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(Capture écran YouTube)

« Policia Federal – A lei é para todos » : faut-il voir le film sur Lava Jato ?

Durant le film, les « Filho da p*** » (« Fils de p*** ») fusent régulièrement, notamment à l’encontre de Lula. A la fin, la majorité du public applaudit. Ce genre de scène a été vu régulièrement durant la projection de Policia Federal – A lei é para todos, sorti dans les cinémas brésiliens le 7 septembre dernier et qui a passé le million de spectateurs ce week-end – pour 16,9 millions de reais de recettes, soit son budget.

Le film de Marcelo Antunez, un réalisateur jusqu’ici de (grosses) comédies brésiliennes, entend montrer les origines et les coulisses de la plus grande opération anti-corruption de la police fédérale brésilienne jamais menée, Lava Jato, qui continue à faire des ravages encore aujourd’hui dans les plus hautes sphères du pouvoir du pays.

L’histoire commence en 1500

Après avoir indiqué de manière un peu grandiloquente que l’origine de toute l’histoire débute en 1500 avec l’arrivée des Portugais au Brésil, le film commence avec l’arrestation in extremis à São Luis (Maranhão) de l’homme d’affaires véreux Alberto Youssef, qui va déboucher sur le scandale Petrobras, avant de revenir sur les prémices de l’enquête. Tout est montré du point de vue d’une petite équipe de la police fédérale à Curitiba (Parana) : du démantèlement d’un réseau de blanchiment d’argent en 2013 jusqu’au premier interrogatoire de Lula, en mars 2016, conclusion du film.

En dehors des enquêteurs, tous les personnages sont donc réels, ce qui donne une première impression étrange tant ils sont encore très présents aujourd’hui sur le devant de la scène, de Lula au juge Sergio Moro, qui a d’ailleurs assisté à l’avant-première fin août. Ensuite, si le film est plutôt bien joué – avec tout de même de vieux réflexes de novela – et documenté – la police fédérale a collaboré –, il est on ne peut plus manichéen et caricatural. Les « héros » de la police et de la justice sont montrés à la façon d’incorruptibles affrontant les « pourris » du pouvoir et des affaires.

Opportunisme et démagogie

Cela ressort surtout à partir du moment où le volet politique est abordé, car le début du film est plutôt attrayant, d’autant plus quand on a oublié ou que l’on ne sait pas comment a surgi l’enquête et notamment le nom de l’opération. Cette absence de nuances est particulièrement flagrante lors du long point d’orgue sans grande neutralité politique vis-à-vis du Parti des travailleurs (PT) – les autres partis et leurs figures, également mouillés, étant à peine cités. Y sont montrées les coulisses de l’interrogatoire d’un Lula des mauvais jours et l’intégration des manœuvres de Dilma Rousseff pour offrir un poste ministériel à son mentor – avec de vraies séquences de discours, journal télévisé et enregistrement, comme pour bien rafraîchir la mémoire du public et l’exciter.

A l’image de ce que nous avons pu constater en salles, cela fonctionne à merveille et l’adhésion populaire n’est donc pas étonnante, surtout en ces temps de défiance totale du peuple brésilien face à ses gouvernants. Mais on ne peut que regretter la démarche opportuniste et démagogique, dès le titre (« Police Fédérale – La loi est la même pour tous »), de ceux qui ont mis en production ce film, financé par un groupe d’hommes d’affaires qui a tenu à rester anonyme...

Des critiques unanimement négatives

Si l’opération Lava Jato, quand elle sera terminée, constituera un formidable scénario de série documentaire voire fictionnelle, il était donc bien tôt pour en sortir une telle œuvre, qui plus est forcément remplie de raccourcis tellement l’affaire est complexe. Outre sa partialité, son sérieux manque de recul lui a également été fatal aux yeux des critiques brésiliens.

Comme l’anticipait l’Estadão, « Policia Federal – A lei é para todos devrait être un triomphe public, pas critique », même si le journal conservateur a apprécié les métaphores sur l’histoire du Brésil et le fait que la corruption y existerait depuis l’invention du stylo. Pour la Folha de S. Paulo, le film de Marcelo Antunez est une œuvre « sans nuances, qui, à de nombreux moments, ressemble à une pièce de propagande », ne racontant « qu’une partie de l’histoire ». Tandis qu’O Globo juge qu’il était « peut-être préférable d'attendre la fin de l'opération Lava Jato », « le réalisateur aurait pu attendre plus de développements, mais l'urgence du box-office est presque toujours plus forte ». Autant dire qu’aucun critique n'est impatient de voir le prochain épisode annoncé dans le générique final.

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