à partir de 1740. « Le terme quilombo vient du banto, une langue parlée en Angola. Il fait référence à un guerrier de la forêt, à une idée de liberté », souligne auprès de Bom Dia Brésil Juliana Bezerra, professeure d’histoire et rédactrice pour le site todamateria.com.br.
Le plus célèbre et le plus grand des quilombos brésiliens ? Celui de Palmares, dans la serra da Barriga (Alagoas), qui a résisté pendant presque tout le XVIIe siècle aux expéditions hollandaises et portugaises. Selon les estimations des historiens, il a réuni entre 11.000 et 30.000 personnes, et son chef le plus célèbre fut Zumbi. « Le quilombo de Palmares représentait un affront pour le colonisateur portugais, qui a fini par intervenir en levant une véritable armée, d’autant plus que le quilombo se trouvait sur des terres très fertiles », observe Juliana Bezerra.
Que reste-t-il des quilombos aujourd'hui au Brésil ?
L’existence et les droits des communautés quilombolas est reconnue par la Constitution brésilienne de 1988. L’État brésilien a alors commencé à les recenser et en a officiellement reconnu plus de 3.000. Signe de l’intérêt relatif des pouvoirs publics pour ces communautés, il est pourtant difficile de savoir combien de Brésiliens vivent dans les quilombos. « C’est dans les régions qui ont eu le plus recours à l’esclavage qu’on trouve le plus de quilombos, dans le sud-est et le nord-est du Brésil : Rio de Janeiro, Maranhão, Bahia, Minas Gerais, Pernambouc. Mais on en trouve aussi beaucoup dans le Rio Grande do Sul », affirme Juliana Bezerra.
Selon O Globo, en mai dernier, 3.100 quilombos avaient été certifiés par la Fondation Palmares. Alors qu’une majorité des quilombolas vivent en dessous du seuil de pauvreté, « cette certification s’accompagne souvent d’un accès à des services publics comme l’éducation ou la santé », souligne Juliana Bezerra.
Comment la question de la terre est-elle traitée ?
Reste le problème de la propriété de la terre, comme souvent crucial au Brésil. Un décret du 20 novembre 2003 prévoyait des procédures d’identification, de reconnaissance, de délimitation, de démarcation et de titrage des terres occupées par des quilombolas. Mais selon O Globo, si 1.700 communautés ont demandé à ce que la propriété de leurs terres soit reconnue, seuls 260 dossiers sont actuellement traités par l’Institut national de colonisation et de réforme agraire (Incra) et 41 titres de propriétés ont été attribués.
Cette question de la propriété de la terre est souvent la source de conflits. Comme dans le célèbre quilombo de Sacopa, à Rio de Janeiro, où Bom Dia Brésil s’est rendu. Il est depuis longtemps la convoitise des promoteurs : sur les bords de la Lagoa, dans un des quartiers de Rio où l’immobilier est le plus prisé, une trentaine de personnes vivent dans des maisons installées dans la forêt, sur un espace de 30.000 m², à deux pas des immeubles de standing qui bordent la Lagoa.
L’énergie et l'eau courante, rares dans quilombos, peuvent aussi être à l'origine de conflits entre les habitants et les propriétaires d'exploitations agricoles ou exploitants forestiers. « Quand les esclaves se sont sauvés, ils sont allés loin des villes », a confié Erivaldo Oliveira, président de la Fondation Palmares, à Agência Brasil. « Les villes se sont rapprochées des zones quilombolas envahies par la spéculation immobilière et on assiste aujourd'hui à la réduction absurde des terres quilombolas. »
Ces conflits prennent parfois une tournure dramatique. Selon la Coordination nationale d'articulation des communautés noires rurales quilombolas (Conaq), 20 dirigeants de quilombos ont été assassinés en 2017 dans des situations de conflit agraire. Pour certains observateurs, l'inertie du gouvernement Temer sur le dossier des quilombos a conduit à une multiplication des conflits.
Quelle place pour les quilombos sous la présidence Bolsonaro ?
« Je suis allé dans un quilombo, le plus léger des descendants africains pesait sept arobes (plus de 100 kg, ndr). Ils ne font rien. Je pense qu'il ne sert même plus pour procréer. » Prononcées en avril 2017, ces paroles de Jair Bolsanoro, qui a aussi déclaré qu'il n'accorderait pas un centimètre de plus aux quilombolas et réserves indigènes, disent le peu d'estime que le président élu porte à la cause quilombola. Elles lui ont valu une condamnation pour dommages moraux collectifs avant que celle-ci ne soit annulée en appel.
Les quilombos sont-ils en danger avec l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro. Pour Juliana Bezerra, « il y a de quoi être inquiet s’il applique ce qu’il a déclaré sur le sujet. Imaginons qu’il arrête le processus de certification des communautés quilombolas par exemple. Les gens qui vivent dans les quilombos non certifiés vont continuer à vivre dans des conditions très difficiles et les autres risquent de perdre le peu de soutien que le gouvernement leur apporte. » Pour l'historienne, la préservation de la culture quimbola est essentielle : « On ne peut pas comprendre le Brésil sans connaître l'histoire de la main d’oeuvre asservie, on ne peut pas comprendre le Brésil sans la culture noire. Les quilombos préservent cette culture ancestrale noire et afro-brésilienne. »