La semaine dernière se tenait à la Bibliomaison du consulat général de France de Rio un débat sur la « prévention de la violence dans les contextes urbains du Brésil ». Parmi les participants : les fondations Air France et Saint-Gobain ainsi que les associations Terra dos Homens et Graines de Joie. Parrain de cette dernière, l’ancien nageur et médaillé olympique français Frédérick Bousquet, qui avait fait le déplacement dans la Cidade Maravilhosa, s’est entretenu avec Bom Dia Brésil pour revenir sur son engagement auprès de l’association marseillaise.
Pourquoi avoir choisi de vous engager pour Graines de Joie ?
C’est parti d’une journée que j’ai passée avec eux qui s’appelle la « Course de la solidarité ». La journée consiste à démarcher des écoles notamment de Marseille, où j’habite, et de solliciter les élèves pour une course où chacun a la responsabilité de trouver un ou deux sponsors. Graines de Joie avait alors approché l’école où ma fille est scolarisée et m’avait demandé de parrainer cette journée de sport. J’ai rencontré les membres de l’association pour comprendre mieux son but, mais à aucun moment ils ont voulu me la vendre. C’est cela que j’ai le plus apprécié car en tant que sportif, on est très souvent approché pour représenter des associations et j’en ai parrainé beaucoup de manière exceptionnelle, mais je n’avais jamais eu cette connexion que j’ai aujourd'hui avec Graines de Joie. A voir leur engagement et dévouement, je me suis dit que c’est gens-là allaient me faire « grandir » en tant qu’homme. C’est moi qui leur ai demandé de devenir le parrain de l’association, c’était la première fois que je faisais une telle démarche. Cela fait maintenant cinq ans que je suis avec eux et même si c’est eux, Pablo, Laurent et les autres membres du bureau de l’association, qui font tout le travail de fond, cela me permet de vivre des moments particuliers que j’apprécie.
Justement, en tant que parrain, quel est votre rôle dans l’association ?
Je pourrais avoir deux rôles. Le rôle tout simple de représentation, celui que j’appelle vulgairement de « potiche ». Et puis il y a le rôle que j’ai décidé de prendre avec eux : celui d’essayer de m’investir plus, de venir sur les missions et d’essayer de communiquer un maximum sur l’association. Ainsi, à travers la « petite » notoriété que j’ai grâce à ma carrière sportive, j’essaye de lever des fonds. C’est dans ce sens que j’ai participé à l’émission Fort Boyard il y a quelques années, où les fonds gagnés ont été pour l’association. J’ai refait une émission qui sera diffusé cet été dont les fonds récoltés seront également reversés à Graines de Joie. J’essaye ainsi de participer à mon niveau à la réussite de l’association.
Graines de Joie agit également en Roumanie, au Burkina Faso et en France, quelles sont les particularités du Brésil ?
Au Brésil, on est beaucoup sur la petite enfance, en tout cas historiquement, car au final, on s’est également investi sur l’adolescence. On a développé depuis l’an dernier une école de formation à certains métiers à Campo Grande (zone ouest de Rio, ndr). En fait, au Brésil, on est essentiellement sur de l’action dans les favelas pour venir en aide aux enfants, mais également à leurs parents car on se rend compte que pour beaucoup de ces enfants, la situation des parents est parfois dramatique. Certains grandissent sans parents, d’autres grandissent avec un papa qui vend de la drogue ou une maman qui se prostitue. Pour résumer, notre but est d’accompagner ces enfants vers un épanouissement personnel et essayer, tout simplement, de rendre leur quotidien un peu plus agréable.
Etiez-vous déjà venu au Brésil en dehors des projets de Graines de joie ?
C’est ma quatrième mission au Brésil. J’ai toujours essayé, ici, d’apporter une certaine exposition médiatique. Par exemple, après les jeux Olympiques de 2016, après ma course, j’ai organisé une visite, c’était d’ailleurs ma première, des crèches que l’on a construites. Un journaliste français nous a suivis. Cette exposition médiatique, elle est importante, car c’est le levier de réussite de nos actions.
Sur ce sujet de la sensibilisation, lors du débat, vous avez établi un rapprochement entre Notre-Dame et votre cause pour expliquer l’importance de la médiatisation, est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?
Ce qu’il s’est passé avec Notre-Dame et les fonds énormes qui ont été récoltés pour reconstruire cet emblème de la France est justement la démonstration de ce besoin pour une cause d’être médiatisée pour réussir. Tout le monde a vu Notre-Dame brûler et ne pense pas tous les jours aux enfants qui sont dans la rue à Rio. A partir du moment où on montre ce qui ce passe pour ces jeunes enfants, il n’y a même pas besoin d’apporter un message supplémentaire. Tout le monde comprend bien que ces enfants n’ont pas demandé à être là. A propos de Notre-Dame, je ne critiquerai jamais ceux qui ont donné, mais je pense qu’on devrait plus se concentrer sur l’humain que sur le matériel. Encore une fois, tout cela est toujours un enjeu de médiatisation et de sensibilisation. Bien sûr Notre-Dame est un emblème magnifique qui participe à l’économie de notre pays, etc. mais si demain nos enfants ne sont pas en mesure d’apprécier un emblème historique ou culturel, alors cela ne sert à rien.
Et à propos de Rio, quelle est votre vision de la ville ?
Je m’y sens bien. Je prends beaucoup de plaisir à venir ici car malgré les nombreuses difficultés que les gens rencontrent, il y a une véritable joie de vivre que les Cariocas extériorisent. C’est bête à dire, mais j’ai une vision d’une ville qui sourit. Je vis à Marseille depuis 2012 et je trouve beaucoup de similitudes entre les deux. Il y a beaucoup d’écart de revenus, de situations. La façon dont la ville est tenue également, c’est un réel capharnaüm, mais au final, ce sont les gens qui tiennent cette ville. Ce sont les habitants qui la font vivre. Les premières fois que je suis venu, j’avais de grosses appréhensions, notamment sur les questions de sécurité, mais au final, tu viens à Rio et tu vois que ce n’est pas plus ou pas moins dangereux que dans d’autres grandes villes européennes.
Durant votre carrière, avez-vous fréquenté des nageurs brésiliens ?
Oui, bien sûr, d’ailleurs les deux nageurs avec qui je suis resté en contact depuis que j’ai raccroché sont deux nageurs brésiliens : Bruno Fratus et Nicholas Santos. J’ai également longtemps nagé avec César Cielo, qui vit à São Paulo. J’ai encore de bons contacts avec eux. Malheureusement ils sont en Europe car ils continuent encore la compétition, mais j’aimerais bien un jour qu’ils viennent avec moi sur une mission dans les favelas car, par exemple, quelqu'un comme Bruno n’a jamais eu l’occasion de se rendre dans une favela. J’aimerais beaucoup lui montrer ce qu’on fait avec Graines de Joie.
Une dernière question sur votre avenir en dehors de Graines de Joie, avez-vous des projets particuliers ?
Je termine mon mandat de conseiller municipal à Marseille sans projet particulier pour la suite. Je ne sais pas si cela va se renouveler dans un an avec les élections municipales. Je travaille également dans l’immobilier aujourd'hui, mais ce qui m’anime beaucoup depuis un certain temps, ce sont des séminaires en entreprise que je dirige. Ils me permettent d’avoir le temps de porter une réflexion sur mon propre parcours pour pouvoir la transmettre car au final, ce que j’ai vécu dans les bassins n’est pas forcément très différent de ce que les employés vivent dans leur entreprise.