Sign in / Join
Ricardo Vélez Rodríguez, à gauche (Agência Brasil)

Ça fait du ramdam : le ministre qui voulait que les écoles filment les élèves chantant l'hymne brésilien

Un cours d’instruction civique un peu trop zélé ? Le ministère de l'Éducation brésilien a envoyé lundi 25 février à toutes les écoles du pays un courriel de recommandations à l’occasion de la rentrée scolaire, célébrant un « Brésil des temps nouveaux » et l’« éducation responsable ». Là où les recommandations sont allées un peu trop loin, c’est que le ministère demandait dans ce courriel que les enfants soient alignés devant un drapeau pour chanter l'hymne national et filmés afin qu’une vidéo puisse être envoyée au gouvernement.

Slogan de campagne

Comme si cela ne suffisait pas pour allumer une polémique, il était aussi attendu qu'on leur lise une lettre du ministre de l’Education, Ricardo Vélez Rodríguez, qui se termine par le slogan de campagne de Jair Bolsonaro : « Brasil acima de tudo. Deus acima de todos » (« Le Brésil avant tout. Dieu au-dessus de tous »).

La lettre a été envoyée aux écoles publiques et privées du pays. « C'est illégal, le ministère n'a pas la compétence pour demander cela aux écoles », a commenté Arthur Fonseca Filho, directeur de l'Association brésilienne des écoles privées (Abepar), cité par le Diario do Pernambuco.

L’affaire a vite embrasé les réseaux sociaux brésiliens. Sur Twitter, elle est vite devenue le deuxième thème le plus commenté. L’opposition au gouvernement a été la première à s’insurger, à l’image de Fernando Haddad (Parti des travailleurs), adversaire de Jair Bolsonaro au second tour de la dernière présidentielle :

« La république en danger. C’est impropre et inconvenant : le ministère de l’Education demande que les écoles lisent un slogan de Bolsonaro, exécutent l’hymne et filment tout cela. »

L'opposition contre la « propagande politique à l’école »

Pour Marcelo Freixo, député fédéral (Parti socialisme et liberté) de Rio de Janeiro, « on peut chanter l’hymne. Ce qu’on ne peut pas, c’est faire de la propagande politique à l’école » :

Plus surprenant, l’initiative de Ricardo Vélez Rodríguez a aussi été taclée par des soutiens du gouvernement, à l’image de la députée (Parti social libéral) de São Paulo Janaina Paschoal. La juriste a ainsi invité le ministre de l’Education à « contacter en toute urgence un conseiller juridique spécialiste du statut de l’enfant et de l’adolescent. On ne peut pas filmer des enfants. En plus, commencez par réaliser quelque chose de concret et les éloges viendront naturellement » :

Et les vrais problèmes des écoles brésiliennes ?

Certains internautes ont en effet saisi la balle au bond pour demander des changements concrets dans les écoles brésiliennes, les invitant à écrire au ministère pour leur parler des problèmes qu’elles rencontrent plutôt que de filmer les élèves chantant l’hymne :

Pour l'un d'entre eux, @matheusgeorgefs, la meilleur réponse est l’ironie : « En réalité, les problèmes des écoles ont été l'absence de l'hymne national. On sait maintenant qu'en chantant les hymnes, les problèmes seront résolus. Le Brésil avant tout. Dieu au-dessus de tous ! » a-t-il écrit sur Twitter, en partageant une caricature tournant en dérision l’initiative du ministère :

Face au tollé, le ministère de l’Education a calmé le jeu dès lundi en affirmant notamment que l’envoi d’une vidéo de l’hymne chanté se ferait sur la base « du volontariat », conformément à une « politique d’encouragement à la valorisation des symboles nationaux ».

Marche arrière

Mais la pression n’est pas venue que de l’opposition et des réseaux sociaux. Mardi, le bureau du procureur fédéral des droits du citoyens, émanation du ministère public, a envoyé au ministre une « demande d’éclaircissement », signalant que le contenu de la lettre allait à l’encontre de la Constitution brésilienne et du Statut de l’enfant et de l’adolescent.

Et mardi 26 février, Ricardo Vélez Rodríguez a carrément fait marche arrière, reconnaissant s’être trompé. Une nouvelle version du courriel de rentrée a été envoyée. « J’ai reconnu l’erreur, j’ai enlevé cette phrase (qui fait référence au slogan de campagne de Jair Bolsonaro, ndr) et j’ai enlevé la partie qui parlait de filmer des enfants sans autorisation des parents. »

Les félicitations du conseil de classe, ça sera pour une autre fois.

Laisser une réponse