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Des supporters de Fluminense à l'Arena Corinthians, le 15 avril 2018 (Flickr/Fluminense)

Flamengo, Fluminense, Botafogo, Vasco : qui aime bien, chambre bien

Qui sont les plus grands rivaux des clubs de football cariocas ? Pas ceux de São Paulo, non, les autres équipes de Rio ! A chaque journée de championnat, les supporters de Flamengo, Fluminense, Botafogo et Vasco da Gama adorent avant tout se moquer de leurs homologues en cas de résultat négatif de leur club. Les plaisanteries et autres mèmes, toujours les mêmes, envahissent alors les réseaux sociaux. A l’occasion du coup d’envoi ce week-end du championnat carioca, compétition régionale de présaison, Bom Dia Brésil a demandé à des supporters des quatre grands clubs de la Cidade Maravilhosa de nous raconter comment ils (mal)traitent leurs rivaux.

Flamengo : le club mal famé, sans stade, qui se la raconte

- Vous savez quelle est la prison la plus petite du monde ?
- Le maillot de Flamengo, parce qu'un seul criminel tient dedans !

Le club le plus populaire de Rio, du Brésil et même du monde jadis, fait forcément des jaloux du côté de ses rivaux cariocas. Une notoriété telle que sa base populaire a fini par être la plus visible et faire l’objet de rejet de la part des supporters adverses. « C’était un club comme les autres avant le début des années 1980 (l’ère glorieuse avec Zico, ndr), et à travers l’exposition médiatique, Flamengo est devenu très populaire notamment auprès des habitants des périphéries, c’est pour cela qu’on dit que c’est un club de bandidos (criminels), parce qu’à chaque fois qu’il y en a un qui se fait prendre, il porte le maillot de Flamengo », explique Neto, supporter de Botafogo. Pour Charles, flamenguista, cette image de « club des pauvres » est même plus ancienne : « J. Carlos, célèbre dessinateur de presse du début du 20e siècle et vascaino fanatique, représentait toujours les marginaux avec un maillot de Flamengo ». Mariana, qui soutient Fluminense, se dit tout de même gênée de cette association : « Lorsque l'on marque un but contre Flamengo, les supporters chantent "Silence, silence dans la favela !" ». Mais, selon elle, les Rubro-negros ont su s'approprier également le chant lorsque le but est en leur faveur : « Fête, fête dans la favela ! »

Neto a une autre moquerie en stock : « Flamengo est un club célèbre, d’accord, mais ils n’ont même pas de stade ». Contrairement à Botafogo et Vasco, le Mengão n’a en effet aucune arène qui lui est propre, devant partager le Maracana avec Fluminense.

Mais la vanne la plus récente et particulièrement en vogue ces dernières saisons porte sur le cheirinho (« odeur »), un mème créé par les propres supporters de Flamengo qui s’est retourné contre eux. « Sous prétexte de quelques victoires consécutives, ils se croyaient déjà champions, sentaient "l’odeur" du titre, mais ils ne l’ont pas obtenu donc on leur ressort à chaque défaite », sourit Neto.


« La nouvelle mascotte de Flamengo »

Adenilson, qui soutient Vasco, n’a pas non plus supporté le mème « Suivez le leader » bombardé par les Flamenguistas à chaque fois qu’ils étaient en tête du championnat l’an dernier. « Ils se la racontent trop et sont impatients, pensant plus aux titres qu’à la gestion du club, qui est mauvaise », insiste-t-il.

Fluminense : le club de l’élite et de toutes les attaques homophobes

« Fluminense, c’est une équipe qui a des racines élitistes, berceau de la sélection brésilienne, qui a construit le premier stade de football du Brésil et dont les supporters ont conservé cet excès de préciosité, cette fierté de leurs origines nobles », indique Charles. « Le supporter Tricolor a une condition sociale meilleure, il est plus élégant, plus éduqué », confirme Adenilson. Des stéréotypes bourgeois, alimentés donc par ses propres supporters, qui en font le club carioca le plus raillé avec des attaques principalement homophobes. La raison ? « C’est un club de la zone sud de Rio, où il y a beaucoup de gays », souffle Neto.

Mais une anecdote historique a surtout servi les supporters rivaux dans cet élan. « A l’époque où les noirs ne pouvaient pas jouer au football, Fluminense avait un joueur noir qu’il maquillait avec de la poudre de riz pour le blanchir, et le maquillage, c’est pour les femmes hein ! » poursuit Neto. La version officielle du club de Laranjeiras est bien différente : le joueur en question, Carlos Alberto, star locale des années 1910, a toujours utilisé de la poudre de riz après le rasage ; il a été pris en grippe par les supporters de l’América après avoir quitté le club pour Fluminense et la version « honteuse » de l’histoire aurait pris le dessus sur la vérité après avoir été reprise par tous les supporters rivaux. La poudre de riz a ensuite été un élément utilisé par les aficionados Tricolor qui en jetaient des tribunes en hommage à Carlos Alberto.

« Mais ce n’était pas le seul, d’autres joueurs noirs ont été maquillés, alors qu’ils étaient des vedettes au Vasco et à Flamengo », persiste Charles. Si le caractère homophobe ne semble pas déranger nos supporters, cet acharnement est néanmoins « très exagéré », concède Adenilson. Même si elle échappe à ces attaques parce qu'elle est une femme, la Tricolor Mariana trouve pour sa part « qu'une grande partie est choquante, infantile et de très mauvais goût ». « Les supporters croient qu'au football, tout peut passer, le racisme comme l'homophobie », déplore-t-elle.

Que les avocats nous aident, amen

La supportrice accepte plus volontiers les plaisanteries liées aux étranges manoeuvres qui ont permis à son club de coeur de bénéficier de grands avantages à plusieurs reprises. Comme en 2001, quand Fluminense est passé directement de Série C à Série A, sans passer par la B, grâce à un gigantesque imbroglio juridique national. Ou encore en 2013, quand le club de Laranjeiras a évité la relégation grâce à une perte de points in extremis d'un rival pour le maintien, sanctionné pour avoir aligné illégalement un joueur lors d'un match. « On nous traite alors d'équipe d'avocats parce que la justice tourne toujours à notre avantage », rit Mariana.

Botafogo : y a-t-il un supporter chouineur dans le stade ?

Botafogo a perdu / Il n'y a personne à chambrer

Le Glorioso est le club le plus épargné par ses rivaux. En cause, sa discrétion et le déclin présumé de son nombre de supporters, qui concentre les principales moqueries. « C’est une équipe qui vit de son passé, mais faute de grandeur et de titres récents (le dernier en championnat date de 1995, ndr), elle a perdu beaucoup de supporters, qui restent néanmoins les plus passionnés », estime Adenilson.

Pour Neto, Fluminense a également fait l’objet à une époque de blagues sur son effectif réduit d’aficionados : « Dans les statistiques, ils sont toujours moins nombreux, mais Botafogo et Fluminense ont eu des résultats inverses ces dernières années, ceux de Botafogo désertant les stades et donnant cette impression ». Mariana confirme : « Quand j'étais plus jeune, des amis me téléphonaient après les défaites de Fluminense en me disant : "Désolé, c'est toi que j'appelle parce que tu es la seule supportrice Tricolor que je connaisse !" »

Mais, même Tricolor, la jeune femme n'a pas oublié l'incroyable épisode de 2008 qui a valu à Botafogo jusqu'à aujourd'hui une autre réputation auprès des Flamenguistas : celle de « pleureuse ». Révoltée par sa défaite lors de la finale du championnat carioca contre Flamengo, l'équipe entière de Botafogo se rend en salle de presse pour dénoncer l'arbitrage, certains joueurs avec les larmes aux yeux. Il n'en faudra pas plus pour que les supporters rubro-negros transforment cela en vaste moquerie, reprise par les joueurs de leur équipe - et d'autres ! -, qui n'hésitent pas à faire semblant de pleurer pour commémorer leurs buts inscrits contre Botafogo.

Vasco da Gama : vice, relégué, ou les deux

La dernière fois que Vasco a gagné en championnat, Pelé était la révélation de Santos

Les blagues autour du Gigante da Colina ont évolué ces dix dernières années. La faute à des résultats en dents de scie depuis 2008 et la première relégation historique du club en Série B – deux autres suivront. Sa difficulté à se maintenir en Série A ces dernières saisons fait que les moqueries récurrentes se concentrent sur cette étiquette de perdant, constamment aux portes de la relégation. « C’est la pire équipe de Rio, ils sont en totale perdition depuis dix-douze ans, on trouve toujours quelque chose, récemment on leur a même coupé l’eau parce qu’ils n’avaient plus de quoi payer leurs factures », rigole Neto.

Mais avant cette piteuse période récente, Vasco avait une réputation déjà plus prestigieuse. C’est au début des années 2000 que les supporters de Flamengo – la torcida la plus chambreuse, de l’avis de tous - ont enfin trouvé de quoi provoquer les Vascainos. « De 1997 à 2002, Vasco était dans une très bonne période, au contraire de Flamengo. Mais entre 1999 et 2004, Flamengo a remporté quatre finales de championnat carioca contre Vasco », raconte Charles. Les Rubro-negros ont ainsi collé à Vasco l’étiquette d’éternel deuxième, le « vice », qui perd toujours en finale contre eux.


« Le champion change, mais le vice est toujours le même » (mème des supporters de Botafogo après leur victoire en finale du championnat carioca 2018 contre Vasco)

Si la charge est parfois lourde à porter, le Vascaino Adenilson la prend avec humilité : « Cette réputation fait partie du jeu et est justifiée par des faits, des résultats, donc nous ne pouvons pas nous voiler la face. »

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